|
Aires protégées au Québec
Contexte, constats et enjeux pour l'avenir (suite)
2. Importance des aires protégées
La Banque mondiale soulignait avec à propos (en 1995)8 que
les aires protégées, bien quelles ne soient pas le seul mécanisme de sauvegarde
de la biodiversité, constituent la pierre angulaire dont chaque État doit tenir compte
pour latteinte des objectifs de maintien et dutilisation durable de la
biodiversité et le respect de leurs engagements par rapport à la Convention
internationale sur la diversité biologique.
Pour la conservation de ses écosystèmes et de ses espèces, ainsi que pour
lutilisation durable de sa biodiversité, le Québec sest pourvu dun
ensemble doutils qui ont dabord leurs assises dans des lois, telles que la
Loi
sur la qualité de lenvironnement, la
Loi sur la conservation et la
mise en valeur de la faune, la
Loi sur les parcs, la
Loi sur les
réserves écologiques, la
Loi sur les espèces menacées ou vulnérables
et la
Loi sur les forêts. Sajoutent à cela diverses interventions
favorisant la planification, comme le Plan daffectation des terres du domaine
public, les schémas daménagement, etc., de même que certaines lois fédérales,
telles que la Loi sur les parcs nationaux, la Loi sur les pêches, la
Loi sur les océans et la Loi sur la conservation de la faune. Enfin, on
dénombre des initiatives privées, municipales, régionales et parapubliques, qui sont
plus importantes depuis les années 1980.
De manière à encadrer et à harmoniser lensemble de ses différentes actions de
conservation de la biodiversité, le Québec a adopté en 1996 une stratégie et un plan
de mise en uvre9 de la Convention sur la diversité
biologique (1992). À lintérieur de ces textes, le gouvernement souligne le fait
que les aires protégées constituent lun des éléments fondamentaux pour le
maintien de la diversité des espèces, des écosystèmes et des ressources génétiques
sauvages, ainsi que pour latteinte dobjectifs de développement durable.
Il est difficile dexprimer quantitativement tous les bénéfices quune
société retire de ses aires protégées. Cependant, lintensité des efforts
accomplis partout dans le monde en leur faveur montre limportance fondamentale de
leur rôle, et ce, même dans les pays les plus pauvres ou pendant des cycles économiques
défavorables.
Par-dessus tout, le rôle premier des aires protégées est de contribuer au maintien
de la diversité biologique (protection des espèces et de leur variabilité génétique,
des écosystèmes et des processus écologiques). Elles apportent en effet une grande
variété de bénéfices, sur les plans environnemental, écologique, scientifique,
éducatif, social, culturel, spirituel et économique.
Maintien de la diversité biologique
Les aires protégées contribuent au maintien de la diversité biologique et des
processus écologiques essentiels à la vie. Elles permettent lévolution dynamique
des espèces sauvages à lintérieur du processus de la sélection naturelle, et ce,
à labri des pressions et des perturbations anthropiques. Elles procurent des
bénéfices écologiques de première importance, comme la production doxygène, la
création et la protection des sols, labsorption et la réduction des polluants,
lamélioration des conditions climatiques locales et régionales, la conservation
des nappes aquifères, la régularisation et la purification des cours deau.
Par ailleurs, les aires protégées fournissent un encadrement visuel aux paysages qui
nous entourent de même quune protection des milieux contre des catastrophes
naturelles, telles que les inondations et les glissements de terrain.
Enfin, les aires protégées préservent lensemble des potentiels écologiques
des milieux pour des utilisations essentielles dans le futur.
Bénéfices scientifiques
Les aires protégées sont des laboratoires en milieu naturel. Elles permettent
davoir accès à des informations de première main sur les écosystèmes et les
espèces ; elles aident à comprendre le fonctionnement de ces éléments naturels et
à découvrir de quelle façon ils peuvent sadapter aux changements. Les aires
protégées jouent donc un rôle essentiel comme lieux de référence écologique et
favorisent une vision plus large de la conservation, en permettant de suivre les
changements et dévaluer les impacts environnementaux des diverses décisions de
gestion sur le territoire et sur les ressources situées à lextérieur de celui-ci.
