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Aires protégées au Québec
Contexte, constats et enjeux pour l'avenir (suite)
3. Constats relatifs à la situation actuelle des aires protégées
Contribution du Québec à leffort international en
faveur des aires protégées
Depuis plus de cent ans, le Québec a consacré des efforts à la conservation de
portions de son territoire. À ce jour, cest près de 1 100 sites naturels qui ont
été préservés, soit environ 2,8 % du territoire québécois qui répond aux critères
dune aire protégée selon les catégories de lUICN. Sans cette protection,
bon nombre de ces milieux naturels auraient été grandement perturbés ou perdus.
Le Québec a aussi réservé des parties de son territoire en vue de leur désignation
éventuelle comme parcs ou réserves écologiques. Dans ces territoires voués à la
conservation (20 projets de parcs québécois qui totalisent près de 59 000 km2
ou 3,5 % du Québec), les activités dexploitation des ressources sont
exclues, à lexception de lexploitation des ressources fauniques. Dans le cas
des réserves écologiques, quelque 600 km2 de territoire ont également
été conservés en vertu de la Loi sur les réserves écologiques et du Plan
daffectation des terres du domaine public.
Par ailleurs, le Québec envisage de statuer sur lattribution éventuelle de
nouvelles formes de protection à certains écosystèmes forestiers exceptionnels et à
des rivières à caractère patrimonial, par exemple.
Malgré ces acquis indéniables, un examen comparatif des superficies daires
protégées dans les diverses provinces canadiennes, aux États-Unis et ailleurs dans le
monde montre que leffort du Québec se situe bien en deçà de leffort
international.
Ainsi, la moyenne des superficies nationales consacrées aux aires protégées se
situait à 8,8 % en 199612 en comparaison à 2,8 %
actuellement au Québec. On peut citer ici le rapport Brundtland13
au sujet dun objectif planétaire à viser pour les aires protégées :
« À lheure actuelle, le réseau mondial des aires protégées couvre une
superficie de 4 millions de km2 (4 % de la surface de la Terre), mais il reste
tant à faire ; les spécialistes saccordent pour estimer que la superficie
totale des aires protégées doit être au moins triplée (12 %) pour pouvoir représenter
un échantillon représentatif des écosystèmes de la Planète ». Des pays et
certaines provinces canadiennes (Colombie-Britannique et Ontario) se sont déjà donné
cet objectif.
On peut certes remettre en question lidée de fixer un pourcentage de superficies
pour les aires protégées. Ne serait-il pas plus juste de se fixer comme objectif la
sauvegarde déchantillons de toute la diversité biologique dun territoire
dans un état durable ? Dautres pays avant le Québec (et ce à partir
détudes) ont estimé que le pourcentage daires protégées constitue, malgré
toutes ses limites, lun des meilleurs indicateurs actuels pour mesurer les efforts
entrepris dans ce domaine. Le Québec peut difficilement se soustraire à cette réalité.
On trouvera à lannexe 2 différentes figures qui
expriment la situation du Québec en matière de superficie daires protégées par
rapport à dautres pays et dautres provinces canadiennes.
La figure 3 de cette annexe montre dailleurs
lévolution du pourcentage des superficies consacrées aux aires protégées à
léchelle mondiale au cours des 30 dernières années. Cette figure illustre
lévolution très lente du Québec en ce domaine. Cela naide pas le Québec à
renforcer limage quil désire projeter en matière de conservation,
dautant plus quil fait partie des grands pays industrialisés, quil est
peu peuplé et quil est très diversifié en espaces naturels. Il ressort aussi que
le Québec se prive dun potentiel économique que représentent les aires
protégées, notamment pour le développement touristique.
Degré de représentation de la diversité biologique dans les
aires protégées
Le Québec sétend sur près de 18 degrés de latitude et il forme un territoire
de 1 667 900 km2. On y reconnaît généralement cinq grandes zones14 de végétation du sud vers le nord : la forêt
feuillue, la sapinière, la pessière, la taïga et la toundra. Des milliers
décosystèmes sont identifiables, lesquels abritent une faune et une flore de plus
de 40 000 espèces.
Combien faut-il de territoires et quelle superficie ceux-ci doivent-ils avoir pour
protéger des échantillons représentatifs et des milieux particuliers de lensemble
de cette diversité biologique ? On ne peut répondre quindirectement à cette
question.
Dune part, la préservation des systèmes écologiques et biologiques qui
entretiennent la vie suppose la protection de superficies adéquates du territoire, dont
le pourcentage reste difficile à déterminer. Pour une grande quantité de
scientifiques, un objectif de protection dau moins 10 % dun territoire est
important pour maintenir la diversité spécifique. Dautres vont plus loin et
estiment que 20 % (Rapport sénatorial sur la forêt boréale, Canada, 1999) et même 50 %
du territoire serait nécessaire pour préserver les processus écologiques qui
influencent le climat, le régime des eaux, etc.
Dautre part, la sauvegarde de la diversité biologique, en plus de se fonder sur
la protection de ses éléments représentatifs et exceptionnels, doit viser le maintien
des processus écologiques et des conditions de survie des espèces animales, dont
laire minimale vitale est souvent plus grande que celle nécessaire au maintien de
certaines communautés forestières. On pense surtout ici aux animaux ayant un grand
domaine vital ou aux espèces qui effectuent des migrations. De plus, la répartition des
espèces rares, des écosystèmes forestiers exceptionnels et des endroits de grande
diversité biologique (ce que plusieurs auteurs désignent comme les « hot
spots ») ne coïncide pas toujours ou nécessairement avec les sites jugés
représentatifs.
