Contexte
Le présent document a d’abord été publié en avril 2006 par le Ministère. Dix ans plus tard, le Ministère en a fait une nouvelle édition pour tenir compte des plus récentes études scientifiques, notamment celle de l’Institut national de santé publique du Québec (Samuel et al. 2016).
Ce document se compose de 25 « questions et réponses » liées à des préoccupations fréquemment soulevées. Il décrit aussi la démarche suivie par le Ministère pour veiller à la protection de la qualité de l’environnement et de la santé humaine.
Des références scientifiques et des hyperliens utiles sont présentés à la fin du texte.
Un document de questions et réponses sur les composts et les digestats urbains est également disponible en ligne (PDF, 387 ko).
Figure 1 - Journée portes ouvertes à la station d’épuration de Sainte-Marie (Beauce) - Photo : MDDELCC |
Les boues d’épuration sont le produit du traitement des eaux usées. Elles sont notamment produites par plus de 800 stations d’épuration des eaux usées municipales au Québec (figure 1).
Selon le type d’eaux usées à traiter, on peut générer une boue municipale, papetière ou agroalimentaire. En général, ces boues ont une texture solide ou pâteuse à la sortie de l’usine. Les boues municipales qui ont fait l’objet de traitements de désinfection sont appelées « biosolides » municipaux et elles peuvent être épandues. Les traitements biologiques qu’on applique dans la plupart des usines permettent aussi de réduire les odeurs et de détruire plusieurs contaminants organiques biodégradables.
Les biosolides municipaux, papetiers et agroalimentaires sont une partie de ce qu’on appelle les « matières résiduelles fertilisantes » (MRF). Parmi les MRF, on trouve aussi d’autres résidus urbains ou industriels capables d’engraisser ou d’amender le sol, comme les cendres de bois et les composts de feuilles et de gazon. Leur épandage contrôlé est considéré comme du recyclage, puisqu’il permet le retour au sol des nutriments et de la matière organique afin de poursuivre le cycle de production végétale.
Seules les MRF qui satisfont aux exigences de qualité du Ministère peuvent être épandues sur les sols agricoles. Selon l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ), les teneurs limites en contaminants chimiques prescrites par le Ministère seraient parmi les plus sévères dans le monde (Samuel et al., 2016). Les biosolides et les MRF qui ne satisfont pas à ces exigences doivent être traités ou éliminés par incinération ou par enfouissement.
Les premiers essais d’épandage au Québec remonteraient aux années 1960 (Scott, 1968). Au début des années 1980, le gouvernement du Québec a approfondi le dossier de la gestion des boues municipales dans le cadre du vaste Programme d’assainissement des eaux usées du Québec (PAE). Rappelons que le PAE était doté d’un budget de sept milliards de dollars destinés à la construction de centaines d’usines d’épuration des eaux usées municipales. Outre les modes courants de gestion des boues (enfouissement et incinération), le Ministère et la Société québécoise d’assainissement des eaux ont également retenu la filière du recyclage des boues de qualité. Sur la base d’études étrangères, le Ministère a publié son premier guide de bonnes pratiques, il y a plus de trente ans (MENV, 1984).
Les premières études scientifiques sur le recyclage agricole des boues au Québec ont suivi, au milieu des années 1980. Elles ont été réalisées par différents organismes de recherche et ont impliqué la participation de plusieurs villes dont Danville, Hull, Jonquière, Québec, Sainte-Agathe-des-Monts, Saint-Agapit, Saint-Hyacinthe et Victoriaville (CQVB, 1990). Le guide a ensuite fait l’objet d’une première révision approfondie en 1991. Il a été élargi en 1997 pour couvrir d’autres types de MRF recyclées à des fins agricoles, sylvicoles ou autres. Il a été revu périodiquement au fil des ans pour tenir compte de l’avancement des connaissances et des plus récents travaux du Bureau de normalisation du Québec (BNQ) sur les biosolides municipaux, les composts et les résidus chaulants industriels.
Pour plus d’information sur l’historique du dossier, on peut consulter la section 2 du Guide sur le recyclage des matières résiduelles fertilisantes.
Figure 2 Épandage de biosolides municipaux sur une ferme du Saguenay. En arrière-plan : les monts Valin - Photo : Guy Gagnon, Ville de Saguenay |
Comme les fumiers de ferme, les biosolides municipaux sont particulièrement riches en azote, en phosphore et en matières organiques. Ces « fumiers humains traités » sont donc potentiellement utilisables pour fertiliser les sols agricoles, s’ils ont la qualité voulue. Ils peuvent également être transformés en un compost inodore et vendus pour l’aménagement paysager et pour d’autres utilisations.
L’épandage en agriculture est particulièrement utile pour les fermes qui ont peu ou pas d’animaux et qui produisent des végétaux comme le maïs-grain et le soya, dont le travail du sol entraîne souvent une perte de matière organique du sol. À Saguenay, des agriculteurs utilisent régulièrement des boues depuis plus de 20 ans (Brochart, 2014), ce qui leur permet d’enrichir les sols, d’augmenter les rendements et de réduire les coûts d’achats d’engrais minéraux.
Pour la plupart des stations d’épuration municipales, le recyclage est moins coûteux que l’élimination; il permet de faire des économies et d’investir davantage dans le traitement des eaux usées, ce qui est la mission première des stations d’épuration.