Les aires protégées constituent des zones témoins pour létablissement de
nouveaux modes daménagement, par exemple au regard des pratiques forestières ou de
la conservation et de la mise en valeur de la faune. Cest donc une police
dassurance que se donne une société, puisquil est difficile de comprendre et
de contrôler toutes les incidences de lexploitation des ressources sur le milieu
naturel. Cette assurance est dautant plus importante si, sur un territoire donné,
les pressions daménagement et de développement se font de plus en plus intenses.
Éducation et sensibilisation à la conservation
Les connaissances acquises dans les aires protégées permettent de remonter dans le
temps et de découvrir comment naissent, se développent et se transforment les
écosystèmes. Ces connaissances peuvent être utilisées non seulement à des fins
scientifiques mais aussi à des fins éducatives, de manière à aider par exemple à la
compréhension des relations entre les humains et la nature. Les aires protégées
procurent ainsi des occasions de contacts directs avec la nature. Elles exercent une
attraction indéniable sur la population en éveillant lintérêt pour la
conservation des espèces et de leurs milieux de vie. Elles contribuent également à
façonner lappui volontaire du public en faveur de la conservation et du
développement durable.
Valeurs sociales, culturelles et spirituelles
Les aires protégées inspirent une philosophie selon laquelle toutes les formes de vie
ont le droit dexister et dévoluer selon leur propre dynamique. La protection
des écosystèmes et des paysages par le mécanisme des aires protégées contribue à
développer une éthique environnementale au sein de la collectivité et à renforcer la
fierté et lidentité culturelle dun État. Ces espaces constituent des lieux
par excellence pour la récréation de plein air favorisant un bien-être physique
et mental. Enfin, les aires protégées constituent une source dinspiration pour les
artistes, écrivains, poètes, musiciens et philosophes.
Bénéfices économiques
Sur le plan économique, les aires protégées favorisent notamment la diversification
des économies locales et régionales, et contribuent entre autres à sauvegarder des
habitats, des espèces fauniques et floristiques qui constituent une ressource naturelle
renouvelable à la base de nombreuses activités, telles que la chasse, la pêche, le
piégeage et la cueillette. De façon très significative, elles supportent également
lindustrie touristique.
Un autre domaine en rapide expansion grâce à lexistence des aires protégées
est lécotourisme, qui résulte de lobservation du monde vivant. Il connaît
un développement sans précédent partout dans le monde. Limage que le Québec
projette par sa nature et sa biodiversité, par exemple, fait partie des motivations de
déplacement de très nombreux touristes et contribue à sa promotion sur les marchés
internationaux. La politique québécoise sur le tourisme est dailleurs largement
axée sur la grande nature et sur les bienfaits quelle procure.
En 1994-1995, les 17 parcs québécois ont accueilli 3,5 millions de visiteurs et près
de 4,2 millions en 1997-1998. Cest une augmentation annuelle moyenne de 4,7 % ou de
164 000 visiteurs. Laugmentation de la fréquentation dans les parcs montre bien
lintérêt soutenu et croissant des Québécoises, des Québécois et des visiteurs
étrangers pour les aires protégées.