Pour que la diversité biologique soit bien représentée, un réseau daires
protégées doit :
- se répartir le plus uniformément possible sur le territoire, de manière à couvrir
lensemble des réalités écologiques, et ce, à une échelle géographique donnée
(ex. : le niveau écologique régional) ;
- prendre en considération lensemble des traits particuliers de la diversité
biologique sur le territoire, tels que les éléments rares, menacés,
exceptionnels ;
- protéger des paysages et des grandes aires vitales pour la faune ;
- assurer un équilibre dans les divers statuts de conservation et dans les six
catégories daires protégées de lUICN, de manière à disposer dun
ensemble de moyens adaptés aux objectifs de protection de cette diversité biologique.
En milieu privé, il faut aussi tenir compte, à lintérieur dun réseau
daires protégées, de diverses autres considérations de protection, comme :
la grande productivité de certains milieux, la diversité biologique exceptionnelle
dun site naturel, une menace de destruction tellement importante quune action
urgente est nécessaire.
Par quelques figures, lannexe 3 présente comment, au
Québec, les aires protégées actuelles satisfont aux critères susmentionnés.
Poids relatif des habitats fauniques
Au Québec, les aires protégées sont largement dominées par les habitats fauniques,
lesquels visent surtout des éléments particuliers de la diversité biologique. En effet,
les habitats fauniques comptent pour près de 64 % du nombre total daires
protégées (figure 3) et 80 % de la superficie
totale en aires protégées. Dans les habitats fauniques protégés, deux immenses aires
de mise bas du caribou dans la toundra et la taïga représentent à elles seules 70 % de
la superficie totale de tous les habitats fauniques. Elles constituent près de 100 % des
aires protégées de la toundra. Cela signifie que le pourcentage de superficies occupées
par les autres catégories daires protégées est très réduit (20 %). Ces autres
catégories se concentrent surtout dans le sud du Québec (zones feuillue incluant
la zone biogéographie du Saint-Laurent et la zone de la sapinière [annexe 3, figures 1 à 4]).
Répartition des aires protégées en fonction des
catégories de lUICN
On constate également que les aires protégées du Québec sont largement concentrées
dans les catégories IV et VI de lUICN, où certaines formes dexploitation des
ressources restent permises. Ainsi, les catégories I, II et III, où lexploitation
des ressources est interdite, occupent environ 0,5 % seulement de la superficie du Québec
(voir annexe 3, figures 5 et
6). On remarque enfin que les aires protégées de ces
dernières catégories se concentrent fortement dans le Québec méridional, notamment le
long du Saint-Laurent, et quelles sont absentes des régions plus nordiques.
Superficie moyenne des aires protégées
Par ailleurs, en ce qui concerne la superficie des différents territoires protégés,
le Québec se caractérise de la façon suivante :
- seulement 2 des quelque 1 100 aires protégées ont plus de 10 000 km2
de superficie ;
- 391 aires protégées ont moins de 1 km2 ;
- 552 ont entre 1 et 10 km2 ;
- 117 occupent entre 10 et 100 km2 ;
- plus de 86 % de toutes les aires protégées ont une superficie inférieure à 10 km2
(annexe 3, figures 8 à 10).
Répartition territoriale des aires
protégées
Les données susmentionnées expriment certes les efforts relativement importants faits
par le Québec en matière de protection déléments particuliers de sa diversité
biologique, notamment, dans de nombreux sites de petite superficie. Compte tenu de
lurgence dassurer la préservation des milieux naturels dans les secteurs
soumis à un développement plus intense et étant donné le nombre restreint de grands
espaces naturels publics dans le Québec méridional, il est heureux que les efforts de
conservation aient dabord porté sur cette partie du territoire. Cette priorité de
conservation est dautant significative quelle a permis de maintenir à
proximité des zones urbanisées des espaces naturels peu perturbés et facilement
accessibles.
Par ailleurs, le Québec dispose de peu daires protégées susceptibles de
préserver adéquatement des échantillons représentatifs de sa diversité biologique à
léchelle des grands écosystèmes et des grands paysages naturels. Les grandes
zones de végétation du Québec ou encore les provinces naturelles du Québec ne sont pas
toutes représentées dans le réseau actuel daires protégées ou le sont peu.
Ainsi, beaucoup reste à faire pour étendre le réseau à lensemble des parties du
Québec (annexe 3, figures 11 et 12).
Pourtant, les scientifiques signalent la nécessité de superficies minimales
dimportance (par exemple plus de 500 km2 et souvent davantage, même 1
000 km2), afin de réduire le plus possible leffet dinsularisation,
qui se traduit par la raréfaction des espèces les plus sensibles et plus
particulièrement des espèces de grande taille par la diminution du nombre de
prédateurs et, en général, de la prédation qui maintient léquilibre dans
la nature par la vulnérabilité accrue aux espèces envahissantes,
par une réduction de la diversité biologique et, enfin, par une augmentation de la
résistance des aires protégées aux désastres naturels. On remarque que dans certaines
petites aires protégées, plusieurs espèces sont prisonnières de leurs milieux naturels
et finissent par disparaître, parce que les ressources et les conditions requises pour
assurer leur survie et leur reproduction deviennent inadéquates ou insuffisantes.
La situation du Québec, quant à la superficie de ses aires protégées, est assez
semblable à celle des autres provinces canadiennes et de plusieurs pays. En effet, dans
le passé, létablissement des aires protégées a été davantage axé sur la
protection despèces ou de milieux naturels particuliers, ce qui nécessitait de
plus faibles superficies. Les nouvelles façons de faire en conservation de la
biodiversité visent davantage lensemble des communautés de plantes et
danimaux que ces territoires abritent et les processus écologiques qui sy
déroulent, ce qui exige maintenant de se préoccuper de création daires
protégées de plus grandes superficies. Cela rejoint également les préoccupations
récentes découlant des engagements pris à légard de la Convention sur la
diversité biologique.
