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État de l'écosystème aquatique, bassin versant de la rivière Saint-François, 1991 - 1995

Description du bassin versant

Située sur la rive sud du fleuve Saint-Laurent, la rivière Saint-François prend sa source dans les Appalaches, coule en direction nord et se déverse dans le Saint-Laurent, à la hauteur du lac Saint-Pierre. Son bassin versant, qui chevauche en partie le territoire américain (14 %), occupe une superficie totale de 10 230 km2.

Situation géographique de la rivière Saint-François

Situation géographique

Dans la portion québécoise du bassin, plus du quart de la population, estimée à 320 000 personnes, se compose de villégiateurs. Près de 75 % des terrains sont non exploités et recouverts par la forêt. Les terres agricoles couvrent 20 % de la superficie et les zones urbaines, seulement 1,4 %. Sherbrooke et Drummondville constituent les deux plus grandes agglomérations urbaines.

En 1991, il y avait 130 établissements industriels du bassin susceptibles d'émettre des rejets dans le milieu aquatique. Parmi elles, on compte six usines dans le secteur des pâtes et papiers, dont quatre importantes localisées à East Angus, Bromptonville et Windsor, et 32 entreprises dans le secteur agroalimentaire, dont plusieurs à Sherbrooke et à Drummondville. On dénombre également neuf usines dans le domaine du revêtement de surface, pour la plupart dans l'agglomération de Drummondville, et quelques usines majeures dans l'industrie du textile, à Magog et à Drummondville.

C'est sur environ 3 100 fermes que sont réparties les activités agricoles du bassin. En 1991, l'élevage des bovins et des porcins représente plus de 90 % des productions animales. L'élevage bovin domine nettement avec 70 % du cheptel. Un peu plus de 75 % des terres en culture sont consacrées à la production de fourrages.

La situation de la Saint-François dans ses grandes lignes

Les données sur le poisson et le benthos démontrent que l'état de la rivière Saint-François varie le long de son parcours. En bon état dans sa partie amont, le cours d'eau subit des impacts importants à la hauteur de plusieurs agglomérations urbaines et industrielles comme East Angus, Sherbrooke, Bromptonville et Drummondville. Ces agglomérations déversent dans la rivière des matières organiques ou des toxiques tels que des métaux, des HAP, des BPC, des acides gras et résiniques ou des dioxines et furannes. Par conséquent, en aval de ces sources de polluants, le nombre d'espèces diminue, les espèces sensibles à la pollution disparaissent au profit des plus tolérantes et, chez les poissons, les taux d'anomalies montent en flèche. Ces derniers dépassent largement le seuil de 5 % au-delà duquel une communauté est considérée comme perturbée.

Cette concordance n'est certes pas le fruit du hasard. Les communautés aquatiques se révèlent sensibles aux rejets de polluants. Néanmoins, les impacts sur les poissons et le benthos ne dépendent pas nécessairement des substances décelées par les traceurs. Ils peuvent très bien résulter d'autres substances non mesurées par les mousses aquatiques ou les cellules à dialyse, mais déversées dans le milieu aquatique aux mêmes endroits.

On remarque que sous l'effet de la dilution ou lorsque la rivière traverse des zones boisées, très peu peuplées ou peu industrialisées, l'état de l'écosystème s'améliore et retrouve un certain équilibre.

Intégrité de l'écosystème aquatique de la rivière Saint-Francois

Intégrité de l'écosystème aquatique de la rivière Saint-Francois

Dans le bassin versant de la rivière Saint-François, le degré de contamination des poissons par le mercure se compare, dans l'ensemble, aux données recueillies ailleurs au Québec. Les concentrations plus élevées de mercure dans la chair de poissons de grande taille, en particulier les prédateurs, reflètent le phénomène bien connu d'accumulation ou de concentration des contaminants dans la chaîne alimentaire. Ce mercure provient souvent des retombées atmosphériques de sources locales ou éloignées, ou encore de l'érosion de l'assise géologique.

Quant aux BPC, aucune des teneurs mesurées dans la chair des poissons n'est supérieure à la limite de 2 000 µg/kg imposée par Santé Canada pour les produits de la pêche. On a toutefois mesuré dans certains poissons entiers, surtout ceux pêchés dans le lac Magog, des concentrations qui dépassent le critère de 100 µg/kg pour la protection des oiseaux et des mammifères prédateurs.

Régulièrement, le MEF publie le Guide de consommation du poisson de pêche sportive en eau douce. Dans ce document, le Ministère fournit des recommandations relatives à la consommation de plusieurs espèces de poissons au Québec. Consultez-le!