Sur le plan environnemental, une étude réalisée par l’Université du Québec à Chicoutimi a montré que l’épandage des biosolides municipaux permet de réduire les émissions de GES, contrairement à l’enfouissement et à l’incinération (Villeneuve et Dessureault, 2011). Cela va dans le sens de la lutte contre les changements climatiques (voir aussi la question 20).
Figure 3 Pourcentage des superficies agricoles cultivées recevant diverses matières fertilisantes |
Figure 4 Répartition de la gestion des boues municipales au Québec en 2015 (estimation). La majeure partie des boues recyclées l’ont été sur des terres agricoles. |
En 2015, on a épandu plus de 1,3 million de tonnes de MRF sur les sols du Québec, dont 0,3 millions de tonnes de biosolides municipaux. Plus de 70 % de ces MRF ont été épandues sur des terres agricoles. Il s’agit de quantités importantes comparativement aux autres filières de recyclage des résidus (papier, plastique, verre et métal).
Environ 1 700 entreprises agricoles ont utilisé des MRF en 2015, dont 600 ont utilisé spécifiquement des biosolides municipaux. Toutefois, ce recyclage de MRF impliquait moins de 5 % des sols agricoles du Québec en 2015 (figure 3), dont le tiers (1,5 %) ont reçu des biosolides municipaux. L’ensemble des MRF comptait pour 3 % des apports en phosphore sur les sols agricoles, contre 31 % pour les engrais minéraux et 66 % pour les fumiers.
Les biosolides municipaux ont été principalement épandus pour fertiliser des cultures destinées à l’alimentation animale et qui sont exigeantes sur le plan de la fertilisation, comme le maïs-grain. Il y a également des usages en sylviculture et pour la végétalisation de sites dégradés. Au total, on estime que plus de 40 % des boues municipales produites en 2015 ont été recyclées (figure 4).
À la fin des années 1990, des intervenants ont allégué un lien entre la mort de trois personnes aux États-Unis et l’épandage de biosolides municipaux. Ces allégations avaient été reprises par certains médias, mais l’Agence américaine de protection de l’environnement (USEPA, 2003) a adopté la position suivante : « In summary, there has been no causal connection whatsoever established between the deaths of Shayne Conner, Tony Behun or Daniel Pennock and exposure to landapplied sewage sludge. Therefore, EPA does not agree that any of these cases provide a reasonable basis for banning land application of sewage sludge ». Ainsi, aucune relation de causalité n’a pu être établie entre le décès de ces personnes et l’épandage des biosolides aux États-Unis. La position de l’USEPA se fondait notamment sur des avis médicaux.
L’INSPQ, au terme d’une revue de littérature (Samuel et al., 2016), rapporte que, pour les biosolides municipaux, « il n’y a pas eu d’épidémie ou d’excès de maladies documentées scientifiquement ». Une revue de littérature réalisée pour le Réseau canadien de l’eau (McCarthy et al., 2015) conclue que, selon la réglementation actuelle en vigueur au Canada, les risques microbiens seraient faibles à nuls pour la population.
Selon le Dr Payment (1993), ancien virologue à l’Institut Armand-Frappier, plus de 99 % des virus des matières fécales sont détruits pendant le traitement des boues municipales exigé par le Ministère aux fins de recyclage. Le compostage, le séchage et le traitement à la chaux détruiraient même les virus à plus de 99,99 %. Au terme d’une évaluation des risques pour la santé humaine, le Dr Payment a conclu que « la probabilité d’infection est nulle pour les passants et pour les consommateurs de légumes ou d’eau souterraine pour plusieurs types d’utilisation ». Mentionnons qu’au Québec, l’épandage de biosolides municipaux pour la production de fruits et légumes est interdit (sauf pour les produits certifiés BNQ qui rencontrent le plus haut niveau de désinfection).
Soulignons par ailleurs que les virus pathogènes ne peuvent recroître dans les biosolides et les sols, car ils ont besoin d’un hôte vivant (humain) pour se reproduire. On trouvera plus d’information sur la gestion du risque viral dans un article de la revue Agrosolutions (Hébert, 2005a).
Cela dépend du type de traitement des boues. Les biosolides sont régulièrement analysés par les municipalités, qui s’assurent de l’absence de salmonelles dans les biosolides de catégorie P1 (niveau de désinfection maximal). C’est notamment le cas des biosolides séchés à haute température à Laval. Ce produit commercial, le Granmix, est certifié par le BNQ. Il est parmi les seuls biosolides municipaux à pouvoir être épandus sur tout type de culture.
Les biosolides qui sont partiellement désinfectés (catégorie P2) peuvent toutefois contenir des salmonelles et d’autres bactéries, même si celles-ci sont généralement détruites à plus de 90 %. Par mesure préventive, ces biosolides font l’objet de plusieurs restrictions d’épandage. De plus, l’Agence canadienne d’inspection des aliments (ACIA) interdit leur vente en sac ou en vrac, en vertu de la Loi sur les engrais.
À titre comparatif, mentionnons que la plupart des fumiers et des lisiers contiennent des salmonelles (Hébert, 2005b). Les composts domestiques faits de résidus végétaux peuvent également contenir des bactéries faiblement pathogènes, du genre Klebsiella, qui sont naturellement présentes dans l’environnement (Brassard et al., 1999; Hébert, 2005a).
Des chercheurs de l’Université de l’Arizona (Zaleski et al., 2005) ont toutefois montré qu’avec certains biosolides séchés de type P1, il pouvait y avoir recroissance des salmonelles, à la suite de la réhumectation des boues séchées lors du stockage extérieur. C’est pourquoi le Ministère a intégré dès 2006 des mesures préventives supplémentaires.