Liens entre aires protégées et le maintien de leur intégrité
écologique
Outre la nécessité de déterminer la superficie minimale viable, il y a des liens
physiques à établir entre les aires protégées et avec dautres milieux naturels
ou des milieux aménagés. Au Québec, cette préoccupation commence à se faire sentir,
avec des exemples comme le Parc national de la Mauricie et la Réserve faunique
Mastigouche ; le Refuge faunique de la Pointe-de-lEst et la Réserve nationale
de faune de la Pointe-de-lEst ; le Parc de conservation de la Gaspésie et la
Réserve écologique Fernald. Lutilisation et la gestion des zones adjacentes aux
aires protégées doivent aussi faire lobjet dune approche particulière, de
manière à réduire au minimum les impacts externes des activités humaines et contribuer
à maintenir lintégrité des territoires protégés.
Enfin, au Québec, il y a peu dinterventions dans les aires protégées visant le
maintien à long terme de leur intégrité écologique et biologique. Les préoccupations
liées à lemplacement dune aire protégée dans un contexte régional
dutilisation du territoire ne sont en effet pas courantes, pas plus que les
références à des liens avec dautres types daffectations territoriales.
Un réseau surtout terrestre
La très grande majorité des aires protégées au Québec visent la conservation
dune diversité biologique liée surtout à des milieux terrestres ou humides; plus
rarement, et souvent accessoirement, les milieux aquatiques deau douce sont
protégés. Quant à la protection des milieux estuariens et marins, elle na fait
lobjet que de très rares interventions, à lexception de la création
récente du Parc marin du Saguenay Saint-Laurent.
Depuis quelques années, la conservation des écosystèmes marins est devenue une
préoccupation importante dans tous les milieux internationaux de la conservation. Le
Programme des aires protégées de lUICN encourage fortement lélaboration de
stratégies nationales pour la conservation du milieu marin et côtier. Plusieurs pays,
comme lAustralie, la Nouvelle-Zélande, les États-Unis et le Canada (incluant la
Colombie-Britannique), ont déjà élaboré de telles stratégies. En Europe, la
Stratégie paneuropéenne de la diversité biologique et paysagère comporte un volet sur
les écosystèmes côtiers et marins, un volet sur les écosystèmes des cours deau
et leurs zones humides, ainsi quun autre sur les écosystèmes des zones humides
intérieures. Le Québec dispose dune zone côtière riche et diversifiée, de
nombreux estuaires et dune superficie marine importante (golfe du Saint-Laurent, par
exemple), sans compter un très grand nombre de milieux humides, de lacs et de cours
deau. La Stratégie québécoise sur les aires protégées doit donc intégrer ces
milieux aquatiques et marins.
Concertation et complémentarité dans le développement des
aires protégées
Les diverses composantes du réseau québécois des aires protégées se sont
développées indépendamment les unes des autres. Quil sagisse des parcs, des
réserves écologiques ou des refuges fauniques, les gestionnaires de chacun de ces
statuts ont défini et planifié leurs actions de conservation en fonction de leurs
objectifs et orientations propres, de leur budget et des ressources disponibles, en tenant
compte parfois de contextes particuliers.
Peu dexpériences sont notées au Québec, où les divers intervenants du réseau
des aires protégées ont adopté une approche globale et intégrée, où les
gestionnaires ont mis leurs efforts en commun dans un esprit de complémentarité, de
collaboration et de concertation.
Paradoxalement, les principaux acteurs de laménagement du territoire et de la
gestion des ressources souhaitent ladoption de cette approche « réseau
intégré » pour lensemble des aires protégées. Quand on utilise quelque 17
appellations pour parler des milieux naturels; quand on sinscrit dans six grandes
catégories internationales daires protégées afin déquilibrer sur les
territoires lutilisation des divers statuts de conservation ; quand les sites
à protéger sont en nombre restreint et difficiles à soustraire à dautres
utilisations, il devient impérieux de se donner un cadre commun dintervention, où
chaque gestionnaire peut conserver sa mission propre et son autonomie, tout en partageant
avec les autres une vision et des orientations stratégiques.
De façon générale, un tel cadre dintervention suppose :
- de partager un même objectif, soit celui de la préservation de la diversité
biologique, à latteinte duquel chaque type daire protégée contribue de
façon complémentaire ;
- de partager une même méthodologie pour évaluer la biodiversité de chacune des aires
et les comparer entre elles et avec la biodiversité évaluée à léchelle
régionale du Québec (Cela se traduit par ladoption et lapplication dun
cadre écologique commun pour la planification des aires protégées15;
- de réaliser des actions concertées et intégrées à léchelle régionale visant
à identifier les meilleurs sites et à définir les meilleurs moyens de protection des
milieux naturels.
Pour augmenter significativement le nombre et la superficie des aires protégées au
Québec et solutionner les importants problèmes de partage des ressources et du
territoire québécois à diverses fins, dans un souci de sauvegarder la biodiversité,
les actions individuelles de protection sont susceptibles dêtre moins efficaces que
les interventions collectives, au sein dun réseau.
Ladoption du concept de « réseau intégré » daires
protégées permettra dentreprendre des actions concertées (avec divers
intervenants sur le territoire) visant à :
- favoriser le maintien de lintégrité écologique des aires protégées ;
- appliquer des mesures particulières de protection dans les zones adjacentes aux aires
protégées ;
- développer des liens physiques entre les aires protégées et dautres milieux
naturels ou aménagés ;
- utiliser de façon plus rationnelle le peu de ressources humaines et financières
existantes afin de réaliser conjointement certains aspects communs du processus de
développement des aires protégées.
