Le coin de Rafale

Sais-tu ce qu’est une cuisine collective?

Mon entrevue avec les membres de la Cuisine collective Beauport

AuroreLa semaine dernière, je suis allée rencontrer Marie-Josée, Karina et Sylvain, trois intervenants qui travaillent à la Cuisine collective Beauport de Québec. J’ai aussi eu la chance de rencontrer les membres et les bénévoles de l’organisme alors qu’ils cuisinaient de succulents plats. Voici l’entrevue que j’ai réalisée!

 Bonjour Marie-Josée. Pouvez-vous m’expliquer ce qu’est une cuisine collective?

Bonjour Aurore. De façon générale, une cuisine collective regroupe des personnes qui mettent en commun leur temps, leur argent et leurs compétences pour confectionner des plats économiques, sains et appétissants qu’elles rapportent chez elles. Les cuisines collectives s’adressent aux personnes qui ont le souci d’une saine alimentation et d’une meilleure qualité de vie pour elles et leur famille, et qui souhaitent s’impliquer individuellement et collectivement dans leur communauté.

Ce qui est particulier à la Cuisine collective Beauport, c’est qu’elle s’appuie sur une démarche de solidarité sociale qui répond aux besoins des personnes démunies (à faibles revenus, qui ne savent pas bien s’alimenter ou cuisiner) conformément aux principes de la démocratie.

Pouvez-vous me préciser ce que veut dire « démarche de solidarité sociale »?

Ça veut dire que le but de notre organisation est de rendre des services aux gens qui ont des besoins et de le faire de façon équitable.

Depuis quand la CCB existe-t-elle?

Cuisine collective Beauport a été créée au milieu des années 1990 par quelques femmes de la communauté pour combler les besoins grandissants des familles à faibles revenus de l’arrondissement de Beauport. Elles se sont mobilisées en vue d’obtenir des services et du soutien technique pour organiser et démarrer leur projet de cuisine collective. Depuis, l’organisme poursuit son développement et est impliqué au sein de nombreux comités et regroupements.

Qui peut être membre de la cuisine et comment en devient-on membre?

Toutes les personnes qui habitent l’arrondissement de Beauport et qui vivent une situation de pauvreté peuvent être membres. Pour autant qu’elles participent activement aux activités régulières de cuisine collective et qu’elles respectent les règles de notre cuisine. De façon générale, les personnes nous sont envoyées par le Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux (CIUSSS) ou par un de nos membres. Il arrive aussi qu’elles communiquent directement avec nous. Ces personnes doivent nous démontrer leur intérêt et, s’il y a de la place, elles peuvent devenir membre.

C’est une quarantaine de participants par mois qui viennent cuisiner avec nous. Comme un participant cuisine pour tous les membres de sa famille, cela nous permet de nourrir plus de 250 bouches par mois.

Vous avez des règles? Pourquoi?

Comme à l’école, pour que tout se passe bien, et que tout le monde puisse apprécier les moments passés en groupe à cuisiner dans la bonne humeur, nous avons établi des règles. Elles visent l’équité, la participation et le respect!

Voici quelques exemples :

Le père de mon ami Charli est membre d’une cuisine collective depuis qu’il a perdu son emploi. Est-ce que les membres de la CCB sont tous dans cette situation?

Non. Ici, nos membres vivent des situations de pauvreté toutes différentes les unes des autres. Bien entendu, comme dans le cas de ton ami, nous avons des personnes issues de familles à faibles revenus, soit parce que les parents sont sans emplois, soit parce qu’ils gagnent de petits salaires; mais il y a aussi des gens seuls et démunis, des personnes aux prises avec des problématiques de santé mentale ou endeuillées par la perte d’un ou d’une conjointe. Il y a aussi des groupes de cuisine pour mamans ou papas qui peuvent venir avec leurs enfants, car il y a une éducatrice sur place pour s’en occuper. Tu vois, c’est une clientèle très diversifiée.

Et comment fonctionne la cuisine proprement dite?

Nous avons cinq groupes réguliers, et il y a entre huit et dix participants par groupe. Voici notre horaire :

  1. Lundi après-midi : vider le camion de denrées, garder tout ce qui peut être gardé (boîtes de conserve, légumes, pâtes, riz, etc.) et séparer ce qui se cuisine moins bien (pain, gâteaux, biscuits, etc.). Planifier les repas en fonction de ce que nous avons reçu dans le camion
  2. Mardi : acheter les ingrédients manquants
  3. Mercredi : cuisiner les recettes
    Séparer les plats entre les participants selon le nombre de portions auxquelles ils ont droit
    Faire le ménage (laver la vaisselle, nettoyer les fours, le frigo et les planchers)

Quel type de denrées recevez-vous?

