Le coin de Rafale
Sais-tu que le ginseng à cinq folioles est une espèce recherchée au Québec depuis plus de 300 ans?
Salut! Comme tu le sais, je m’intéresse à tout ce qui touche la biodiversité de façon générale; la disparition des espèces est donc un sujet qui me préoccupe. Dans cette capsule, je te présente l’histoire du ginseng à cinq folioles, une plante qui, encore aujourd’hui, est victime de sa popularité!
Tout d’abord, qu’est-ce que le ginseng à cinq folioles?
Le ginseng à cinq folioles (Panax quinquefolius) est une plante herbacée vivace issue d’un rhizome rattaché à une racine tubéreuse. Cette racine, souvent fourchue, prend parfois une forme qui peut rappeler celle d’un humain! Un plant peut mesurer de 20 à 70 centimètres de hauteur. Le ginseng à cinq folioles émerge à la fin de mai et fleurit en juin. Ses fleurs se transforment ensuite en petits fruits d’un rouge vif que l’on peut observer en septembre. Un plant de ginseng à cinq folioles peut vivre jusqu’à 60 ans!
Le ginseng à cinq folioles aime bien l’ombre et de bons sols riches en minéraux. C’est pour cette raison que les érablières à sucre constituent son habitat préféré. Au Canada, on le trouve uniquement dans le sud du Québec, principalement en Montérégie, et dans le sud de l’Ontario.
Qu’est-ce qui rend le ginseng à cinq folioles si populaire?
Le Panax ginseng ou « ginseng asiatique », qui croît en Asie, est le frère du ginseng à cinq folioles. Ce ginseng est utilisé sur ce continent depuis des milliers d’années en médecine traditionnelle. Les racines de ces deux espèces partageraient les mêmes propriétés : elles augmenteraient les capacités intellectuelles et physiques, préviendraient la maladie, guériraient toutes sortes de maux (problèmes digestifs, de sommeil, etc.) et prolongeraient la vie. Aujourd’hui encore, la racine de ginseng est très en demande en Asie.
Que s’est-il passé au Québec il y a 300 ans? Faisons un retour dans le passé...
Crédit photo : Matthew Wild
Le ginseng à cinq folioles, déjà connu et utilisé par les Amérindiens avant l’arrivée des Européens, a été « découvert » au Québec en 1704 par Michel Sarrazin, un médecin du roi en Nouvelle-France. En 1715, le ginseng à cinq folioles fut identifié comme le frère du ginseng asiatique (Panax ginseng). Comme ce dernier était fort prisé en Asie pour ses propriétés médicinales, on a rapidement exporté les racines séchées du ginseng à cinq folioles en Chine. Le ginseng à cinq folioles est même devenu le second article de commerce en Nouvelle-France, après la fourrure. Pendant près de 30 ans, il a donc été abondamment cueilli dans les forêts du Québec et exporté en Chine, jusqu’à ce que le marché s’effondre à la suite de mauvaises pratiques de séchage et d’entreposage qui dépréciaient les racines exportées. À cette époque, le développement durable n’était pas connu. La cueillette abusive a donc contribué au déclin des populations sauvages et, aujourd’hui encore, le ginseng à cinq folioles ne s’en est toujours pas remis.
300 ans, n’est-ce pas suffisant pour que les populations sauvages de ginseng à cinq folioles se rétablissent?
Malheureusement non. La cueillette du ginseng à cinq folioles s’est poursuivie. De plus, d’autres facteurs jouent contre le rétablissement des populations naturelles, à commencer par la difficulté qu’a la plante à se reproduire. En effet, le ginseng à cinq folioles met plusieurs années pour parvenir à maturité (de 7 à 15 ans) et la production de graines est son seul moyen de reproduction. Ajoutons à cela que chaque graine a besoin d’une dormance d’environ 20 mois avant de germer (cycle hiver-été-hiver), que la mortalité des semis est très élevée (de 70 à 90 %) et que de petits mammifères se nourrissent de ses graines. Pour toutes ces raisons, la probabilité qu’une graine devienne un plant mature est d’à peine 0,55 %! Cela signifie que seulement une graine sur 200 deviendra un plant mature de ginseng! Le broutage des feuilles et des fleurs par les marmottes et les cerfs de Virginie, celui des petites plantules par les limaces ou l’infection des plants par les champignons sont d’autres menaces naturelles qui limitent le rétablissement des populations sauvages de ginseng à cinq folioles.
Panax quinquefolius / ginseng à cinq folioles
Crédit photo : Pierre Petitclerc, MERN
Et n’oublions pas les conséquences de la fragmentation de l’habitat du ginseng, ou celles des activités humaines sur cet habitat. En effet, comme le ginseng vit principalement dans les érablières du sud du Québec, surtout en Montérégie, et que cette région connaît le développement domiciliaire, forestier, industriel, agricole et récréatif le plus intense, son habitat se trouve constamment réduit et dégradé. Comme tu peux le constater, tout semble jouer contre le rétablissement des populations sauvages de ginseng à cinq folioles!