Cette approche gouvernementale « réseau », couplée avec un cadre
écologique commun dintervention, est extrêmement importante. Cependant, cela ne
signifie pas quil faille négliger les interventions plus locales, plus ponctuelles
mais combien utiles du secteur privé par exemple.
Connaissances écologiques pour le développement des aires
protégées
Lorsquon essaie dévaluer la contribution de chacune des quelque 1 100
aires protégées du Québec à la sauvegarde de la biodiversité, on est confronté à
plusieurs limites. Les constats suivants ressortent :
- en labsence dun cadre écologique unique définissant la diversité
biologique du Québec, les objectifs de conservation dun site ne sont pas toujours
clairement énoncés et documentés. Sagit-il dune aire représentative et à
quelle représentativité écologique se réfère-t-elle ? Sagit-il dun
site exceptionnel et si oui, quelles sont ses particularités ? ;
- il existe très peu de classifications écologiques pour les sites protégés et on ne
possède que rarement une cartographie écologique de leurs écosystèmes appropriée à
la superficie des sites protégés eux-mêmes ;
- les sites naturels qui ont fait lobjet dune évaluation écologique et
biologique ont souvent été évalués selon un cadre danalyse non
standardisé ; il en est de même dun site à lautre à lintérieur
dun même groupe daires protégées et dun groupe à un autre. Cela rend
extrêmement difficile une évaluation comparative de la contribution des diverses aires
protégées à la sauvegarde de la biodiversité, quelle soit représentative ou
particulière ;
- les banques de données sur les aires protégées commencent tout juste à se mettre en
place, et leur établissement se heurte déjà au fait quil y a peu
dinformation sur lécologie et la biologie de chacune de ces aires, quil
existe une grande variété de façons de lanalyser et quil ny a
pas de références spatiales des données et de numérisation complète de leur
cartographie.
De façon générale, labsence dune méthode scientifique commune ainsi que
dune information écologique et biologique standardisée pour les aires protégées
au Québec constitue un obstacle majeur à la planification intégrée des diverses
composantes dun réseau daires protégées et à létablissement
dun réseau représentatif de la biodiversité du Québec.
Pour que les diverses composantes du réseau des aires protégées puissent être
complémentaires dans la protection de la diversité biologique du Québec (tant
représentative des grands écosystèmes ou paysages naturels que déléments
spécifiques), il importe que les gestionnaires des diverses aires protégées aient un
cadre écologique de référence commun permettant dévaluer la biodiversité à
divers niveaux de perception. Il faut aussi se donner une méthode commune danalyse
de carences, ce qui manque présentement.
Depuis 1997, un tel cadre écologique pour les aires protégées a été développé et
adopté par le ministère de lEnvironnement pour les aires protégées. Ce cadre
permet maintenant lévaluation de la contribution de chacune des aires protégées
du Québec à la sauvegarde de la diversité biologique représentative et particulière16.
Lassise méthodologique de ce cadre est actuellement en place; le découpage
territorial au niveau du Québec et à léchelle régionale est complété. La
caractérisation des provinces naturelles (niveau 1) est aussi terminée. Il ne reste
quà compléter la caractérisation de la biodiversité de plusieurs régions,
notamment celles du moyen nord et du nord du Québec.
Figure 4 - Cadre écologique de référence du
Québec : les provinces naturelles
Source : Ministère de l'Environnement, Direction de la
conservation et du patrimoine écologique, février 1999.
Enfin, lanalyse de la représentativité des aires protégées actuelles au
regard de la biodiversité régionale reste à faire, ce qui représente un travail
colossal. Linformation synthèse sur la caractérisation de chacune des aires
protégées du Québec, selon un ensemble de descripteurs standardisés, doit aussi être
complétée.
En attendant de disposer de toutes les connaissances écologiques nécessaires pour
sélectionner de nouveaux sites naturels, pour justifier leur sauvegarde et pour définir
le meilleur statut de conservation, le Québec peut, de façon transitoire et avec
dautres outils, poursuivre quand même le développement de ses aires protégées.
Déjà, un grand nombre de sites naturels qui ont été reconnus importants à
protéger attendent dobtenir un statut de conservation. Dans le cas dautres
sites, une connaissance écologique générale sera suffisante pour en définir
limportance et la superficie minimale requise. Mais dans tous les cas, il faudra
déterminer en quoi le site à protéger contribue à la sauvegarde de la
biodiversité : là encore ressort limportance du cadre écologique de
référence.
Contribution du secteur privé
Jusquà tout récemment, la constitution daires protégées au Québec a
été essentiellement assumée par le gouvernement du Québec et un peu par le
gouvernement du Canada, surtout sur les terres du domaine public. Ces terres représentent
en effet près de 92 % du territoire. Plus rarement, des terres privées ont été
acquises à cette fin. Ainsi, parmi les 1 091 aires protégées existantes, on compte 56
sites protégés par une charte dorganisme privé ou par des individus et six parcs
privés dintérêt récréotouristique et de conservation.
Dans le domaine de la conservation daires protégées sur des terres privées,
les gouvernements québécois et canadien, par le biais de différentes structures
gouvernementales (ex. : ministère de lEnvironnement du Québec, Société de
la faune et des parcs du Québec) et fédéraux (ex. : Service canadien de la faune)
collaborent depuis quelques années avec leur organisme mandataire respectif, soit la
Fondation de la faune du Québec et Habitat faunique Canada.