Au Québec, les risques microbiens les plus importants concernent l’épandage de boues de fosses septiques fait sans autorisation ou de façon non conforme. La Fédération des producteurs de bovins du Québec a sensibilisé les agriculteurs aux risques liés à de telles pratiques, en publiant un article de vulgarisation réalisé en collaboration avec le Ministère (Anonyme, 2000). Les agriculteurs doivent donc s’assurer que l’épandage soit toujours fait sous la supervision d’un agronome et conformément aux exigences du Ministère.
L’article 11 du Règlement sur les déchets biomédicaux interdit le rejet des déchets biomédicaux des hôpitaux dans les égouts, et ces déchets font l’objet d’une gestion séparée. En outre, le tri des corps étrangers (plastiques et autres) est obligatoirement réalisé à la station d’épuration, soit à l’entrée des eaux usées, soit lors de l’évacuation des boues. Les équipements de dégrillage permettent de retirer la plupart des corps étrangers et de les envoyer au rebut.
La tragédie de Walkerton, qui a coûté la vie à sept personnes en 2000, résulte de la consommation d’une eau contaminée par du fumier de bovins et de l’absence d’un traitement approprié de l’eau potable par la municipalité (eau du robinet). La principale bactérie en cause était la souche E. coli O157:H7, également responsable de la « maladie du hamburger ». Cet événement était donc lié à la gestion des fumiers de ferme en Ontario et à des lacunes dans le traitement de l’eau potable (Chevalier et al., 2004).
Au Québec, on n’a pas observé de cas d’encéphalopathie spongiforme bovine (ESB), communément appelée « maladie de la vache folle ». Par ailleurs, une éventuelle épidémie d’ESB est peu probable, étant donné les mesures que les différents ordres de gouvernement au Canada ont prises depuis les années 1990.
La législation fédérale de 2006 a notamment introduit des mesures préventives pour faire en sorte que les matières à risque spécifiées (MRS), pouvant théoriquement contenir des prions, ne puissent se retrouver dans les boues d’abattoirs ou dans les boues municipales. Avec le renforcement des normes fédérales, le risque de transmission de l’ESB à l’humain, à la suite d’un épandage de boues s’avère négligeable au Québec, selon un avis du ministère de la Santé et des Services sociaux de septembre 2007 (cité dans MDDELCC, 2015).
Entre 30 et 90 % des antibiotiques ingérés par les humains sont excrétés avec l’urine (WEAO, 2001) et se retrouvent ensuite dans les eaux usées. Selon une étude réalisée pour le Conseil canadien des ministres de l’environnement (CCME), les quantités contenues dans les biosolides sont cependant très faibles. Rarement détectées, leurs teneurs sont généralement inférieures à une partie par million (Hydromantis [2010] cité par Hébert [2011]).
En effet, seule une proportion de la population prend des antibiotiques à un moment donné durant l’année, ce qui fait que les résidus d’antibiotiques sont fortement dilués dans les eaux usées. Par ailleurs, plusieurs antibiotiques sont dégradés pendant le traitement des eaux usées ou durant les traitements de boues subséquents, comme le compostage. Selon les travaux du Dr Topp (2014), d’Agriculture et Agroalimentaire Canada, seuls les antibiotiques de synthèse de la famille des fluoroquinolones se retrouvent en quantités non négligeables dans les boues municipales. Finalement, les antibiotiques résiduels dans les biosolides sont progressivement dégradés par les microorganismes du sol, à la suite de l’épandage.
Le sujet des antibiotiques excède le domaine de l’épandage des biosolides municipaux. En effet, plus de 80 % des antibiotiques vendus au Canada sont utilisés à des fins vétérinaires, principalement pour traiter les animaux de ferme (Samuel et al., 2016). Les antibiotiques se retrouvent donc éventuellement dans les fumiers de ferme, lesquels sont épandus sur des superficies trente fois plus importantes (voir la figure 3).
En outre, selon une étude de l’INSPQ (Samuel et al., 2016), le principal risque associé aux antibiotiques n’est pas leur transfert dans les végétaux cultivés avec des fumiers ou des biosolides. Il s’agit plutôt du risque de sélection de bactéries résistantes aux antibiotiques, comme la salmonelle var. Dublin dans le fumier de bovins ou le C. difficile dans certains biosolides de catégorie P2 (désinfection à plus de 90 %).
Une étude réalisée pour le Réseau canadien de l’eau (McCarthy et al., 2015) conclue qu’au Canada la contribution de l’épandage des biosolides au risque global lié à l’antibiorésistance serait marginal. En effet, les mesures appliquées pour la destruction des bactéries permettent de réduire le risque lié à l’antibiorésistance (CRAAQ, 2010; Samuel et al., 2016). De tels traitements sont d’ailleurs obligatoires avec les biosolides municipaux pour l’atteinte des catégories P1 et P2. Dans le cas des biosolides de Laval, de type P1 et certifiés BNQ, la destruction microbienne par séchage thermique est quasi totale.
Oui. Cependant leurs quantités sont considérées comme faibles et elles ont grandement diminué en raison de la récupération obligatoire des huiles usagées. De plus, le Règlement sur les matières dangereuses interdit de rejeter dans les égouts les huiles usées considérées comme matières dangereuses.