Le montant des dépenses annuelles associées à lexistence des parcs du Québec
a été estimé à 221,6 M $, dont 20,6 M $ ont été réalisées par les parcs et les
services gouvernementaux, 32,6 M $ par les délégataires et 168,4 M $ par les visiteurs
des parcs. Ces dépenses ont permis de soutenir 4 614 emplois-année directs et ont
engendré annuellement des salaires et autres revenus avant impôts de plus de
193,8 M $. Les revenus fiscaux et parafiscaux touchés par le gouvernement du
Québec se sont élevés à plus de 45 M $, dont plus de 32 M $ en impôts sur les
salaires et en taxes indirectes. Les revenus fiscaux et parafiscaux perçus par le
gouvernement fédéral se sont pour leur part établis à plus de 35 M $, dont plus des
trois quarts en impôts sur les salaires et en taxes indirectes.10
Une étude réalisée aux États-Unis révèle que lactivité récréative dans
les forêts nationales va injecter 100 milliards de dollars dans léconomie
américaine en lan 2000, comparativement à 3,5 milliards pour la vente de bois de
construction11. Cela exprime toute limportance
économique des aires protégées.
Les aires protégées permettent aussi, en tant que laboratoires naturels de recherche,
de développer du moins potentiellement des produits économiquement
rentables, comme des produits pharmaceutiques ou alimentaires, ou encore de contribuer au
développement des biotechnologies.
Par ailleurs, les aires protégées permettent au Québec de faire connaître au reste
du monde son attachement à la nature et de rehausser son image sur les scènes nationale
et internationale. En affirmant sa contribution à la sauvegarde de la biodiversité, le
Québec se fait le promoteur dun territoire vert et en santé où il fait bon vivre,
travailler, investir et voyager. Cela est fondamental dans un contexte mondial où le
maintien de la biodiversité prend de plus en plus dimportance dans tout processus
dexploitation des ressources naturelles.
De multiples initiatives internationales visant à définir et à promouvoir le
développement durable dans le contexte forestier ont ainsi été prises en Amérique du
Nord et dans plusieurs pays à vocation forestière depuis les cinq dernières années.
Limportance des aires protégées dans ce contexte est indéniable. Il a en
effet été clairement établi que les aires protégées situées en périphérie et à
lintérieur des territoires aménagés représentent des constituantes essentielles
à toute gestion durable des forêts.
Dans la Stratégie nationale sur les forêts (voir le document « Définir
la gestion durable des forêts - une approche canadienne aux critères et
indicateurs » (CCMF, 1995), le gouvernement du Canada a intégré les
aires protégées aux critères et indicateurs de développement durable dans les
territoires forestiers gérés de façon durable. Le Québec a souscrit à ce principe
dans lélaboration de ses critères et indicateurs forestiers.
Par ailleurs, les modèles de certification forestière CSA ou FSC, permettant
dattester le caractère durable des pratiques et de la gestion forestières
associées à un industriel, considèrent les aires protégées comme un des indicateurs
dont il faut absolument tenir compte. Ainsi, les paramètres de superficie, de
pourcentage, de représentativité des aires protégées sont reconnus, de même que les
niveaux dintégrité des territoires protégés.
Dans ces modèles de certification, les aires protégées apportent à
laménagement forestier une plus-value : elles fournissent indirectement une
caution de bien agir (bonne visibilité auprès de la population) et elles contribuent à
garantir un meilleur accès aux marchés extérieurs. La coexistence des aires protégées
et des territoires sous aménagement forestier permet aux établissements industriels
sujets à la certification dobtenir une cote supérieure. À cet égard, un des plus
importants détaillants mondiaux de produits pour la maison a déjà annoncé quil
met en oeuvre dici la fin de lan 2002, une politique dachat de bois
basée sur la certification forestière.
8 |
A. Bond, 1995. The Challenges of Sustaining
Protected Areas in Resource-Based Economies : The World Bank Experience, CCEA,
Conference. In : Conference Proceedings 14th Annual General
Meeting of CCEA, Calgary, Alberta, 1998. |
9 |
Stratégie québécoise sur la diversité biologique et Plan
daction sur la biodiversité. Ministère de lEnvironnement et de la Faune,
gouvernement du Québec, 1996. |
10 |
Roche Ltée, Québec, 1996. Évaluation des
retombées économiques associées aux parcs québécois, |
11 |
National Geographic, 1997. Our national forest, numéro de
mars, p. 66 |
|