Grâce à leurs efforts conjoints dans le cadre de programmes comme le Plan conjoint
des habitats de lEst (PCHE), le ministère de lEnvironnement du Québec, la
Société de la faune et des parcs du Québec, la Fondation de la faune du Québec, le
Service canadien de la faune et Canards Illimités ont entrepris diverses démarches et
élaboré des outils pour promouvoir la conservation sur les terres privées. Ces divers
programmes se sont particulièrement intéressés aux habitats fauniques. Quelques autres
programmes, tels que le programme Action-Environnement et Faune, le fonds de restauration
de lhabitat du poisson (FRHAP), le programme daide à laménagement des
ravages de cerfs de Virginie (PAAR), le programme de développement économique du saumon
(PDES), ainsi que le programme damélioration de la qualité des habitats aquatiques
(AQHA) sont axés sur la protection dun habitat ou dune espèce en
particulier. Dans le cadre de lentente Saint-Laurent - Vision 2000, il existe depuis
1993 un programme appelé « interactions communautaires » qui vise à
aider des organismes du milieu à intervenir notamment en matière de protection
despaces naturels.
Par ailleurs, la Fondation de la faune du Québec gère deux programmes de soutien au
partenariat pour la conservation en milieu privé. Depuis 1987, elle a élaboré un
programme de soutien technique en milieu privé (programme de soutien aux projets de
protection dhabitats). En 1997, elle créait le « programme daide
aux gestionnaires délégués ». Ce dernier programme soutient financièrement
des activités de surveillance, de gestion et de mise en valeur daires protégées
administrées notamment par les délégataires de la Société de la faune et des parcs du
Québec. Enfin, la Fondation offre un encadrement, dans la mesure de ses mandats et
moyens, à tous les organismes qui peuvent en avoir besoin.
Les communautés forestières et les habitats floristiques situées sur des terres
privées font toutefois moins lobjet dinterventions de conservation visant à
assurer leur protection à long terme.
On note actuellement un intérêt grandissant de la part de certains propriétaires
privés pour la création de sociétés de conservation foncières (ex. : fiducies
foncières, organismes sans but lucratif voués à la conservation de terrains, soit par
acquisition de terrains ou par des servitudes, soit en acceptant des dons de terrains et
de servitudes) et de la part des organismes de conservation non gouvernementaux (ONG de
conservation) pour la sauvegarde des milieux naturels dimportance locale ou
régionale. Cet intérêt a même donné naissance au Regroupement des organismes
propriétaires de milieux naturels protégés du Québec (RMN), dont les membres
réguliers sont des fiducies ou des organismes de conservation sans but lucratif.
Par ailleurs, depuis une dizaine dannées, les autorités régionales et locales
sintéressent de plus en plus à la conservation des milieux naturels. Cet intérêt
est plus évident maintenant que les communautés urbaines, les municipalités régionales
de comté (MRC) et les municipalités disposent de moyens légaux leur permettant de
créer des parcs régionaux et de vouer des parties de leur territoire, dans le cadre des
schémas daménagement et des plans durbanisme, à la protection de la nature.
On compte maintenant 23 parcs municipaux dintérêt récréotouristique et de
conservation et 7 parcs régionaux ayant le statut daires protégées.
Toutes ces actions sinscrivent jusquà maintenant en milieu habité ou
développé. Beaucoup dentre elles se font le long du Saint-Laurent, où lon a
observé depuis les 30 dernières années les plus grandes pertes dhabitats. Malgré
le peu de sites protégés par le secteur privé et leur superficie restreinte, il importe
de souligner et dencourager la contribution de ce secteur, notamment aux endroits
souvent les plus menacés au Québec. Le secteur privé agit essentiellement là où se
concentre la population et où les gouvernements ont le plus de difficulté à agir.
Cependant, ses interventions se développent au cas par cas : le volet de la
conservation volontaire et les dispositions législatives associées restent à élaborer.
Dans un contexte où il na pas les moyens dassumer seul la responsabilité
de la protection de la nature (soit par lacquisition de terrains, soit par la
définition et lapplication dune réglementation) ; dans une perspective
où il est de plus en plus important de susciter en premier lieu la participation des
propriétaires de terrains privés à des actions concrètes de sauvegarde de la
biodiversité ; étant donné quun grand nombre de sites naturels rares,
menacés ou vulnérables se trouvent sur des terres privées et que durgents besoins
de préservation se manifestent en milieu habité ; le gouvernement du Québec doit
trouver les moyens de rétablir un certain équilibre entre les efforts du secteur public
et ceux du secteur privé. De plus, il doit découvrir des façons de mettre à profit
lexpertise acquise par les différents partenaires du secteur privé et déterminer
comment il pourrait créer des incitatifs fiscaux pour les individus, organismes et
entreprises (industries, corporations, fondations, etc.), de manière à faciliter
laugmentation de la superficie daires protégées sur les terres privées.
Actuellement, le secteur des entreprises est relativement absent des investissements,
donations et contributions en faveur daires protégées. Aucune structure de gestion
de fonds à des fins de constitution daires protégées au sens large nexiste
pour recueillir les contributions financières potentielles de ce secteur. Soulignons par
ailleurs que la Fondation de la faune du Québec fait un excellent travail en agissant
notamment comme récipiendaire de fonds investis par les individus et les organismes
privés intéressés à la faune et ses habitats.
Soutien de la population
Une enquête sur l'importance de la nature pour les Canadiens révèle que 85 % de la
population de plus de 15 ans a participé à une ou plusieurs activités reliées à la
nature en 1996. Environ un tiers des personnes interrogées ont visité un parc provincial
ou national ou une autre aire protégée. Les activités qu'elles privilégient dans ces
zones naturelles sont la randonnée et lécotourisme17
.