Outre ces mesures préventives, qui permettent de réduire à la source la contamination des égouts, les hydrocarbures et les huiles végétales usées des restaurants font également l’objet d’un suivi particulier dans les stations d’épuration municipales, puisqu’ils peuvent entraver le bon fonctionnement des stations. Plusieurs hydrocarbures et huiles végétales résiduels sont également détruits par les procédés biologiques de traitement des eaux usées, le compostage et l’activité microbienne du sol à la suite de l’épandage. Dans une étude visant à déterminer les contaminants des biosolides qui doivent faire l’objet d’un suivi ou d’études supplémentaires, la Water Environment Association of Ontario (2001) n’a pas retenu les hydrocarbures pétroliers facilement biodégradables.
Quant aux hydrocarbures moins facilement dégradables, comme les hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP), des études ont démontré que leurs teneurs sont très faibles, notamment dans les composts de boues municipales produits au Québec (Groeneveld et Hébert, 2003a).
Figure 5 Évolution de la teneur en plomb dans les biosolides municipaux à la station d'épuration de Jonquière (Saguenay). Les traits pointillés indiquent la teneur naturelle des sols de la région (tiré de Perron et Hébert, 2008). |
Les teneurs en métaux lourds, comme le cadmium, le mercure et le plomb, ont fortement diminué au cours des dernières décennies. Cette diminution fait suite aux multiples restrictions dont la fabrication des biens de consommation a fait l’objet, comme le bannissement de la peinture au plomb, et à des mesures permettant de réduire la contamination des eaux usées, comme la récupération des amalgames dentaires et les prétraitements des eaux usées dans les industries. À titre d’exemple, les quantités de plomb et de cadmium contenues dans les biosolides de Saguenay n’excèdent pas les teneurs naturelles des sols agricoles de la région (figure 5).
Une étude récente réalisée par le Dr Khiari, de l’Université Laval, a également confirmé de faibles teneurs en cadmium, en mercure et en plomb dans les cendres d’incinération des boues municipales de Montréal et de Longueuil (Khiari et Hébert, 2015).
Quant aux oligoéléments utiles aux plantes et aux animaux, comme le cuivre, le cobalt, le nickel, le molybdène, le sélénium, le zinc et même l’arsenic, leurs teneurs dans les biosolides municipaux correspondent généralement à celles qu’on trouve dans les engrais de ferme (Perron et Hébert, 2007).
De son côté, la Soil Association (2010), principale organisation d’agriculture biologique au Royaume-Uni, a recommandé à l’Union européenne de permettre l’épandage des biosolides municipaux dans les cultures biologiques, car les boues ont changé.
En ce qui concerne la qualité des sols récepteurs de boues, une étude réalisée au Saguenay a montré que les teneurs en métaux lourds y étaient limitées et très sécuritaires, même après 12 saisons d’épandage (Perron et Hébert, 2008). Dans une étude portant sur les fermes laitières au Saguenay, réalisée par le Ministère en collaboration avec l’Université du Québec à Montréal (UQAM), on n’a vu aucun impact sur la teneur en éléments traces inorganiques dans le lait provenant des fermes ayant reçu des biosolides sur une moyenne de 11 années (Hébert et al., 2011).
En France, l’Institut national de la recherche agronomique (INRA) a suivi des parcelles de longue durée qui ont reçu des boues pendant 16 ans. Il conclut à l’innocuité de cette pratique sur la qualité des sols récepteurs et sur la qualité des végétaux (Collet, 2014) (voir aussi la question 17 qui documente le très faible taux de transfert de contaminants dans les végétaux, notamment dans les fruits et légumes).
Pour ce qui est de l’impact de l’épandage des biosolides sur la qualité de l’eau, plusieurs études ont été réalisées par Agriculture et Agroalimentaire Canada, sous la supervision du Dr Topp (2014). Ces études montrent de faibles teneurs en contaminants dans les eaux de surface et de drainage souterrain, sous les seuils de toxicité, notamment pour les composés de type hormonal, les retardateurs de flamme et des bactéricides comme le triclosan et le triclocarban.
Les faibles teneurs dans l’eau de drainage permettent aussi de conclure à de faibles niveaux de transport vers l’eau souterraine. Toutefois, au printemps 2001, les médias ont fait état de malaises ressentis par des citoyens de Clarendon, en Outaouais, qui auraient été attribuables à la contamination de puits privés, à la suite de l’épandage d’un type particulier de biosolides de papetières. En fait, après analyse de l’eau des puits et évaluation des plaintes, les autorités sanitaires ont diffusé un communiqué indiquant qu’aucun puits n’avait été contaminé. Les malaises étaient plutôt attribuables aux odeurs nauséabondes. En 2002, l’épandage de ce type de résidu fortement malodorant a été interdit, en raison des nuisances.
Au terme d’une évaluation globale des risques liés à l’épandage agricole des biosolides municipaux, y compris la possible diffusion de contaminants des sols vers l’eau, l’INSPQ (Samuel et al., 2016) conclut qu’en vertu de la réglementation québécoise, les risques pour la santé humaine sont faibles et sous les niveaux acceptables (voir la question 18).
Le problème de la toxicité aquatique des eaux usées a motivé l’implantation des stations d’épuration au Québec dans les années 1980 et 1990. Cependant, cette toxicité ne découle pas principalement de la présence de produits chimiques industriels ou de synthèse; elle est surtout liée à des composantes naturelles, soit la matière organique ainsi que l’azote ammoniacal et le phosphore de l’urine et des excréments. Paradoxalement, ces composantes sont bénéfiques pour les sols et les cultures.
