Dioxines, furannes, BPC et HAP dans les composts de l’Est du Canada
Environ 800 000 tonnes de résidus industriels, municipaux et agricoles sont compostés dans les centres de compostage du Québec (Potvin, 2003). Les composts produits doivent rencontrer des critères de qualités très stricts. Selon le type d’utilisation, les composts doivent être certifiés par le Bureau de normalisation du Québec (BNQ) conformément à la norme canadienne CAN/BNQ 0413-200 (BNQ, 1997), ou conformes aux critères de l’Agence canadienne d’inspection des aliments (ACIA), ou encore être valorisés selon les critères du ministère de l’Environnement du Québec (MENV, 2002). Ces trois organismes ont d’ailleurs des teneurs limites en contaminants qui sont harmonisées dans une large mesure. Trois composts sont actuellement (décembre 2003) certifiés par le BNQ et deux autres seraient en voie de certification (Audet, comm. pers.). En Nouvelle-Écosse, les critères utilisés sont ceux du Conseil canadien des ministres de l’environnement (CCME, 1996), également harmonisés avec la norme canadienne CAN/BNQ 0413-200 (BNQ, 1997). Bien que les différents critères et normes pour les composts soient passablement harmonisés, ceux du Québec sont les seuls à définir une teneur limite en dioxines et furannes (chlorodibenzo-dioxines et chlorodibenzo-furannes). Dans le cas de la norme canadienne (BNQ, 1997), ce choix a été établi à partir de données de caractérisation des intrants généralement compostés au Canada au milieu des années ‘90 (Webber, 1996). La norme canadienne et les critères du CCME sont actuellement en révision, de concert avec l’ACIA, responsable de la Loi fédérale sur les engrais. La question d’une norme sur les dioxines et furannes et d’autres contaminants organiques, comme les BPC planaires (biphényles polychlorés), dont la toxicité est analogue à celle des dioxines, et les HAP (hydrocarbures aromatiques polycycliques), a de nouveau été soulevée. Afin de documenter ces aspects, le ministère de l’Environnement du Québec a entrepris une campagne de caractérisation des composts produits au Québec et en Nouvelle-Écosse. Des échantillons de composts ont été prélevés par des employés du Ministère sur onze sites de compostage opérés par neuf entreprises différentes. Deux de ces composts ont notamment été fabriqués à partir de résidus municipaux en provenance de l’Ontario (résidus organiques triés à la source et biosolides municipaux). Deux autres composts ont été échantillonnés par un consultant privé sur des sites de compostage de résidus municipaux triés à la source en Nouvelle-Écosse. Le tableau 1 présente les divers types de composts échantillonnés. L’échantillonnage a été réalisé au Québec en novembre 2002 et en décembre 2002 pour la Nouvelle-Écosse. Chaque échantillon était un composite d’au moins 8 prélèvements pris à plus de 30 cm de la surface de l’amas. Pour chaque échantillonnage, les préleveurs portaient des gants chirurgicaux et on procédait à un lavage séquentiel des outils d’échantillonnage : eau savonneuse, eau, acétone, hexane, acétone, puis eau distillée et eau déminéralisée. Cette procédure visait à éliminer les risques de contamination croisée. Les échantillons étaient ensuite déposés dans des contenants de verre ambré, conservés dans une glacière et expédiés au laboratoire. Les analyses ont été réalisées par le Centre d’expertise en analyse environnementale du Québec (CEAEQ). Chaque compost échantillonné a fait l’objet des analyses suivantes : 17 congénères de dioxines et furannes, 15 congénères de BPC (les BPC planaires, similaires aux dioxines) et 44 composés de HAP. Les teneurs en dioxines et furannes et BPC planaires ont été transformées en équivalents toxiques (EQT) pour chaque congénère. La sommation des EQT a ensuite été calculée de 2 façons. Dans un premier cas, on a imputé 50 % de la limite de détection aux « non détectés », alors que pour les « détectés - mais non quantifiés », on a imputé 100 % de la limite de détection. Dans un deuxième cas, on a imputé une valeur de 0 à tous les « non détectés » ou « détectés - mais non quantifiés ». La différence entre les deux méthodes de calcul s’avère toutefois négligeable, sauf pour les BPC planaires (tableau 1). Représentativité des composts Plus de la moitié des composts échantillonnés proviennent de résidus domestiques, selon différents modes de collecte : résidus verts, résidus organiques triés à la source (3 voies) et résidus municipaux mélangés (tableau 1). Deux composts étaient fabriqués à partir de biosolides (boues) municipaux et trois provenaient du compostage de biosolides papetiers. Un seul fumier composté a été échantillonné, selon l’hypothèse voulant que les composts de résidus agricoles soient moins contaminés en dioxines (Stevens & Jones, 2003; Velema, 2000). Les résidus compostés provenaient de 3 provinces (Québec, Ontario et Nouvelle-Écosse). L’échantillonnage est donc particulièrement représentatif du compostage des résidus urbains et industriels générés dans l’Est du Canada. Dioxines, furannes et BPC planaires Tous les composts échantillonnés présentent des teneurs inférieures à la limite maximale en dioxines et furanes permise au Québec pour la valorisation agricole des matières résiduelles fertilisantes, soit le critère C2 de 50 ng EQT/kg (MENV, 2002). En fait, plus de 86 % des composts respectent même le critère de catégorie C1 de 17 ng EQT/kg, catégorie pour laquelle le Ministère ne stipule aucune restriction d’usage (MENV, 2002). Mentionnons que ce critère a été originellement développé en Allemagne, selon l’approche des « meilleures technologies disponibles » pour les composts de résidus verts (Fricke et al., 1996). Le tableau 1 montre également que la contribution des BPC planaires aux EQTDFB totaux (dioxines/furanes/BPC planaires) est peu élevée, soit 7 à 20 %, en moyenne, selon la méthode de calcul utilisée. Cela est cohérent avec la valeur moyenne de 13 % observée par Bennett and Wescott (2001). Les teneurs en dioxines, furannes et BPC planaires, exprimés en équivalents toxiques, sont également 7 à 300 fois moindres que le critère de 300 ng EQT/kg proposé par l’Agence américaine de protection de l’environnement (USEPA, 2002). Ce critère a été déterminé à partir d’analyses de risque pour les boues municipales compostées ou non compostées. Le tableau 2 montre que les composts produits aux États-Unis et en Europe ont également des teneurs bien en deçà du critère proposé par l’USEPA en 2002. C’est une des raisons pour lesquelles, en octobre 2003, l’USEPA a finalement décidé de ne pas normer les dioxines dans les boues municipales compostées ou non compostées (USEPA, 2003). Au niveau de la signature des dioxines et furannes, les congénères 1234678-H7CDD et OCDD sont ceux qui contribuent le plus aux EQT, dans 12 des 14 composts. Cela suggère une source commune de contamination, (figure 1). En ce qui concerne l’impact du type de collecte des résidus domestiques, on observe la séquence suivante de teneur en dioxines : Résidus solides mélangés >> collecte 3 voies > résidus verts La même tendance a été observée aux États-Unis par Cook et Beyea (1998). Ces auteurs américains, et des auteurs européens (Danish EPA, 1997), présentent d’ailleurs des teneurs en dioxines pour des composts de résidus mélangés semblables à celle du compost #8 (tableau 1). Les deux composts de biosolides municipaux du Québec ont par contre des teneurs inférieures aux valeurs américaines (AMSA, 2001; Bennett and Wescott, 2001). Quant aux trois composts de biosolides papetiers, leurs teneurs sont très faibles, tout comme ce que l’on retrouve pour l’ensemble des biosolides papetiers non compostés, épandus au Québec (< 3 ng EQT/kg pour l’année 1999, y compris les biosolides provenant de