À cet égard, la population du Québec ne se distingue pas vraiment de lensemble
des Canadiens. Une étude sur les habitudes de voyage des Québécois a en effet permis
d'établir qu'en 1996 et 1997, les visites de parcs ont été préférées par 41 % des
répondants. On y révèle également que le repos et la détente étaient les principales
motivations pour les voyages de plus de quatre nuitées, suivies de la possibilité de se
retrouver en famille (34 %) et d'être en contact avec la nature (25 %)18.
Un autre sondage a démontré que dans les parcs du Québec, les usagers accordent une
grande importance à l'environnement (qualité des paysages et tranquillité des lieux)
dans lequel se situent ces parcs, de même qu'aux infrastructures légères
(signalisation) et aux services de base (toilettes) qui leur sont offerts. La majorité
d'entre eux se rendent d'abord dans un parc pour se détendre et profiter de la nature, et
non pour y pratiquer une activité de plein air intensive qui requiert des équipements
sophistiqués. La randonnée pédestre est lactivité privilégiée; plus du tiers
des répondants ont dit la pratiquer en famille19.
Paradoxalement compte tenu des observations qui précèdent le lobby
populaire en faveur des aires protégées est à peu près inexistant au Québec. Malgré
un intérêt manifeste pour la fréquentation de tels sites (quatre millions personnes
fréquentant annuellement les parcs québécois), la population en général n'est pas
consciente du rôle qu'elle pourrait jouer dans le développement de nouvelles aires
protégées. Seule une faible proportion de gens sintéressent activement à la
conservation de la nature et militent en faveur des aires protégées.
Au Québec, les organismes voués à la conservation des milieux naturels oeuvrent
surtout au niveau local pour la sauvegarde de sites particuliers. La Société pour la
conservation de la nature agit au niveau national, mais elle n'est pas un organisme
militant. Mis à part les interventions répétées du Fonds mondial pour la nature (WWF),
de l'Union québécoise pour la conservation de la nature (UQCN), de quelques groupes
locaux et individus pris isolément, le dossier des aires protégées au Québec manque
nettement de visibilité.
Les populations locales et régionales jouent néanmoins un rôle dinfluence dans
le développement du réseau d'aires protégées. Dans une certaine mesure, ce sont elles
qui peuvent favoriser ou entraver l'établissement d'une nouvelle aire. Ce sont elles
aussi qui acceptent de partager les contraintes et les bénéfices qui en découlent. On
constate que leur perception se traduit par une attitude tiède et parfois négative face
à la création d'aires protégées sur leur territoire. Ces populations réagissent en
effet avec méfiance quand leurs habitudes sont bouleversées20
et que les enjeux ne leur sont pas présentés clairement. Les aires protégées où toute
forme d'exploitation des ressources est absente ou fortement contrôlée obtiennent plus
difficilement leur appui. Cette situation n'est toutefois pas particulière au Québec.
Par ailleurs, lorsque l'aménagement d'un territoire est fait pour le mieux-être de
l'ensemble de la société, les bénéfices locaux tirés de l'usage exclusif des
ressources (ex. : exploitation forestière ou minière) et les droits acquis sur les
terres du domaine public (ex. : villégiature, sentiers de motoneige, pourvoiries)
doivent être comparés aux bénéfices associés à une utilisation multiple et plus
durable des ressources, incluant la préservation des milieux naturels. Avec les pertes
demploi et dusages privilégiés, ce sont les impacts économiques négatifs
qui représentent les plus grandes réticentes de la population à la création de
nouvelles aires protégées. Les intervenants défendant les intérêts corporatifs ou
locaux souvent plus expressifs et mieux organisés que ceux soutenant les
intérêts collectifs ne manquent pas de faire ressortir ces considérations. Or,
on sous-estime généralement l'apport des aires protégées à l'économie et au
développement régional du Québec21.
Actuellement, seuls les parcs québécois et les parcs canadiens intègrent dans le
processus de leur développement respectif une étape de consultation du public. Cette
consultation officielle arrive parfois tard dans le processus ; elle porte sur un
site bien documenté et sur des aménagements déjà planifiés par les intervenants
gouvernementaux. Par ailleurs, bien quelle s'adresse à l'ensemble de la population,
cette consultation tient davantage compte des propos des intervenants locaux et
régionaux, qui sont mieux placés pour faire valoir leur point de vue. Les revendications
des usagers, dont la majorité ne proviennent pas de la région concernée par un projet
de parc par exemple, ne sont pas toujours bien présentées. Dans tous les autres cas
d'établissement d'aires protégées, les consultations se font davantage par
lentremise des autorités locales et régionales, pour s'assurer que le choix des
sites à protéger n'entre pas en contradiction avec les autres affectations du
territoire.
Il faut aussi savoir que jusqu'à maintenant, les parcs québécois ont été créés
en faisant lobjet d'aménagements visant à les rendre accessibles au plus grand
nombre et à offrir une panoplie d'activités. Il n'est donc pas étonnant que les
populations locales et régionales réclament qu'une fois créées, les aires protégées
soient immédiatement aménagées pour recevoir le public et que d'importants
investissements financiers soient faits pour assurer leur développement. Cela a pour
effet de ralentir l'extension des parcs québécois et de retarder la protection
d'importants milieux encore naturels dont l'intégrité est menacée à court terme. La
mise en réserve de territoires permettrait d'y soustraire toute forme d'exploitation et
d'y régir les activités jusqu'à leur désignation plus officielle selon un statut ou un
autre daire protégée. Cela aiderait également à prendre en considération les
attentes des usagers et de la population en général, sans pour autant négliger la
concertation avec les intervenants locaux ou régionaux. Cette mesure transitoire
permettrait enfin d'adapter les aménagements de manière à satisfaire des exigences
réelles, tout en maintenant la mission de conservation imposée par le statut choisi.
