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25 ans d'assainissement des eaux usées industrielles au Québec : un bilan (suite)Chapitre 1 : Les interventions visant l'assainissement des eaux usées industrielles (suite)
1.4 Le Programme dassainissement des eaux du Québec (PAEQ)Malgré les directives de la Régie des eaux pendant les années 1960, puis ladoption de la Loi sur la qualité de lenvironnement en 1972, force a été de constater à la fin des années 1970 que de multiples problèmes de pollution affectaient le milieu aquatique. À cette époque, une très faible proportion de la population québécoise, soit moins de 2 % de la population desservie par des réseaux dégout, bénéficiait de stations dépuration, la plupart des établissements industriels ne traitaient pas leurs effluents et les pratiques agricoles laissaient beaucoup à désirer, le tout se traduisant par un état de détérioration avancé des cours deau du Québec méridional. Alerté par ce triste constat, le gouvernement du Québec a lancé en 1978 un vaste programme dassainissement visant à restaurer la qualité des eaux, dont les objectifs étaient dune part, « daméliorer et conserver la qualité des eaux pour satisfaire les besoins de la population » et dautre part, « dobtenir et maintenir les milieux aquatiques équilibrés permettant aux ressources biologiques dévoluer normalement ». Latteinte de ces objectifs devait passer par des interventions auprès de toutes les sources de pollution existantes, soit les industries, les municipalités et les producteurs agricoles; on parlait alors des volets industriel, municipal et agricole du PAEQ. Dans le bassin d'une rivière donnée, les interventions municipales et industrielles ont été réalisées en règle générale de lamont vers laval, avec comme base territoriale, la municipalité. Les volets industriel et municipal ont été menés de front puisque la conception des stations dépuration municipales est généralement très influencée par les apports des établissements industriels raccordés au réseau dégout municipal domestique ou unitaire (industries dites « en réseau »). Les industries non raccordées à ce réseau dégout (industries dites « hors réseau ») ont été également incitées à réaliser simultanément leurs travaux dassainissement afin de compléter, pour une même date, lassainissement de tout un territoire municipal donné. Initialement, le volet municipal du PAEQ visait environ 920 municipalités dont la population globale approchait 5 700 000 habitants, cest-à-dire toutes les municipalités desservies par un réseau dégout. Le budget dimmobilisation nécessaire pour doter ces municipalités d'ouvrages d'assainissement a été évalué à 7 milliards de dollars en 1993 et le gouvernement du Québec y a contribué dans une proportion de 85 % environ. À titre dinformation, signalons quen 1995, quelque 500 municipalités ont complété leurs ouvrages dassainissement, ce qui correspond au traitement des eaux usées de près de 80 % de la population initialement visée. À la fin de 1999, lobjectif est de traiter les eaux usées de 98 % de la population desservie par un réseau dégout. Le Ministère produit annuellement un rapport sur les ouvrages municipaux dassainissement des eaux qui présente létat davancement du programme et la performance des ouvrages en service10. Du côté industriel, le PAEQ visait toutes les industries en dehors de la CUM et n'appartenant ni aux deux secteurs réglementés - pâtes et papiers et raffinage du pétrole - , ni au secteur minier. L'évaluation du coût des immobilisations nécessaires pour réaliser l'assainissement des eaux usées industrielles est beaucoup plus difficile à établir que dans le secteur municipal car il s'agit d'investissements privés. Un document de travail datant de 1986 avance un montant de l'ordre de 550 millions de dollars pour l'ensemble des industries hors CUM visées par le PAEQ; pour les industries de la CUM, le montant évalué, à l'époque, est de 150 millions de dollars11. À cela, il convient d'ajouter les coûts additionnels associés à la construction des ouvrages d'assainissement municipaux afin de traiter les effluents des industries raccordées à un réseau d'égout municipal. Une évaluation faite en 1987 indique que 15 % du coût des immobilisations du volet municipal du PAEQ est relié à la présence d'effluents industriels12, soit près de 1 milliard de dollars dont environ 80 % pour les industries situées hors CUM et 20 % pour celles de la CUM. Soulignons, à titre de comparaison, que, dans le secteur des pâtes et papiers, les obligations réglementaires adoptées en 1992 ont entraîné des investissements de lordre de 1 milliard de dollars pour limplantation de systèmes de traitement secondaire des eaux usées. Pendant plus de dix ans, le PAEQ a mobilisé des ressources considérables à lintérieur du Ministère, et ceci, dans chacun des volets. Pour le volet industriel, une équipe dédiée composée denviron trente professionnels et techniciens a travaillé à la réalisation du programme dassainissement des industries. Par la suite, à partir de 1992, lensemble des dossiers des industries a été confié aux directions régionales du Ministère et, en 1994, le PAEQ a été remplacé par le Programme dassainissement des eaux municipales (PADEM). La réalisation des interventions auprès des industries a dû se faire dans un contexte particulier caractérisé par labsence, dune part, de subventions gouvernementales directes à légard des industries et, dautre part, de réglementation provinciale spécifique régissant les effluents industriels. Une procédure bien définie a