Le coin de Rafale
Sais-tu que le satyre fauve des Maritimes est un papillon unique au monde?
Cet été, je suis allé dans le parc national de Miguasha avec mon père! Wow! J’ai vraiment aimé cet endroit, avec sa falaise et ses fossiles! Le parc est situé dans la baie des Chaleurs en Gaspésie. Nous en avons profité pour nous rendre au barachois de Nouvelle pour y observer un papillon, le satyre fauve des Maritimes (Coenonympha nipisiquit).
« Barachois », c’est un joli mot, tu ne trouves pas? Il désigne une étendue d’eau séparée de la mer par une barre de sable. À marée haute, une ouverture dans cette barre de sable permet à l’eau de mer de se mêler à l’eau douce. Le barachois a donc une eau saumâtre, c’est-à-dire un mélange d’eau douce et d’eau salée. Il est alimenté par un ou plusieurs cours d’eau douce situés en bordure du littoral, tout en étant influencé par les marées. On y retrouve une diversité d’habitats, comme des étangs et des marais salés. C’est dans ce milieu que nous sommes partis à la recherche de ce papillon rare!
Satyre fauve des Maritimes (Coenonympha nipisiquit),
source : Benoît Jobin SCF
Au Canada, il n’y a que cinq espèces de papillons endémiques, c’est-à-dire qu’ils ne se retrouvent nulle part ailleurs dans le monde. Trois de ces papillons se rencontrent en Gaspésie : le cuivré des marais salés, le papillon queue-courte et le satyre fauve des Maritimes. Ce dernier est surtout confiné dans la baie des Chaleurs. Ces trois espèces de papillons sont probablement des reliques de la dernière période glaciaire; elles auraient donc plus de 20 000 ans!
Il faut avoir l’œil ouvert, car ce n’est pas un gros papillon super coloré, bien au contraire! En utilisant des lunettes d’approche, nous avons eu la chance de le voir! Le mâle a le dessus des ailes de couleur ocre foncé à ocre marron et porte une bande oblique crème sur le dessous de l’aile avant. Certains mâles ont également une tache noire en dessous de l’aile. L’envergure de leurs ailes est de 3,4 centimètres. Les ailes des femelles sont un peu plus grandes, avec une envergure de 3,6 centimètres. Elles sont plus ocres et ont toutes une tache noire sous l’aile.
Il faut vraiment être là au bon moment, car la période de vol des adultes s’échelonne uniquement sur quatre semaines, de la fin de juillet au mois d’août, selon les températures printanières et estivales. Les adultes peuvent vivre jusqu’à deux semaines. Ils consacrent ce court laps de temps à la reproduction. Les mâles patrouillent et s’approchent des femelles qui sont posées sur les plantes. Les jours de grand vent et par temps couvert, ils ne sortent pas!
Spartine étalée (Spartina patens),
source : Environmental Concern Inc.
Ce papillon dépend entièrement des marais salés. Son cycle vital est intimement lié à une plante en particulier : la spartine étalée (Spartina patens). La femelle pond de deux à cinq œufs à la base d’une plante et s’envole vers une autre pour répéter son manège. La femelle déposera ses 24 œufs sur plusieurs plantes différentes. Les œufs ont une taille de 1 millimètre de diamètre et prennent de 10 à 15 jours pour éclore.
De chaque œuf émerge une petite « chenille », nom donné à la larve du papillon, qui mange d’abord la coquille de l’œuf puis la tige de sa plante. Il y a cinq stades larvaires. En septembre, la chenille en est à son deuxième stade; elle continue de se nourrir et se prépare à passer l’hiver. Elle va alors entrer en diapause, enfouie dans la litière pour plusieurs longs mois. Elle ressort au printemps, au troisième stade, et poursuit son développement jusqu’à la fin de juillet. Au dernier stade, la chenille a le corps verdâtre et porte de petites bandes colorées.
La chenille se transforme en chrysalide. Cette dernière est attaché à la spartine étalée par un fil de soie et mesure 12 millimètres de longueur. Elle est d’un vert bleuâtre et porte une série de rayures noires. Le papillon adulte émerge au bout de 9 à 11 jours. Il grimpe au sommet de la plante pour faire sécher ses ailes et, après quelques heures, il est prêt à s’envoler!
