Le coin de Rafale

Sais-tu en quoi consiste le travail de conseiller en urgence environnementale?

Mélodie

Différentes catégories de personnes travaillent en urgence environnementale au Québec. Aujourd’hui, je veux te présenter Frédéric Dechamplain, qui est conseiller en urgence environnementale au Ministère. Il m’a invité à venir le rencontrer à son bureau afin que je puisse le questionner sur son travail.

MélodieEn quoi consiste le travail effectué par un conseiller en mesures d’urgence environnementale?

Le mot-clé pour expliquer mon travail est « multitâche ». En premier lieu, je joue un rôle-conseil auprès des intervenants d’Urgence-Environnement, qui se rendent sur les lieux d’un incident environnemental (déversement de produis pétroliers, feu dans une usine de produits chimiques, etc.) et je fais le lien avec les autres intervenants qui peuvent être impliqués ou sollicités pour identifier le problème environnemental. Dans certaines situations, je dois également préparer un état de la situation pour les autorités ministérielles, avec toute l’information pertinente destinée aux médias ainsi qu’à la population. Il faut cependant garder en tête que l’objectif qui guide l’intervention d’Urgence-Environnement est celui de s’assurer que le pollueur décontamine et remette rapidement dans son état initial le milieu qui a été affecté, dans le respect des lois et des règlements environnementaux du Québec, dont la Loi sur la qualité de l’environnement.

Tu devines, Mélodie, que les accidents environnementaux ne se produisent pas seulement du lundi au vendredi, et sur les heures habituelles de travail! Des problèmes environnementaux surviennent aussi la nuit. Alors, pour avoir des conseillers disponibles 24 heures par jour et 7 jours par semaine, nous devons « être de garde » une semaine sur quatre, un peu comme un médecin qui est de garde à l’urgence d’un hôpital!

Mais moi, j’ai un avantage sur les médecins : je peux travailler à distance, de la maison! Donc, même si j’ai un appel à 2 heures du matin, je n’ai pas besoin d’aller conduire mes enfants à la garderie!

MélodieQu’aimes-tu particulièrement dans ton travail?

Le travail d’équipe! Pour effectuer mon travail de conseiller, je dois interagir avec un grand nombre de personnes qui proviennent de différentes organisations. Ma « première ligne » de collaborateurs, eh bien, ce sont les intervenants d’Urgence-Environnement, supervisés par neuf coordonnateurs régionaux. Il y a quatorze équipes réparties dans neuf régions du Québec. Les intervenants d’Urgence-Environnement sont souvent les premiers répondants à arriver sur les lieux d’un événement susceptible de causer de la pollution environnementale. Les intervenants d’Urgence-Environnement, qui sont nos yeux et nos oreilles sur le terrain, chapeautent le travail effectué par le personnel d’entreprises spécialisées en environnement, afin de s’assurer d’une remise en état des lieux, et du respect des lois et règlements du Québec.

Je travaille aussi avec des personnes du milieu de la sécurité civile, et avec le personnel de la Garde côtière canadienne. J’adore travailler en équipe! Et comme j’aime les imprévus et les situations inhabituelles, ce travail me permet de satisfaire mon besoin de relever des défis et de trouver rapidement des solutions. Je préfère cela à la routine!

Comme je fais de la veille d’information en faisant des recherches sur ce qui se fait au Canada et ailleurs dans le monde en urgence environnementale, j’ai la chance d’acquérir chaque jour de nouvelles connaissances et de suivre l’évolution des innovations qui sont développées pour protéger l’environnement et régler rapidement des problèmes de pollution environnementale.

MélodieEn quoi consiste une journée typique à ton travail?

En fait, je pourrais parler de deux journées types de travail :

Si je suis de garde et que survient une urgence environnementale, j’aurai une foule de choses stressantes à faire, tout en conservant mon calme. En premier lieu, le répondant régional d’Urgence-Environnement m’informe s’il s’agit d’un événement de catégorie 1, 2 ou 3.

Catégories d’événements

Catégorie 1
(Cas simples)
Les conséquences sur l’environnement sont mineures et facilement contrôlables. Ces événements constituent plus de 95 % des cas d’intervention).
Catégorie 2
(Cas complexes)
Les conséquences de l’urgence peuvent être importantes et difficiles à identifier (la pollution peut atteindre des sources d’eau potable, par exemple). La situation exige des mesures particulières.
Catégorie 3
(Cas très complexes)
Les conséquences sont catastrophiques et la situation est « hors de contrôle » (la tragédie ferroviaire de Lac-Mégantic en est un exemple). L’événement oblige des mesures d’envergure nécessitant la contribution de nombreux organismes.

Quand je suis de garde, mon travail débute lorsque l’urgence environnementale est considérée comme une urgence de niveau 2. En effet, les situations de niveau 1 sont réglées par mes collègues en région. Si l’urgence environnementale atteint le niveau 2, je dois d’abord produire un topo contenant toute l’information nécessaire pour bien informer le ministre de la situation (déversement de pétrole, fuite de gaz dans un aréna, incendie dans une usine de produits chimiques, etc.), puis rédiger un communiqué de presse pour informer les médias et la population. Tout se passe très vite, et il est parfois difficile d’obtenir l’information nécessaire. J’ai aussi un rôle de conseiller à jouer auprès de l’intervenant sur le terrain. Je fais le point sur la situation avec cette personne pour m’assurer qu’elle n’a rien oublié dans son intervention (échantillonnage, vérification des cours d’eau à proximité, contacts avec la Sécurité civile ou la direction de santé publique de la région, etc.) et je lui donne un coup de main si elle a besoin d’aide (envoi de la fiche signalétique du produit, recherche de coordonnées d’entreprises ou d’organismes, etc.). Dans certains cas particuliers, je peux aussi être appelé à intervenir directement sur le terrain à bord de notre poste de coordination mobile (PCM). Cela s’avère particulièrement utile dans les cas « de longue haleine » où les intervenants ont besoin de relève. Dans tous les cas, il est très important de conserver son calme, car le niveau de stress est élevé pour tout le monde; ce n’est pas le moment de faire des colères et d’être agressif avec les collaborateurs. Il faut demeurer en mode « recherche de solutions » et se concentrer sur la situation.