De Moisson Québec, nous pouvons recevoir des légumes et des fruits un peu défraichis (des pommes, des salades, des carottes, etc.), des boîtes de conserve, du pain, etc. Certains producteurs nous vendent leurs produits non vendus à faible coût. Cela arrive surtout l’automne… À titre d’exemple, l’année dernière, une ferme locale nous a donné gratuitement une grande quantité de citrouilles… On en a fait plusieurs recettes… C’était super!

Donc, les membres du groupe sont présents lors de la réception des denrées, et ils nous aident à tout ranger dans les frigos, congélateurs et armoires.

Une fois les denrées rangées et inventoriées, arrive l’étape de la planification. En fonction de ce que nous avons reçu, des ingrédients non périssables que nous avons déjà dans nos armoires et de la production de notre jardin, les participants choisissent des recettes. Souvent, il ne reste que les protéines (viande, fromage, tofu, etc.) à acheter au magasin pour compléter les recettes. Comme certains produits comme la viande sont très chers, les recettes choisies doivent être économiques en plus d’être bonnes pour la santé. Et surtout, on ne GASPILLE rien. On utilise tout!

Les membres doivent prévoir la bonne quantité d’aliments en fonction du nombre de portions avec lesquelles chaque membre repart. Habituellement, on cuisine cinq repas différents chaque semaine. On cuisine environ 25 portions par repas. Certains membres repartent avec une portion, et d’autres ramènent jusqu’à cinq ou six portions si leur famille est nombreuse.

 

Et comment les coûts sont-ils répartis?

Eh bien, c’est simple. On prend le plus possible ce qu’on a dans nos armoires pour réduire nos coûts. On a environ un budget de 8 $ par personne dans une enveloppe. Donc, si on cuisine pour 18 personnes, on aura environ 145 $ disponibles. Le participant paye 4 $ et l’organisme offre l’autre 4 $.

Ce que l’on appelle une portion, c’est cinq repas.

Un membre qui vit seul payera donc 4 $ et quittera avec une portion de chacun de ses cinq repas.

Si, par exemple, Julie vient cuisiner pour elle, son conjoint et ses deux enfants, il lui en coûtera 16 $. Elle quittera avec cinq repas (quatre portions) pour chacun des membres de sa famille.

Exemple :

Jean (1 portion : 4 $) 
  • 1 tasse de sauce à spaghetti
  • 1 pâté à la viande
  • 1 tasse de général Tao au tofu
  • 3 croquettes au thon
  • 5 muffins son et fruits
Julie (4 portions : 16 $) 
  • 4 tasses de sauce à spaghetti
  • 4 pâtés à la viande
  • 4 tasses de général Tao au tofu
  • 12 croquettes au thon
  • 20 muffins son et fruits
 

Comment les tâches sont-elles réparties lorsque vous cuisinez?

Ce sont les membres qui choisissent! Il y a des membres affairés aux desserts, d’autres à la cuisson des viandes, d’autres préfèrent préparer les ingrédients. Ce qui est important, c’est que tout le monde participe, dans la bonne humeur, et que tous les repas soient cuisinés et prêts pour être apportés en fin de journée. Il y a aussi des bénévoles qui viennent donner de leur précieux temps et un intervenant social, comme moi, qui travaille pour la CCB afin d’accompagner chaque groupe.

 

Et qui fait la vaisselle?

Tous les participants sont responsables de la vaisselle et de l’entretien des locaux (RIRES)! Et personne ne quitte avant que tout soit propre!

Que se passe-t-il les autres jours de la semaine?

Eh bien, on organise aussi des activités pour les membres. Pas tous les jours, mais régulièrement. Par exemple, nous allons aux pommes, nous organisons des soupers de Noël et nous faisons des sorties de cueillette chez les cultivateurs.

La CCB organise aussi des activités de cuisine ponctuelles pour d’autres organismes de l’arrondissement : Vélo Vert, Intègr’action jeunesse, Carrefour jeunesse-emploi, etc.

Et depuis 2016, de mai à octobre, on s’occupe de notre jardin urbain!

C’est vraiment chouette! Est-ce que toutes les cuisines collectives ont un jardin?

Non. En fait, le jardin « La Fardocherie » est une initiative citoyenne qui a débuté il y a trois ans. Christian, notre jardiner-intervenant, et deux étudiants d’un programme carrière-été, travaillent avec nos membres à la réussite du projet. Ce jardin apporte une toute autre dimension à la CCB puisque les membres apprennent à cultiver des fruits, des légumes et des fines herbes selon des méthodes écologiques. C’est une activité très enrichissante!

Depuis deux ans, une ruche a été ajoutée au projet. On y a récolté près de 80 pots de miel la première année!

Les membres souhaitent maintenant donner de l’ampleur au projet! Le voisinage apprécie beaucoup le jardin qui offre un lieu de rencontre et de repos dans ce qui était auparavant une partie du stationnement.

Wow, c’est vraiment impressionnant tout ce que vous faites! Merci pour cette belle entrevue!

 

Aurore, avant de partir, aimerais-tu goûter à notre miel?

Certainement… Délicieux!

Publication : juin 2018