Lavande de mer ou limonium de Caroline
(Limonium carolinianum), source : Plants
for a future
La spartine étalée sert donc de nourriture et de support au papillon durant les différentes étapes de sa vie : œuf, chenille, chrysalide et adulte. Le satyre va également s’y abriter lors des journées de grand vent et de tempête. Une fois adulte, le papillon se nourrit du nectar des fleurs et, neuf fois sur dix, sa préférence ira au limonium de Caroline (Limonium carolinianum), mieux connu sous le nom de « lavande de mer ». Il visite également d’autres plantes telles que la verge d’or toujours verte (Solidago sempervirens), le glauce maritime (Glaux maritima), la potentille d’Egede (Potentilla egedii), l’achillée millefeuille (Achillea millefolium) et le laiteron (Sonchus sp.). Le papillon a donc absolument besoin de ces deux plantes, la spartine étalée et la lavande de mer, pour survivre. D’ailleurs, les plus grandes populations de satyre fauve des Maritimes se rencontrent dans les marais qui ont les plus fortes concentrations de ces deux plantes. Au Québec, le barachois de Nouvelle abrite la plus importante population, évaluée à près de 26 000 individus.
Les marais salés indispensables au satyre faune des Maritimes sont des milieux fragiles et sensibles. Avec les changements climatiques, plusieurs événements pourraient se produire. L’élévation du niveau de la mer risque d’inonder le milieu et, avec lui, les plantes, les œufs, les chenilles et les chrysalides. Par ailleurs, on pense que les tempêtes hivernales pourraient être plus fréquentes et causer de l’érosion, ce qui entraînerait la mort des chenilles qui passent l’hiver dans le sol. Un déversement d’hydrocarbures serait aussi catastrophique. Une chose est certaine, si l’habitat est perturbé, le satyre fauve des Maritimes le sera aussi.
« Marais salés », source : Benoît Jobin SCF
La rareté de cette espèce la met également en danger. Des collectionneurs seraient tentés de capturer des spécimens de façon illégale.
Comme les adultes ne vivent pas longtemps et qu’ils se retrouvent seulement dans quelques marais en Gaspésie, je crois que j’ai eu vraiment de la chance de pouvoir les observer cet été. J’aimerais bien y retourner avec Rafale l’an prochain. Mais ce qui me fascine encore plus, c’est la relation entre le papillon et sa plante, la spartine étalée. Sans elle, il ne pourrait plus exister! Elle est sa bonne étoile!
Toi aussi, tu peux briller dans le ciel des espèces menacées! Je t’invite à mettre le nez dehors : la faune et la flore ont besoin de toi! Savais-tu que tu peux toujours signaler un acte de braconnage en toute confidentialité? Tu communiques avec S.O.S. braconnage par téléphone, par courriel ou même en ligne. Les agents de protection de la faune veillent à faire respecter plusieurs lois, y compris la Loi sur les espèces menacées ou vulnérables du Québec. D’ailleurs, surveille bien mes capsules, je te présenterai bientôt le travail des agents.
En raison de la courte durée de vie de l’adulte et de sa distribution restreinte, le satyre fauve des Maritimes est considéré comme une espèce en voie de disparition au Canada et comme une espèce menacée au Québec.
Tu as des questions ou des commentaires sur ce sujet, fais-nous-en part!!
Fyto
Pour en savoir plus
- Tu peux lire deux aventures de Rafale qui portent sur les espèces menacées : Les plantes menacées ou vulnérables : vers la sauvegarde de la biodiversité et Quand les espèces sont en danger.
- Pour obtenir plus d’information sur le 25e anniversaire de la Loi, consulte la page sur la Loi sur les espèces menacées ou vulnérables.
- Pour en apprendre davantage sur S.O.S. Braconnage, visite la page qui y est consacrée sur le site Web du ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs (MFFP).
- Pour plus d’information sur le satyre fauve des Maritimes, lis la fiche d’information du MFFP.
- Tu peux aussi consulter le Centre de données sur le patrimoine naturel du Québec.
Publication : avril 2015