donc été mise au point, qui repose sur une approche originale qui privilégie les discussions avec lentreprise pour la définition dinterventions dassainissement les mieux adaptées à la problématique environnementale et à la situation financière de lentreprise. Laccent a été mis sur limplantation de technologies propres et de mesures de réduction de la pollution à la source, ce qui constitue généralement les solutions les moins coûteuses pour les entreprises et les plus intéressantes du point de vue environnemental. Rappelons que la pollution générée par les industries est souvent le résultat dune perte de matières premières plus ou moins transformées que les industries ont intérêt à récupérer. Ceci leur permet, par ailleurs, de réduire leurs besoins en traitement. Il sagit en fait « déviter de produire une pollution quon devra ensuite détruire »13. Du point de vue environnemental, le fait déliminer un contaminant à la source garantit, à coup sûr, labsence de rejet dans lenvironnement, ce qui nest pas nécessairement le cas lorsquun traitement est effectué, puisque certaines variations dans la performance des équipements d'épuration sont difficilement évitables. On trouvera ci-après une description des quatre principales étapes qui ont été suivies dans le cadre de la mise en uvre du PAEQ industriel. On trouvera également des indications sur le financement des travaux d'assainissement industriel. 1.4.1 Première étape : la sélection des industries sujettes à interventionLinventaire des industries Lélimination des industries peu polluantes En date de 1995, linventaire couvrait toutes les industries du Québec à l'extérieur du territoire de la CUM, même celles situées dans des municipalités non concernées par le volet municipal du PAEQ, et la sélection initiale entre les entreprises peu polluantes et celles potentiellement polluantes avait été systématiquement réalisée. 1.4.2 Deuxième étape : lévaluation des industries retenues pour interventionLes industries non éliminées à létape précédente font l'objet d'une visite détaillée de la part du personnel du Ministère, afin de confirmer la pertinence dune intervention. Une industrie est finalement retenue pour une intervention si ses effluents représentent potentiellement des charges importantes de contaminants conventionnels (DBO5, MES, phosphore) par rapport à la capacité de support du milieu récepteur ou aux charges municipales à traiter, ou encore si ses effluents sont susceptibles de contenir des substances toxiques pouvant perturber le fonctionnement de la future station dépuration municipale ou contaminer lenvironnement; en première analyse, la référence aux normes types du projet de règlement municipal est couramment utilisée pour évaluer la situation. À la suite de cette visite, lorsquil apparaît nécessaire dexiger des mesures correctives denvergure, une évaluation quantitative des rejets réels est réalisée par le biais dune campagne déchantillonnage sétendant en général sur trois à cinq jours. Ces travaux déchantillonnage sont effectués par les techniciens du Ministère dans le cas des industries hors réseau ou sous leur surveillance dans le cas des industries en réseau, léchantillonnage proprement dit étant alors réalisé par une firme privée engagée dans le cadre du projet dassainissement municipal. 1.4.3 Troisième étape : le plan correcteur (ou programme dassainissement)Élaboration dune proposition dassainissement Cette proposition comprend généralement un résumé de la situation observée, les exigences et les attentes du Ministère, les mesures correctrices jugées nécessaires et un calendrier de réalisation harmonisé avec celui des travaux dassainissement municipaux, mais tenant également compte des activités de production de lentreprise et de ses capacités financières. Les mesures correctives sont de deux types : dune part, celles visant à réduire à la source les quantités de rejets et, dautre part, celles destinées à assurer le traitement des effluents résiduels. Le degré de traitement exigé est différent selon que lindustrie est raccordée ou non à un réseau dégout. Ainsi, lorsque lindustrie est raccordée à un réseau dégout aboutissant à une station dépuration municipale, elle doit rendre ses effluents compatibles avec le traitement municipal et, pour cela, effectuer un prétraitement plus ou moins poussé (égalisation du débit, ajustement du pH, diminution de la charge organique, réduction des substances toxiques, etc.). Lorsque l'industrie rejette dans le réseau d'égout une charge organique ou un débit importants par rapport aux apports municipaux (supérieurs à 10 %), elle doit de plus sengager à respecter des limites précises de débits et de charges car la station dépuration municipale est conçue en tenant compte de celles-ci. Lorsque lindustrie est hors réseau, elle doit elle-même, à laide des technologies disponibles, épurer aussi complètement que possible ses effluents de façon à minimiser limpact de ses rejets sur le milieu récepteur. Le chapitre 3 présente, pour chaque secteur industriel, des exemples de mesures dassainissement qui lui sont spécifiques. Signature dun programme dassainissement Une fois les discussions terminées, lindustriel, en vertu de larticle 116.2 de la Loi sur la qualité de lenvironnement1, soumet pour approbation au Ministère un programme d’assainissement reprenant les termes de l’entente conclue. L’industriel complète ensuite la procédure spécifiée à l’article 116.3, laquelle prévoit que le programme proposé est mis à la disposition du public pendant une période de quinze jours, après quoi le ministre du Développement durable, de l’Environnement et des Parcs peut approuver le programme dassainissement. 