Si c’est une journée de bureau, c’est plus calme. Je peux être appelé à participer à une rencontre avec des collègues ou avec des partenaires pour discuter des améliorations à apporter à des méthodes d’intervention, ou pour parler de nouveaux problèmes rencontrés lors de situation d’urgence et trouver des solutions pour ce type de situations. Quand on parle de coordination, il y a toujours des choses à améliorer. Je peux aussi faire de la veille informationnelle afin de voir comment interviennent les organismes spécialisés lorsque surviennent des déversements majeurs d’hydrocarbures en mer à l’extérieur du Québec, tant au Canada qu’ailleurs dans le monde. De nouvelles méthodes de travail ou de nouvelles technologies pourraient éventuellement être utilisées ici au Québec.

Avec le réchauffement climatique et la fonte des glaces dans le Grand Nord québécois, il deviendra bientôt possible de faire transiter les pétroliers par le passage du Nord-Ouest, un corridor qui réduirait de beaucoup le temps de déplacement des bateaux. Il faudra alors établir des protocoles d’intervention avec l’ensemble des partenaires concernés comme la Russie, les États-Unis et les pays nordiques, d’où l’importance d’effectuer de la veille informationnelle sur ce qui se fait ailleurs.

J’ai aussi à produire des guides et des lignes directrices afin de faciliter le travail d’équipe sur le terrain en collaboration avec des gens qui proviennent de différentes organisations, à rédiger des bilans et des rapports et à préparer des formations et des sessions d’exercices pratiques pour les intervenants.

Dans des cas exceptionnels, je peux aussi être appelé à agir comme chargé de projet pour suivre tout ce qui se fait pour la remise en état des lieux à la suite d’un incident, comme ce fut le cas pour la rivière Chaudière après la catastrophe de Lac-Mégantic.

MélodieQuelles sont les études nécessaires pour devenir conseiller en urgence environnementale?

Il faut une formation universitaire en science; c’est un prérequis de base. Pour ma part, j’ai fait un baccalauréat et une maîtrise en chimie, mais j’ai des collègues qui ont des formations en agronomie et dans diverses branches du génie. Cela rend le travail encore plus intéressant, car je peux ainsi poursuivre l’acquisition de connaissances dans d’autres domaines et trouver des solutions innovatrices à des problématiques environnementales, car même si nous avons tous une formation en science, nos expertises ne sont pas les mêmes. La formation scientifique permet d’acquérir des méthodes de travail que l’on pourra utiliser en urgence environnementale, mais aussi une base de référence lorsqu’il s’agira de concevoir des méthodes spécifiques à notre environnement de travail.

MélodieOutre les études, quelles sont les qualités ou les habiletés requises pour travailler comme conseiller en urgence environnementale?

La capacité de travailler sous pression et de rester calme sont des qualités essentielles que doit posséder toute personne qui souhaite travailler en urgence environnementale. Même si on vit une situation d’urgence, il faut rapidement se concentrer sur le moment présent, pour recueillir l’information nécessaire à la prise de décision, même quand on se fait réveiller à 3 heures du matin!

Le conseiller en mesures d’urgence doit également posséder et acquérir d’importantes habiletés liées au monde du travail : capacité rédactionnelle, aptitude pour le travail d’équipe, curiosité intellectuelle, sens critique et de l’analyse, capacité d’adaptation, sens de l’initiative et jugement, utilisation de logiciels d’analyse de données, etc.

MélodieSelon toi, Frédéric, à quoi ressemblera le travail de conseiller en urgence environnementales dans dix ans?

Les plus grands changements seront d’ordre technologique. Ainsi, au lieu de travailler avec un calepin, les équipes se serviront de tablettes. Alors, nous n’aurons plus à transcrire nos notes dans le registre des interventions; tout sera compilé immédiatement, et l’information et les photos seront géoréférencées par GPS. Cela facilitera le travail d’analyse et de décision, car nous serons en mesure de produire plus rapidement des portraits de la situation et de l’évolution de la situation.

Donc, en plus de posséder une bonne connaissance des outils informatiques et géomatiques, il faut être motivé par le désir de poursuivre des apprentissages dans ce domaine en perpétuel changement. Car, Mélodie, nous n’avons jamais fini d’apprendre, surtout en science, d’où l’importance d’avoir acquis de bonnes méthodes de travail et d’apprentissage.

MélodieAs-tu un message pour les jeunes qui souhaitent suivre tes traces?

J’ai un parcours très différent de celui de bien des jeunes, car après mes études universitaires, je n’étais pas prêt à choisir définitivement un domaine de travail. Alors, j’ai choisi de prendre une année sabbatique et de m’impliquer dans les projets offerts par des organismes tels que Katimavik et Jeunesse Canada Monde. J’ai aussi parcouru le monde pendant un an, principalement en Nouvelle-Zélande et en Asie du Sud-Est. Ces voyages et ces expériences de vie communautaire m’ont donné un éclairage différent sur ce qui est important pour moi dans la vie et sur la manière dont je peux devenir un véritable acteur de changement dans un contexte de développement durable. Et cela m’a aidé à choisir un domaine de travail stimulant qui nourrit ma satisfaction intérieure, sachant que ce que je fais est utile pour la société.

Pour en savoir plus :

Publication : avril 2018