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Évaluation de la qualité bactériologique de sites potentiels de baignade dans le Saint-Laurent, été 1999 |
Le tableau 1 présente, pour chacun des 24 sites sélectionnés, l’adéquation entre les dénombrements de coliformes fécaux et de E. coli, de même qu’entre les dénombrements de staphylocoques totaux et de S. aureus. Selon le site, E. coli constitue entre 70 % et 100 % des coliformes fécaux, mais, pour la très grande majorité des sites, ce pourcentage est supérieur à 85 %. E. coli représente plus de 90 % des coliformes présents dans les excréments humains, le reste étant constitué de Klebsiella sp., d’Enterobacter sp. et de Cirobacter sp. (Dufour, 1977). Par contre, Klebsiella sp. peut survivre et se reproduire dans des milieux riches en matière organique tels que les effluents d’usines de pâtes et papiers et d’industries du textile (SBESC, 1992). Dans les eaux tempérées utilisées à des fins récréatives, E. coli représente entre 63 % et 100 % des coliformes fécaux, dépendamment du degré de contamination des eaux récréatives par des effluents industriels (Sekla et al., 1987). L’utilisation des coliformes fécaux plutôt que de E. coli comme indicateurs de la qualité bactériologique des eaux de baignade du Saint-Laurent est donc valable.
Selon le site considéré, S. aureus représente entre 3 % et 36 % des staphylocoques totaux. S. aureus est le principal germe pathogène du genre reconnu, entre autres, comme une cause d’infections telles les furoncles, les abcès ou autres infections purulentes (SBESC, 1992). Bien que Santé Canada n’ait fixé aucune norme pour les staphylocoques totaux ou encore S. aureus, certaines études épidémiologiques ont identifié les staphylocoques totaux comme un indicateur potentiel de salubrité dans un contexte de baignade (Seyfried et al., 1985a,b ; Cheung et al., 1991). En eau douce, les staphylocoques totaux semblent être les indicateurs les plus appropriés pour prédire le taux d’infection et de maladie parmi les baigneurs (Seyfried et al., 1985b). En eau salée, les staphylocoques totaux pourraient servir d’indicateurs de la densité des baigneurs et du risque d’infection croisée parmi ceux-ci plutôt que d’indicateur de contamination fécale (Cheung et al., 1991).
Pour ce qui est des eaux douces du Saint-Laurent, les concentrations de staphylocoques totaux sont correlées (r=0,47; P<0,001) avec les concentrations de coliformes fécaux (tableau 2). Ceci est conforme à une étude plus restreinte, réalisée à différents sites le long du fleuve Saint-Laurent, où on a montré une corrélation significative (r=0,68; P<0,0001) entre les concentrations de E. coli et celles de staphylocoques totaux (Larue et al., 1996). Cependant, dans le cadre de la présente étude, la corrélation est beaucoup plus forte en amont qu’en aval du lac Saint-Pierre et elle n’est pas statistiquement significative à tous les sites caractérisés, notamment aux sites de Pointe-aux-Trembles et Varennes ainsi qu’à plusieurs autres sites localisés en aval du lac Saint-Pierre (annexe 2). Dans le cas actuel, l’importance des teneurs inexpliquées documentées à certains sites et la discordance avec les concentrations de coliformes fécaux jettent un doute sur la possibilité d’utiliser les staphylocoques totaux comme indicateurs de la qualité bactériologique des eaux de baignade dans le fleuve Saint-Laurent.
Les coliformes fécaux et la turbidité sont faiblement correlés pour les sites localisés en aval du lac Saint-Pierre, c’est-à-dire là où la contamination bactériologique est moins importante. Les staphylocoques présentent, quant à eux, une corrélation négative avec la turbidité pour les sites localisés en amont du lac Saint-Pierre.
La figure 2 présente, pour chaque site, la moyenne géométrique saisonnière des concentrations de coliformes fécaux et de staphylocoques totaux. L’annexe 3 présente les moyennes géométriques journalières des teneurs en coliformes fécaux et en staphylocoques totaux obtenues lors de chaque campagne de prélèvement. On y retrouve également les précipitations journalières ainsi que, lorsque cela s’applique, la phase de la marée au moment de l’échantillonnage. L’annexe 4 présente, quant à elle, les sources potentielles de contamination bactériologique pour chacun des sites caractérisés.
Les trois endroits les plus contaminés en coliformes fécaux sont les sites qui sont sous l’influence de l’émissaire de la Communauté urbaine de Montréal (CUM) et de celui de la station d’épuration des eaux de la rive sud à Longueuil (CERS) : l’îlet Vert, situé à 5 km en aval de l’émissaire de la CUM, l’île Marie localisée dans les îles de Verchères, à environ 14 km en aval de l’émissaire, et l’île à la Pierre qui fait partie des îles de Sorel et qui se trouve à environ 67 km du point de rejet. Les stations d’épuration de la CUM et du CERS, qui utilisent un traitement physico-chimique, ne font subir aucune désinfection aux eaux usées avant leur rejet au fleuve. Les deux autres sites les plus contaminés par les coliformes fécaux sont localisés dans les municipalités de Batiscan et de Neuville, deux municipalités qui n’étaient pas encore desservies par un réseau d’égouts et une station d’épuration au moment de l’étude.
Les concentrations de staphylocoques totaux sont beaucoup plus élevées dans la section du fleuve en amont du lac Saint-Pierre que dans la section en aval (figure 2). Les deux endroits les plus contaminés en staphylocoques totaux sont les sites qui sont sous l’influence directe des rejets de la CUM et du CERS, c’est-à-dire celui de l’îlet Vert et de l’île à la Pierre. D’après les résultats de la présente étude, les eaux usées municipales seraient une source importante de staphylocoques; en effet les eaux usées traitées mais non désinfectées de plus de trois millions de personnes sont rejetées dans le fleuve Saint-Laurent en amont du lac Saint-Pierre. Les staphylocoques colonisent la peau et les muqueuses en abondance (SBESC, 1992) et se retrouvent également dans les matières fécales humaines et animales (Seyfried et Harris, 1990) ainsi que dans l’urine (Cheung et al., 1991). Le milieu aqueux ne constitue pas un milieu naturel pour les staphylocoques qui sont en général incapables de s’y multiplier; ils ont besoin de beaucoup d’éléments nutritifs et ne peuvent se développer que dans une eau dont la température est d’environ 20 °C (SBESC, 1992). Il est donc probable que les staphylocoques se retrouvent en concentration importante dans les eaux usées municipales et possible qu’ils se multiplient dans les eaux du fleuve à cause de l’abondance des éléments nutritifs présents dans les eaux usées rejetées par la CUM et le CERS. On trouve cependant des concentrations importantes de staphylocoques à des endroits où la contamination en coliformes fécaux est relativement faible (sites P1 et P3); la résistance des staphylocoques à de nombreuses influences du milieu et leur capacité à survivre pendant des périodes relativement longues (SBESC, 1992) pourraient expliquer ce phénomène. Malheureusement, on connaît peu l’importance de certaines sources potentielles, tels les animaux et les eaux de ruissellement (SBESC, 1992).
Figure 2 : Moyennes géométriques saisonnières des teneurs en coliformes fécaux et en staphylocoques totaux, fleuve Saint-Laurent, été 1999
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