Comment déterminer l’âge d’un plant de ginseng
Tout comme on peut connaître l’âge d’un arbre en comptant ses cernes de croissance, il est possible de compter les cicatrices sur le rhizome surmontant la racine d’un plant de ginseng. Chaque année, une nouvelle tige se forme sur le rhizome et tombe à l’automne. Lorsque la tige tombe, une cicatrice se forme sur le rhizome.
Une autre méthode, plus facile, consiste à compter le nombre de feuilles : les plants à deux feuilles ont généralement plus de trois ans, les plants à trois feuilles ont généralement plus de six ans, et les plants à quatre feuilles ont généralement plus de 13 ans.
Combien de populations sauvages de ginseng à cinq folioles retrouvons-nous au Québec aujourd’hui?
Les botanistes du Québec surveillent les populations de ginseng à cinq folioles depuis plusieurs années. Ils transmettent leurs données au Centre de données sur le patrimoine naturel du Québec (CDPNQ). Le CDPNQ, c’est l’organisation qui gère la banque de données sur les espèces d’animaux ou de plantes qui sont en danger au Québec. Cette dernière contient des données qui doivent demeurer confidentielles pour protéger les espèces.
J’ai fait une demande au responsable du CDPNQ pour connaître le nombre de populations de ginseng à cinq folioles au Québec. Il resterait environ 168 populations, mais seulement le quart d’entre elles auraient assez d’individus pour survivre (une population de ginseng doit avoir au moins 172 individus pour survivre). Cela signifie qu’une quarantaine de populations de ginseng à cinq folioles a encore des chances de survivre au Québec. Le responsable du CDPNQ m’a dit que les populations diminuaient constamment. C’est une situation très inquiétante!
Alors, pourquoi ne pas protéger les dernières populations sauvages de ginseng à cinq folioles?
Heureusement, en 2001, le gouvernement du Québec a désigné les populations sauvages de ginseng à cinq folioles menacées en vertu de la Loi sur les espèces menacées ou vulnérables. En gros, cela signifie qu’il est interdit de toucher aux plants sauvages de ginseng à cinq folioles. On ne peut donc pas les récolter, les détruire ou les vendre. De plus, dans tout projet de développement, on doit tenir compte de la présence du ginseng à cinq folioles et limiter les effets du projet sur celui-ci. Quelques aires protégées assurent aussi la protection de populations sauvages de ginseng à cinq folioles. En 2003, le gouvernement du Canada a, pour sa part, ajouté le ginseng à cinq folioles aux espèces en voie de disparition visées par sa Loi sur les espèces en péril. Donc, pour résumer la situation, la récolte, la possession et la vente de ginseng à cinq folioles provenant du milieu naturel sont interdites au Canada et donc au Québec.
À la suite de ces interdictions, on a poursuivi la culture du ginseng à cinq folioles pour continuer de répondre à la demande du marché international. Une surveillance étroite du commerce, en vertu de la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (CITES), a débuté pour s’assurer que la culture ne menace pas la survie des populations sauvages. La Canada est l’un des plus grands pays producteurs de ginseng à cinq folioles au monde. Toutefois, au Québec, cette culture demeure marginale.
Concrètement, quelques mesures ont été mises en œuvre dans les forêts pour protéger les populations sauvages. Des sentiers ont été détournés, des plants ont été camouflés, des obstacles ont été installés et des répulsifs ont été utilisés pour réduire le broutage par les cerfs de Virginie.
Peut-on aider les dernières populations de ginseng à cinq folioles du Québec à survivre?
La protection, c’est bien, mais dans le cas présent, il faut aller plus loin et aider les populations sauvages de ginseng à cinq folioles à se rétablir! Une équipe de spécialistes a été mise sur pied pour trouver des solutions et sauver le ginseng à cinq folioles. Ces solutions peuvent être, entre autres, la relocalisation de plants menacés, la plantation de graines pour augmenter la taille d’une population ou la signature d’une entente avec le propriétaire d’une terre sur laquelle le ginseng à cinq folioles croît, pour le protéger.
Le ginseng à cinq folioles est maintenant entre bonnes mains!
Et toi dans tout ça?
Tu connais le propriétaire d’un
terrain où se trouvent des populations
sauvages de ginseng à cinq folioles?
Invite-le à communiquer avec le
ministère du Développement durable,
de l’Environnement et de la Lutte
contre les changements climatiques
pour discuter des actions qui pourraient
être mises en œuvre pour les protéger!
Pour en savoir plus
L’aventure Une enquête épicée : l’ail des bois te permettra de connaître l’histoire d’une autre espèce floristique très convoitée au Québec.
Tu peux aussi lire deux aventures
de Rafale qui portent sur les espèces
menacées :
Les plantes menacées ou vulnérables
: vers la sauvegarde de la biodiversité
et
Quand les espèces sont en danger.
En 2014, la Loi sur les espèces
menacées ou vulnérables fête ses
25 ans. Pour en savoir plus, consulte
la page
Sais-tu qu’une loi protège les espèces
menacées ou vulnérables du Québec
depuis 25 ans?
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Fyto
Publication : février 2015