À l'exception de quelques expériences positives (ex. : parcs de conservation de
la Jacques-Cartier et de Miguasha, réserves écologiques des Tourbières-de-Lanoraie et
Louis-Babel), où des organismes et des individus ont directement contribué à la
gestion, même financière, de laire protégée, il reste beaucoup à faire pour
sensibiliser la population à l'importance des bénéfices issus des espaces protégés.
On ne connaît pas d'exemple au Québec de situation où un organisme gouvernemental a
présenté à une population locale ou régionale un portrait écologique de l'ensemble de
son territoire, divers scénarios possibles de protection et de mise en valeur pouvant
aller, selon les objectifs et les préoccupations, de la conservation intégrale
(catégorie I) jusqu'à l'utilisation durable de certaines ressources (catégorie VI).
Cela aurait pourtant l'avantage de permettre de dégager, avec les intervenants en
région, une vision commune et des consensus sur la conservation des territoires visés.
Le manque d'orientations gouvernementales claires, linsuffisance d'information
sur les espaces protégés et l'absence d'engagement de la population dans tout le
processus de désignation de ces espaces sont autant de facteurs qui alimentent les
perceptions négatives et entravent le développement d'un réseau d'aires protégées au
Québec.
Intégration des aires protégées dans laffectation
du territoire et la gestion des ressources
La planification et la constitution daires protégées au Québec concernent
majoritairement les terres du domaine public. Ces terres sont rarement libres de tous
droits dutilisation. De tels droits ont été attribués au fil des années par
lÉtat pour le bénéfice de la société. Il existe des droits relatifs à
lutilisation des ressources forestières, minières, énergétiques et fauniques, de
même que des droits dutilisation foncière, notamment à des fins dutilité
publique, récréative ou commerciale. Plusieurs de ces droits peuvent sexercer sur
un même territoire. Ainsi, un territoire érigé en zone dexploitation contrôlée
(zec), afin de gérer le niveau dexploitation de la faune, peut faire lobjet
dexploitation et daménagement forestier tout en étant utilisé à des fins
récréatives par de nombreux villégiateurs.
Afin dadministrer le territoire public, le gouvernement du Québec a élaboré,
en 1984, un Plan daffectation des terres du domaine public. Cest dans le cadre
de ce plan que sont attribuées les droits relatifs à la mise en valeur des ressources,
à lutilisation foncière et à la conservation du territoire. Plusieurs aires
protégées (réserve écologique, parc québécois, habitat faunique et refuge faunique,
habitat floristique, rivière à saumon) sont ainsi identifiées au Plan
daffectation.
Toutefois, lexercice de ces différents droits sur un même territoire explique
en grande partie la difficulté de constituer un plus grand nombre daires
protégées sur lensemble du territoire public et le fait que la majorité des aires
protégées existantes sont de faible superficie. En effet, la création daires
protégées ne va pas sans heurts. Elle occasionne des débats importants, surtout
lorsquil sagit de protection intégrale du territoire. Dans certains cas, les
enjeux peuvent être majeurs, par exemple quand la superficie du territoire à protéger
est importante, lorsque lutilisation actuelle de ce dernier à des fins
dexploitation des ressources est prépondérante ou encore lorsque des
dédommagements financiers ou autres sont demandés par les détenteurs des droits
dutilisation.
Le développement des aires protégées se trouve constamment confronté à la question
des utilisations du territoire traditionnellement axées sur lexploitation des
ressources et sur certaines formes daffectation des terres. On constate les
difficultés suivantes : labsence de considération officielle du volet
« conservation daires protégées » comme composante fondamentale des
schémas de planification de laménagement du territoire, la résistance à
létablissement dun réseau daires protégées, compte tenu des droits
et des utilisations actuels, ainsi que la faible reconnaissance de limportance
dadopter des mesures de mitigation en périphérie des aires protégées. Par
ailleurs, lincapacité relative des gestionnaires des aires protégées à
identifier rapidement des espaces potentiels à protéger et le manque de moyens de
sauvegarde préventifs font aussi partie de cette problématique.
Limportance des ressources naturelles exploitables fait en sorte que le
territoire québécois sera de plus en plus sollicité et fera lobjet de pressions
dutilisation des plus diversifiées, y compris à des fins de protection et de
conservation. Le ministère des Ressources naturelles, responsable du Plan
daffectation des terres du domaine public, en révise actuellement la forme et le
contenu afin de ladapter aux réalités du développement durable et
daméliorer ses effets en intégrant les orientations des divers acteurs
gouvernementaux concernés par lutilisation du territoire public.
Il importe que tous ceux qui peuvent contribuer au développement daires
protégées sur les terres publiques apprennent à travailler avec les mécanismes et
outils administratifs existants et de concert avec les autorités responsables de
laménagement du territoire. Les aires protégées doivent maintenant être
considérées dans la définition des politiques, des programmes et des interventions sur
les terres et les ressources.
Le Québec a déjà mis en place toute une série de moyens nouveaux qui visent à
responsabiliser les administrations locales et régionales en regard de
laménagement et du développement du territoire. Ce nouveau contexte amène dès
maintenant les gestionnaires daires protégées au Québec à tenir compte, dans
leur processus de développement, des orientations de régionalisation et de
décentralisation.