Par analogie, un poisson dans un aquarium s’intoxique à cause de son propre fumier. L’eau doit donc être filtrée ou changée régulièrement. Par contre, l’eau usée d’un aquarium est un excellent engrais pour les plantes d’intérieur, pourvu qu’on observe les règles élémentaires de l’hygiène (se laver les mains). De la même façon, les fumiers « humains » ou de ferme sont toxiques pour les poissons, lorsqu’ils sont déversés illégalement dans les cours d’eau. Cependant, ils deviennent un engrais efficace lorsqu’ils sont épandus sur les sols, aux bonnes doses et suivant les mesures préventives prescrites pour la protection de l’eau.
Des études de toxicologie en laboratoire ont été menées par l’équipe du Dr McCarthy de l’Université Ryerson de Toronto (McCarthy et al., 2016) afin de mesurer l’effet de l’épandage de divers types de biosolides sur les organismes aquatiques, en simulant une pluie torrentielle. En général, l’eau de ruissellement et de drainage provenant des sols amendés n’a pas causé de toxicité pour les poissons et autres organismes indicateurs de la qualité de l’eau. Toutefois, avec un organisme planctonique, une légère toxicité a été observée en laboratoire, mais elle était attribuable à l’azote ammoniacal, un constituant naturel des biosolides et des fumiers. Les auteurs concluent que cette situation est peu probable en conditions réelles d’épandage au champ.
De récentes recherches menées sur le terrain par Agriculture et agroalimentaire Canada (Topp, 2014) ont montré que les biosolides augmentent les populations de vers de terre et de vers non segmentés utiles dans les sols. Les teneurs en triclosan et en triclocarban dans les vers de terre ont toutefois augmenté, mais sans incidence toxicologique observable. Comme avec l’épandage des fumiers, une toxicité est toutefois possible chez certains types de vers si les doses d’azote (ammoniacal) sont au-dessus des apports au sol permis au Canada (McCarty et al., 2015).
Des essais réalisés à l’Université Ryerson de Toronto (McCarthy et al., 2016) ont également confirmé l’absence de toxicité pour les collemboles (petits insectes utiles utilisés comme indicateurs de la qualité du sol) avec des sols amendés par divers types de biosolides municipaux. Ces essais portaient sur la survie des collemboles et leur reproduction sur plus d’une génération.
Une étude de l’Université de l’État de Washington, à Seattle (Brown et al., 2005), a par ailleurs montré que les biosolides municipaux favorisaient l’établissement des vers de terre dans des sols contaminés par des activités minières, tout en réduisant la teneur en métaux lourds biodisponibles (cadmium, plomb et zinc). Les auteurs concluent que l’épandage de biosolides municipaux peut ainsi contribuer à rétablir les fonctions écologiques d’un terrain minier dégradé.
Des chercheurs de l’Institut de recherche et de développement en agroenvironnement (IRDA) ont aussi observé l’effet positif de l’épandage des biosolides papetiers sur les populations de vers de terre en sol agricole (N’dayegamiye et al., 2005).
Par ailleurs, l’épandage des biosolides municipaux augmente également la biomasse et l’activité enzymatique des microorganismes du sol, sauf avec des boues qui seraient fortement contaminées en métaux lourds (McCarthy et al., 2015). Ces boues ne peuvent être épandues au Québec.
Les retardateurs de flamme bromés (diphényles éthers polybromés ou PBDE), que l’on retrouve encore dans plusieurs produits domestiques, ont fait l’objet de préoccupations. En effet, on les retrouve dans les biosolides en quantités non négligeables. En outre, ils sont persistants et liposolubles, et ainsi potentiellement bioaccumulables dans les produits animaux comme le lait ou la viande. Cependant, dans les fermes laitières du Québec les plus exposées aux biosolides, on a mesuré des teneurs infimes de PBDE dans le lait de vache, de l’ordre de quelques parties par trillion (ng/L), soit des quantités 300 fois moins importantes, en moyenne, que dans le lait maternel (Hébert et al., 2011). Les teneurs plus élevées dans le lait maternel (de l’ordre de parties par milliard) s’expliqueraient principalement par l’inhalation des poussières à la maison et par la consommation de gras animal. Les écoulements vers l’eau des fossés sont par ailleurs faibles (Topp, 2014), car les retardateurs de flamme sont insolubles dans l’eau.
Au Canada, le bannissement progressif de l’utilisation des retardateurs de flamme à risque devrait se traduire à long terme par une réduction des teneurs en PBDE dans les produits carnés destinés à l’alimentation humaine, dans les poussières de maison et, par conséquent, dans les excréments humains, les eaux usées et les biosolides.
Dans les biosolides municipaux, on a observé de fortes réductions des teneurs en métaux lourds (voir la question 13) et en contaminants organiques persistants comme les BPC, les HAP et les dioxines et furannes (Groeneveld et Hébert, 2003a). Les préoccupations des scientifiques se sont donc portées sur ce qu’on a appelé les « contaminants d’intérêt émergent » (CIE).
Les CIE regroupent de très nombreuses molécules d’usage domestique courant, comme les antibiotiques (voir la question 11), les retardateurs de flamme (voir la question 16), les antibactériens de synthèse (triclosan et triclocarban), les détergents et leurs sous-produits de dégradation (dérivés des alkylphénols), les hormones naturelles et de synthèse, les médicaments, les parfums et les autres produits de soins personnels.
Une étude réalisée pour le Conseil canadien des ministres de l’environnement (CCME) a montré que les teneurs en produits pharmaceutiques et de soins personnels dans les biosolides étaient très faibles, généralement en parties par milliard (Hydromantis [2010], cité par Hébert [2011]).