1.4.4 Quatrième étape : la réalisation des travaux et le suiviLentreprise réalise les travaux correctifs selon léchéancier établi dans son programme dassainissement. Pour cela, elle doit au préalable obtenir les autorisations requises en vertu des articles 32 (installation déquipements de traitement des eaux usées) ou 22 (autres modifications au procédé industriel) de la Loi sur la qualité de lenvironnement1. À loccasion de la délivrance de ces autorisations, le Ministère peut exiger, si cela n'est pas déjà prévu dans son programme dassainissement, que lindustrie sengage à respecter certaines limites de rejet et à réaliser un suivi de ses effluents. Une fois les travaux complétés et après les vérifications du Ministère, le dossier est confié à la direction régionale du Ministère concernée qui en assure le contrôle ultérieur. En pratique, dans le cadre du PAEQ, le processus complet jusqu'à la signature d'un programme dassainissement en bonne et due forme na été appliqué que dans un nombre limité de cas, généralement lorsquil sagissait de travaux correctifs majeurs séchelonnant sur plusieurs années. En date de 1995, on estime que des programmes dassainissement ont été signés dans un tiers des cas ayant fait lobjet dinterventions dassainissement. Dans les autres cas, lorsque lentreprise a accepté de réaliser rapidement les correctifs proposés, elle est passée directement à une demande dautorisation qui lui a permis de procéder immédiatement aux travaux. Par ailleurs, pour des travaux correctifs simples (ex. : ajustement manuel de pH) ou consistant seulement en des mesures internes (ex. : ségrégation deaux non contaminées), le Ministère a procédé parfois par lettre dentente pour confirmer quil acceptait la réalisation des modifications. 1.4.5 Le financement des travaux dassainissement industrielContrairement aux ouvrages dassainissement municipaux financés, en grande partie, par des fonds gouvernementaux, les travaux dassainissement effectués dans les limites du terrain des entreprises sont entièrement à la charge de ces dernières. Cependant, elles peuvent se prévaloir des dispositions des lois fiscales pour amoindrir limpact économique des dépenses dimmobilisation reliées à lachat des équipements dépuration, par exemple en obtenant des crédits dimpôt ou un amortissement accéléré. Par la suite, les frais d'exploitation des systèmes de prétraitement ou de traitement demeurent complètement à la charge des entreprises. Les entreprises raccordées à un réseau dégout municipal se trouvent à bénéficier dune partie des subventions gouvernementales accordées pour la construction des ouvrages dassainissement municipaux. Elles sont toutefois appelées à participer au financement des ouvrages municipaux pour la partie des coûts non acquittés par le gouvernement. Les coûts de fonctionnement de ces ouvrages sont aussi répartis entre tous les utilisateurs selon des modalités établies par la municipalité. Dans le cas des industries majeures qui déversent plus de 10 % des charges polluantes municipales à traiter, une entente est signée entre la municipalité et lindustrie afin de préciser la répartition des coûts ainsi que diverses obligations. Le tableau 1 donne une idée du partage de coûts généralement observé.
1.5 Le Plan daction Saint-Laurent (PASL)En juin 1989, les gouvernements du Canada et du Québec ont signé une entente visant à protéger, à conserver et à restaurer la qualité des eaux du Saint-Laurent et couvrant la période 1988-1993. Cette entente intitulée Plan d'action Saint-Laurent (PASL), a été reconduite en 1993 par la mise en uvre dune deuxième phase nommée Saint-Laurent-Vision 2000 (SLV-2000) qui se poursuit jusqu'en 1998. Lentente comprend plusieurs volets, dont celui sur la « Protection » qui a comme objectif de sattaquer en priorité aux substances toxiques et de réduire de 90 % lensemble des rejets liquides toxiques déversés par certaines industries. La réalisation du PASL a fait l'objet d'une procédure assez semblable à celle élaborée lors de la mise en uvre du PAEQ. Toutefois, la caractérisation des effluents industriels est réalisée systématiquement et comprend la détermination d'un nombre élevé de composés toxiques organiques et inorganiques. Les coûts inhérents à limplantation des mesures correctrices sont à la charge des entreprises, tandis que les études de caractérisation des effluents sont défrayées à environ 50 % par les fonds gouverne-mentaux. Le PASL visait 50 établissements industriels majeurs préalablement sélectionnés tandis que SLV-2000 en vise 56 de plus. Parmi les 50 établissements du PASL, on compte 15 fabriques de pâtes et papiers soumises aux exigences du Règlement sur les fabriques de pâtes et papiers2,3, 3 raffineries de pétrole soumises au Règlement sur les effluents liquides des raffineries de pétrole4 et 32 autres industries dont les plus importantes en terme de pollution avaient déjà signé un programme dassainissement dans le cadre du PAEQ ou étaient en train de le négocier. Plusieurs rapports ont été publiés sur le PASL dans lesquels on peut retrouver un état de la situation détaillé sur les 50 industries visées17, 18. Ainsi, il est intéressant de remarquer que la réduction des rejets liquides toxiques de l'ensemble de ces 50 industries entre 1988 et 1995, laquelle est évaluée à 96 %18 en termes d'indice « chimiotox », est attribuable à trois principaux facteurs :
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