Enfin, on ne peut ignorer la question autochtone lorsquon traite de
laffectation du territoire. De toute la question autochtone : « Le
territoire et ses ressources sont sans conteste lun des principaux enjeux, car bon
nombre de revendications autochtones touchent le contrôle, le partage ou laccès
aux ressources. De manière générale, les autochtones réclament le droit dexercer
leurs activités traditionnelles sans contraintes législatives ou réglementaires,
quelles proviennent du fédéral ou des provinces. Ils estiment que les droits
ancestraux reconnus par larticle 35 de la loi constitutionnelle de 1982 sont à la
base de cette position.
Les autochtones veulent également jouer un rôle important dans la gestion et le
développement du territoire. Ils souhaitent participer aux décisions prises par les
gouvernements et profiter des retombées économiques et fiscales qui découlent de ces
activités. La propriété, la gestion et le développement du territoire en milieu
autochtone et des ressources qui sy trouvent, interpellent directement le Québec.
Il doit être en mesure de concilier lexercice de ses responsabilités pour le
bénéfice de lensemble de la société québécoise, y compris les autochtones, et
la prise en compte des droits existants ancestraux ou issus de traités reconnus aux
nations autochtones.
Le défi qui se pose maintenant au Québec est de repenser les questions liées au
territoire dans une double perspective : développer une approche de partenariat avec
les autochtones dans le respect de leur identité, concilier les aspirations autochtones
avec celles de lensemble de la population, et ce, dans le respect de
lintégrité du territoire du Québec »22.
Coûts de gestion et de mise en valeur des aires protégées
Limplantation dune aire protégée entraîne des coûts non négligeables.
Elle est suivie dun ensemble dactivités qui vont de la délimitation physique
du territoire, sa signalisation, sa surveillance et son contrôle, à lapplication
de mesures de protection, au développement de connaissances et surtout au développement
de structures daccueil et daménagement (notamment dans le cas des aires
protégées qui accueillent divers publics). Les coûts annuels de la gestion des parcs,
par exemple, sont de lordre de plusieurs millions de dollars. Jusquà
récemment, les autorités gouvernementales ont assumé seules ces responsabilités, ce
qui constitue un frein majeur à lextension des espaces protégés qui exigent des
frais significatifs de gestion.
Malgré limportance de cette question, le projet de Stratégie québécoise sur
les aires protégées nabordera pas la problématique financière de la gestion et
de la mise en valeur des aires protégées. Rappelons cependant que depuis 1998 le
gouvernement du Québec a procédé à une vaste relance des parcs en y investissant 66
millions de dollars.
12 |
Green M.J.B. and Paine, 1997. State of The
Worlds protected areas at the end of the twentieth century. World Conservation
monitoring Centre. Cambridge, U.K. 29 p. |
13 |
Notre avenir à tous, La Commission mondiale sur
lenvironnement et le développement, Éditions du Fleuve et Les Publications du
Québec, 2e édition, 1989. |
14 |
Le découpage territorial indiqué ici découle
dune publication de 1994 du ministère des Ressources naturelles. Cest ce
découpage qui a été utilisé dans le document relatif à la Stratégie québécoise sur
la diversité biologique de 1996. Pour cette seule raison, nous
navons pas, dans le présent texte, fait référence au nouveau découpage des zones
de végétation proposé en 1998 par ce même ministère. Dans ce plus récent découpage,
le Québec est divisé en trois zones de végétation : arctique, boréale et
tempérée, à lintérieur desquelles on trouve les sous-zones suivantes : bas
arctique, toundra forestière, taïga boréale continue, forêt mélangée et forêt
décidue. Enfin, il faut savoir que cette façon de présenter le territoire du Québec
vise surtout à faciliter la lecture du paysage végétal québécois. Cependant, dans
le cadre de la Stratégie québécoise sur les aires protégées, le concept de cadre
écologique de référence du ministère de lEnvironnement dont il sera question
plus loin, sera dorénavant utilisé en lieu et place des zones de végétation. |
15 |
On se rapporte ici au Cadre écologique de
référence sur les aires protégées du ministère de lEnvironnement, gouvernement
du Québec, 1999. Ducruc, J.P., T. Li and J. Bissonnette, 1995. Smallscale ecological
mapping of Québec : Natural provinces and regions (cartographic delineation). In :
Domon, G. and Falardeau, J. (eds.). Landscape Ecology in Land Use Planning Methods and
Practice. Montréal : Polyscience Publ., p. 45-53. |
16 |
Ministère, de lEnvironnement et de la Faune
du Québec, 1995. Cadre écologique de référence du Québec : les régions
naturelles, présentation générale. Ducruc, J.P., T. Li, V. Gerardin, L. Gaudreau,
1996. Les régions naturelles du Québec : concepts, méthodes et cartographie,
Vision Science, ministère de lEnvironnement et de la Faune du Québec, volume 3,
n° 2, p. 8 à 12. |
17 |
Environnement Canada, 1996. Enquête sur
l'importance de la nature pour les Canadiens. |
18 |
La Presse, 20 septembre 1997, citant une étude
réalisée par Zins Beauchesne et associés auprès de 2 500 Québécois. |
19 |
Laliberté, Lanctôt, Coopers & Lybrant, 1992.
Le positionnement des parcs et des réserves fauniques au Québec. |
20 |
Primack, 1998. Essentials of conservation biology. |
21 |
WWF, 1995. Protecting Canada's Endangered Spaces -
An owner's manual. |
22 |
Secrétariat aux affaires autochtones du Québec, 1998.
Partenariat, développement, actions, Orientations du gouvernement du Québec. |
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