Dans le cas des biosolides de Saguenay, sur les 57 produits pharmaceutiques étudiés, 37 n’ont pas été détectés, dont l’ibuprofène (Advil™) et l’acétaminophène (Tylenol™), des analgésiques abondamment utilisés, ainsi que quatre types de pénicilline, qui sont des antibiotiques couramment prescrits. Les teneurs les plus élevées, si l’on peut dire, étaient de l’ordre d’une à quelques parties par million. Il s’agissait des bactéricides triclocarban et triclosan. Cependant, ces molécules étaient dans les biosolides de Saguenay en concentrations 10 000 fois moins élevées que dans des produits commerciaux comme la pâte dentifrice et le savon de maison antibactérien (voir le tableau 1).
Tableau 1 Teneurs de quelques composés dans les produits pharmaceutiques et de soins personnels, ainsi que dans les biosolides de Saguenay, en nanogrammes par gramme, sur base humide (tiré de Hébert, 2011)
Composé |
Produit commercial |
Teneur produit
commercial |
Teneur
biosolides de Saguenay |
Triclocarban | Savon antibactérien | 3 000 000 | 250 |
Triclosan | Dentifrice, déodorant | 3 000 000 (max) | 197 |
Miconazole | Crème fongicide | 20 000 000 | 71 |
Carbamazépine | Antiépileptique/troubles de l’humeur | 200 000 000 (estimé) | 8 |
Ainsi, bien que les biosolides municipaux puissent contenir une très grande variété de produits pharmaceutiques, leurs très faibles teneurs apparaissent insuffisantes pour représenter un risque supplémentaire pour la santé humaine, comparativement à l’exposition directe à ces composés à la maison (comprimés, pâte dentifrice, savon, etc.).
En outre, après l’épandage, la plupart de ces contaminants organiques résiduels sont rapidement biodégradés dans les sols, comme dans un biofiltre ou dans un champ d’épuration de fosse septique. C’est notamment le cas des hormones naturelles qui sont dégradées moins d’une semaine après l’épandage et leur incorporation au sol (Topp, in : CRAAQ, 2010). Cela explique qu’en conditions normales d’épandage de biosolides en plein champ, des études ontariennes récentes ont indiqué une quasi-absence de transfert de contaminants d’intérêt émergent vers les fruits et légumes. C’était notamment le cas pour les hormones et les produits pharmaceutiques en général (Sabourin et al., 2012). Par ailleurs, au Québec, il demeure interdit de fertiliser ce type de cultures avec des biosolides, sauf dans le cas des produits certifiés BNQ, qui ont le plus haut niveau de désinfection.
Au terme d’une vaste étude, l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) s’est prononcé en ces termes sur le risque lié aux CIE : « Bien que les différents risques potentiels des biosolides apparaissent faibles dans le contexte de la réglementation et des normes de gestion actuelles, une veille scientifique devrait être maintenue afin d’améliorer l’état des connaissances concernant les risques microbiologiques et certains risques en lien avec des éléments chimiques et des contaminants d’intérêt émergent moins bien documentés » (Samuel et al., 2016).
Le Ministère demeure donc à l’affût des recherches menées sur d’autres CIE comme les nanoparticules, les bactéries résistantes aux antibiotiques et les perturbateurs endocriniens (effet hormonal). À ce sujet, une récente étude franco-britannique (Lea et al., 2016), réalisée sur une parcelle de recherche, a montré un effet hormonal chez les fœtus de moutons lorsque les brebis gestantes vont paître sur des pâturages fertilisés par des biosolides laissés à la surface du sol. Un effet analogue avait déjà été observé auparavant en conditions expérimentales (Catriona et al., 2005). Il s’explique par l’ingestion directe de biosolides par les brebis qui broutent au ras du sol. C’est pourquoi, dès 2007, le Ministère a interdit l’épandage des biosolides municipaux dans les pâturages (sauf les biosolides certifiés BNQ épandus en respectant les délais préventifs pour les ovins et les bovins). En pratique, aucun biosolide municipal n’aurait été épandu sur les pâturages au Québec en 2015. De son côté, l’INSPQ rapporte que l’apport d’hormones par les déjections animales est plus important que l’apport par les biosolides (Samuel et al., 2016).
Par ailleurs, le gouvernement fédéral a annoncé le bannissement des microbilles de plastique dans les produits de consommation dès 2017. À l’instar du Minnesota, il est aussi possible que le gouvernement fédéral interdise éventuellement la vente du triclosan. Le bannissement du triclocarban est également à l’étude. Le bannissement de ces produits vise principalement à réduire l’exposition directe des citoyens à la maison et la contamination de l’eau des lacs et des rivières par les rejets des stations d’épuration. Incidemment, ces réductions à la source auront aussi une influence positive sur la qualité des biosolides.
Il est impossible, selon la méthode scientifique expérimentale, de
déclarer qu’une activité quelconque est absolument sans risque. Par
ailleurs, l’expérience montre que toute activité humaine comporte des
risques.
Cependant, en ce qui concerne les risques liés aux contaminants chimiques,
l’INSPQ (Samuel et al., 2016) conclut que « de manière générale, et bien
qu’il demeure des incertitudes pour certains contaminants émergents, les
données semblent indiquer que les risques chimiques se situent sous les
seuils de risque considéré acceptable par les autorités sanitaires ».