procédés kraft; MENV, données non publiées). Il est intéressant de noter que ces composts ont même des teneurs en dioxines inférieures aux composts de résidus verts. Les résultats obtenus, et la littérature américaine et européenne consultée, invalident donc les affirmations de certains groupes environnementaux suggérant qu’il y aurait des niveaux élevés ou dangereux de dioxines et de furannes dans les biosolides papetiers ou municipaux qui sont utilisés comme matières fertilisantes (Priesnitz, 1997; Crittenden, 2002). Le résultat le plus surprenant de notre étude est la teneur en dioxines du fumier composté #14, beaucoup plus élevée que ce qui a été rapporté par Velema (2000), pour des fumiers compostés, et par Schriftenreihe Umwelt (1997), pour des fumiers et lisiers (tableau 2). Cependant, la valeur observée pour le compost #14 est proche de celle de 20 ng EQT/kg, observée par Stevens et Jones (2003) pour un des six échantillons de fumiers analysés. D’ailleurs la signature des dioxines et furannes du fumier composté #14 est semblable aux autres composts analysés, ce qui tend à éliminer l’hypothèse d’une contamination spécifique, comme l’ingestion par les bovins de bois traité au pentachlorophénol, parfois utilisé pour la construction de structures d’élevage en bois (Fries et al., 2002). Finalement, la variabilité des résultats a été estimée en analysant 2 échantillons composites distincts pour les composts #3 et #8. Le pourcentage de variation entre les deux analyses était de 1 % pour le compost # 3 et de 29 % pour le compost # 8. Cette variabilité est jugée relativement faible et n’est pas de nature à affecter l’interprétation des résultats. Hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) Dans plus de 600 analyses réalisées, les HAP ont été non détectés, ou détectés sous la limite de quantification analytique, dans plus de 96 % des cas. Malgré ces faibles teneurs, on a toutefois procédé à des sommations pour 9 des congénères les plus toxiques, dont le benzo-a-pyrène, afin de pouvoir comparer ce total à un critère proposé par l’Union européenne (EU, 2000). Seul le compost de résidus municipaux mélangés (#8) avait une teneur en HAP légèrement supérieure au critère proposé de 6 mg/kg (tableau 3). Toutefois, ce résultat doit être nuancé en fonction des éléments suivants :
L’étude a permis de faire les principales observations suivantes :
La consultation de la littérature scientifique met aussi en évidence les éléments suivants :
Pour toutes ces raisons, l’inclusion d’un critère de teneur limite en dioxines et furannes pour les composts produits au Québec et dans l’Est du Canada s’avère inutile. L’USEPA (2003) a d’ailleurs pris comme décision finale de ne pas normer les dioxines et furannes des boues municipales compostées ou non compostées. Une approche semblable a également été envisagée par les gouvernements norvégien et autrichien (Paulsrud et al.; Zethner et al., 2001). Les mêmes recommandations s’appliquent également à l’analyse des BPC planaires et des HAP. Cependant, en raison du manque d’information pour certains composts spécifiques, nous suggérons l’analyse des composts faits à partir de résidus provenant d’industries textiles ou de tanneries, à l’instar de Zethner et al. (2001). Nous suggérons également le bannissement du compostage de résidus de bois traité au pentachlorophénol (PCP). Références bibliographiques et électroniques AMSA. 2001. The AMSA 2000/2001 Survey of Dioxin-like Compounds in Biosolids: Statistical Analyses. Prepared for: Association of Metropolitan Sewerage Agencies (AMSA). Prepared by: Alvarado, M; Armstrong, S.; Crouch, E. Cambridge Environmental Inc: MA (USA). 166 pages. Data for composted municipal biosolids extracted from appendices D and F. Bennett, Jon et Holly Wescott. 2001. Sampling and analysis of Washington
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