En ce qui concerne les risques microbiens, l’étude conclut que « ces derniers sont généralement pris en compte par les pratiques de gestion en vigueur au Québec, ce qui permet de minimiser de façon très importante les risques sanitaires ».
Un collectif de chercheurs de trois universités ontariennes (Guelph, Ryerson et Trent) conclue à l’innocuité de l’épandage des biosolides municipaux selon la réglementation actuelle (Sibley et al., 2016). Les auteurs considèrent qu’il s’agit d’une pratique plus écologique que l’enfouissement qui est préconisé par certains groupes écologistes au Canada.
Du côté de la France, l’Institut national de l'environnement industriel et des risques (INERIS, 2015) en arrive à des constats similaires sur l’innocuité de l’épandage des biosolides municipaux.
Ces études récentes confirment les conclusions formulées 20 ans plus tôt par le Dr Labelle (1995), du réseau de la santé publique du Québec : « Lorsque bien encadrée, l’utilisation des boues d’épuration traitées est somme toute sécuritaire. Le risque existe toutefois dans des conditions déviantes » (pour les « conditions déviantes », voir la question 19).
En pratique, depuis plus de 30 ans que l’épandage de biosolides municipaux est pratiqué au Québec, on n’a pas recensé de cas d’atteinte à la santé causée par des contaminants chimiques ou microbiologiques. Toutefois, des inconvénients et des malaises ont occasionnellement été causés par certaines odeurs fortement malodorantes, principalement au début des années 2000 (Fortin, 2000; Thériault, 2001). Depuis, les règles sur les odeurs ont été fortement resserrées.
Au chapitre de la qualité des biosolides et des autres MRF, les études du Ministère ont permis de constater que les critères étaient respectés dans plus de 95 % des cas (Hébert et al., 2002; 2003; Hébert, 2005a;). Depuis quelques années, le niveau de conformité se rapprocherait même de 100 %. En effet, la majorité des MRF doivent maintenant faire l’objet d’un échantillonnage par une firme d’échantillonnage accréditée pour confirmer les analyses réalisées par l’usine.
Du côté des fermes réceptrices, les activités de contrôle terrain menées en 2015 ont permis de faire les constats suivants :
Moins de données sur le taux de conformité de l’épandage au champ sont disponibles, car il est plus difficile d’en faire un suivi sur le terrain. C’est pourquoi un agronome doit s’engager par écrit à bien informer l’agriculteur des contraintes d’épandage et de faire des visites terrain chez son client.
Comme suite aux inspections, quatre sanctions administratives pécuniaires (SAP) ont été imposées par le Ministère en 2015 pour l’épandage de MRF; elles impliquaient 0,2 % des fermes réceptrices.
Les situations où l’on observe le plus grand nombre de non conformités concernent les résidus agroalimentaires (odeurs) et les boues de fosses septiques (voir la question 8). Mentionnons à ce sujet qu’en 2015, cinq SAP ont également été délivrées à des entreprises commerciales spécialisées en gestion de boues de fosses septiques. La dénonciation d’activités douteuses auprès du Ministère est encouragée.
La Loi sur le développement durable au Québec a défini le principe de précaution de la façon suivante : « lorsqu’il y a un risque de dommage grave ou irréversible, l’absence de certitude scientifique complète ne doit pas servir de prétexte pour remettre à plus tard l’adoption de mesures effectives visant à prévenir une dégradation de l’environnement ».
Selon André Beauchamp (2001), ancien commissaire au Bureau d’audiences publiques sur l’environnement :
Dans le cas de l’épandage des biosolides municipaux, le principe de précaution ne trouve vraisemblablement pas d’application, car la connaissance scientifique tend à indiquer l’innocuité de la pratique selon le cadre réglementaire actuel, lequel comporte de nombreuses exigences.
Cette pratique présente d’autre part plusieurs avantages au plan environnemental, notamment une réduction des émissions de gaz à effet de serre, comparativement à l’élimination, ainsi que l’augmentation de la teneur en matière organique des sols. C’est pourquoi cette pratique est cohérente avec les objectifs et orientations de la Politique québécoise de gestion des matières résiduelles.
Cela est possible mais, en pratique, assez rare. De plus, on considère que ces produits ensachés sont aussi sécuritaires que les autres composts, car ils doivent tous respecter les normes d’innocuité de l’Agence canadienne d’inspection des aliments (ACIA), notamment l’absence de salmonelles. L’ACIA exige également la mention du terme « matière d’égout traitée » lorsque l’étiquette fait mention des ingrédients.
Selon les données les plus récentes, aucun biosolide municipal n’aurait été épandu au Québec en 2015 pour fertiliser une parcelle en culture de fruits et légumes. En effet, il est interdit d’épandre des biosolides municipaux pour cultiver des cultures destinées à l’alimentation humaine, sauf les biosolides certifiés par le Bureau de normalisation du Québec (BNQ).
En outre, la certification volontaire CanadaGAP interdit aux maraîchers l’usage de biosolides municipaux, même au cours des années qui précèdent la culture des légumes récoltés (cultures de rotation). L’usage de biosolides municipaux est aussi formellement interdit en agriculture biologique, bien que cet usage soit reconnu sécuritaire par la Soil Association (voir la question 13).
Quant aux fruits et légumes importés, la proportion qui est cultivée avec des biosolides n’est pas connue. Cependant, plusieurs industries agroalimentaires ont décidé de ne pas acheter de produits fertilisés avec des boues d’épuration municipales, en raison des craintes et perceptions de leurs clients. On rapporte toutefois des cas isolés où des aliments importés auraient été contaminés par des bactéries provenant de fumiers de fermes ou d’eau d’irrigation.
L’ACIA a le mandat de s’assurer que les produits vendus en épicerie respectent les normes fédérales de salubrité et d’innocuité. Les produits contaminés font l’objet d’avis et sont rapidement retirés des tablettes. Les contaminants les plus fréquemment observés dans les aliments sont des allergènes naturels (présence de lait, de blé, d’œufs, de soya, etc.), des bactéries (salmonelles, E. coli O157 :H7, Lysteria, etc.) et d’autres contaminants associés à la transformation des aliments. On ne rapporte pas de cas où des aliments auraient été contaminés à la suite de l’épandage de biosolides municipaux. Cependant, par le passé, certains fruits et légumes frais importés, et irrigués avec des eaux contaminées par des fumiers, ont pu contenir des agents pathogènes. De son côté, le MAPAQ administre un programme de surveillance de la qualité des fruits et légumes, notamment au niveau des pesticides et des agents microbiens.
Sur la base de l’évaluation du risque, l’étiquetage obligatoire des produits végétaux fertilisés avec des biosolides ne semble pas approprié. Toutefois, ce domaine de compétence n’est pas celui du gouvernement provincial.
Chaque mode de gestion des boues présente des avantages et des inconvénients. Le Conseil canadien des ministres de l’environnement (CCME, 2012) a toutefois recommandé de ne plus enfouir les boues, en raison des émissions fugitives de méthane (un GES) que cela produit.
Le CCME a aussi recommandé que l’incinération des boues, lorsqu’elle est retenue, soit faite de façon à réduire les émissions d’oxydes nitreux (N2O), de puissants GES, et que les cendres de combustion soient recyclées, notamment comme engrais phosphoré (voir la question 13).
Au Québec, seules trois agglomérations pratiquaient l’incinération des boues municipales en 2015 (Longueuil, Québec et Montréal). Cela représentait toutefois la moitié des boues produites (voir la figure 4). Longueuil a amorcé le recyclage agricole d’une partie de ses biosolides. Pour sa part, la ville de Québec a annoncé son intention de recycler par épandage, d’ici 2023, l’ensemble de ses biosolides.
Figure 6 - Végétalisation de haldes minières à Thetford Mines à l’aide de MRF - Photo : Viridis Environnement |
Non. Seuls les biosolides qui ont la qualité voulue peuvent être recyclés. Les municipalités sont également libres de choisir le mode de gestion approprié à leur contexte, comme le recyclage sylvicole dans les plantations d’arbres ou la végétalisation de sites dégradés (figure 6).
Cependant, l’article 53.4.1 de la Loi sur la qualité de l’environnement préconise le recyclage par épandage plutôt que l’élimination. C’est pourquoi l’enfouissement et l’incinération des boues municipales et d’autres résidus font l’objet de redevances sur l’élimination de l’ordre de 22 $/tonne. Le Ministère envisage également d’autres mesures au cours des prochaines années afin de favoriser le recyclage des matières organiques plutôt que leur élimination.
Les MRC et les communautés urbaines doivent pour leur part favoriser le recyclage des matières organiques produites sur leur territoire dans le cadre de plans de gestion des matières résiduelles (PGMR).
Les municipalités en zone agricole peuvent interdire l’épandage des fumiers et de certaines MRF odorantes pendant une douzaine de jours durant l’année. Elles peuvent également moduler certains éléments de la réglementation relativement à l’épandage des fumiers et des matières fertilisantes en vue de la protection de l’eau. Cependant, la Cour d’appel du Québec en 2011 a statué que les municipalités n’ont pas la compétence au plan juridique pour bannir l’épandage de MRF sur leur territoire (MDDELCC, 2015).
L’univers des matières fécales est empreint de connotations psychologiques et sociologiques négatives. Il en va donc de même des boues d’épuration municipales. Cela influence indéniablement les discussions sur le sujet et tend à le rendre plus subjectif que d’autres enjeux de société. En outre, la pratique du « tout-à-l’égout », bien que révolue, hante encore la pensée populaire.
Heureusement, les choses ont changé. L’écologie et l’agronomie nous font également voir les matières fécales comme un facteur important de productivité des écosystèmes terrestres, de protection des sols et même de prévention de l’érosion vers les cours d’eau. De tout temps, les excréments humains et animaux ont d’ailleurs été utilisés pour fertiliser les cultures et pour subvenir aux besoins alimentaires de la population (Scott, 1968). Le recyclage des biosolides permet de les utiliser pour ce qu’ils sont d’abord et avant tout : des fumiers traités.
Comme toute pratique agricole, le recyclage des « fumiers humains » comporte certains risques. En définitive, les principaux risques seraient surtout liés aux composantes « naturelles » des excréments humains et animaux (microbes, odeurs, matières organiques solubles, azote et phosphore) plutôt qu’aux contaminants chimiques de synthèse ou d’origine industrielle. Le Ministère a adopté une approche prudente et préventive afin de s’assurer que ces risques soient bien contrôlés et que la santé humaine et l’environnement soient ainsi protégés. Cette approche est résumée dans l’encart 1.
Encart 1 : Épandage agricole des biosolides - Approche « multibarrière séquentielle » pour la maîtrise des risques
D’autres éléments de réponse à des questions fréquemment posées sur les biosolides et les MRF (PDF, 387 ko) sont disponible sur notre site Web.
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