De l'amont vers l'aval, un regard par secteur

Secteur East Angus

L'écosystème est en bonne condition aux trois stations d'échantillonnage situées en amont d'East Angus. En aval, cependant, sous l'effet des rejets de Cascades East Angus inc., de Cascades Cartech inc. et de la municipalité d'East Angus, l'écosystème se dégrade et un changement radical s'observe dans la communauté de poissons. Le nombre d'espèces passe de 15 à 8, les poissons tolérants à la pollution surclassent les poissons sensibles et le taux d'anomalies grimpe de 1,8 % à 14,3 %. En outre, les groupes d'insectes benthiques sensibles à la pollution disparaissent.

Valeurs de l'IIB et de l'IBG - secteur East Angus

Les valeurs de l'IIB et de IBG varient le long de la rivière Saint-François. En aval de certaines agglomérations urbaines et industrielles, elles révèlent un écosystème perturbé

On constate en aval d'East Angus des concentrations en HAP significativement plus élevées qu'aux autres stations de la rivière Saint-François (sauf à Drummondville), de même que des concentrations importantes en acides résiniques. Un peu plus bas sur la rivière, à la hauteur d'Ascot Corner, l'écosystème retrouve une certaine intégrité.

Secteur Lennoxville-Bromptonville

Dans le tronçon Lennoxville-Bromptonville, on remarque des apports de métaux et d'acides gras et résiniques dans le cours d'eau. À la station localisée juste en aval de l'embouchure de la rivière Massawippi, les teneurs en cuivre et en chrome connaissent une hausse de 350 % par rapport à l'amont. Il est probable que le cuivre, et peut-être aussi le chrome, proviennent des anciennes mines Eutis, Capel et Albert ainsi que du parc à résidus miniers situés le long de ce tributaire.

Concentration de cuivre - secteur Lennoxville et Bromptonville

Dans la rivière Saint-François, la concentration de cuivre augmente de 350 % à la station de mesure localisée en aval de la rivière Massawippi.

À Sherbrooke, les quantités de plomb dans la rivière augmentent de 82 % et on note des apports d'acides gras. En aval de la papetière Kruger à Bromptonville, les cellules à dialyse mettent en évidence une hausse sensible des concentrations d'acides résiniques.

Les rejets dans le secteur Lennoxville-Bromptonville ont un impact visible sur l'écosystème. La dégradation n'est toutefois pas associée à une diminution du nombre d'espèces de poissons, mais plutôt au mauvais état de santé des organismes et aux changements dans la structure des communautés. En aval de Sherbrooke et de Bromptonville, 80 % de la communauté de poissons est dominée par des espèces tolérantes à la pollution. Parmi les individus récoltés, 17 % montrent des anomalies. De plus, cinq catégories d'organismes benthiques, dont trois sensibles à la pollution, ne se rencontrent plus dans les échantillons. À 10 kilomètres en aval de Bromptonville, l'écosystème récupère, mais sans revenir à la situation ayant cours en amont d'East Angus.

Secteur Windsor-Richmond

La papetière Domtar de Windsor n'a pas un impact autant marqué sur la diversité et la structure des communautés que celui observé en aval des papetières Cascades à East Angus et Kruger à Bromptonville. Malgré cela, la proportion de poissons affichant des anomalies passe de 0 à 8,2 %, de l'amont à l'aval de la ville. De même, les concentrations de BPC dans les meuniers noirs doublent et dépassent nettement le critère établi pour la protection des oiseaux et des mammifères prédateurs. Les dioxines et furannes dans ces poissons augmentent aussi et affichent des valeurs significativement plus élevées en aval qu'en amont. Les mousses aquatiques révèlent d'ailleurs la présence de dioxines et furannes dans le milieu et cela, jusqu'à la station localisée à Drummondville, à 65 kilomètres en aval.

Dans le secteur de Richmond, la communauté de poissons montre d'importants signes de perturbations. On y remarque la disparition d'espèces insectivores, l'absence complète d'espèces sensibles à la pollution et un fort taux d'anomalies (21 %) chez les poissons examinés. Cet état de chose s'interprète difficilement puisqu'on ne trouve à Richmond aucune source majeure de pollution. Il s'agit peut-être de l'effet cumulatif des nombreuses sources de pollution comprises entre Sherbrooke et cette municipalité.

Grand brochet présentant un ulcère - Source: MEF

Grand brochet présentant un ulcère. Source: MEF

Entre l'aval de Richmond et l'amont de Drummondville, la rivière sillonne une grande région boisée où l'on ne note pratiquement aucun apport de polluants industriels ou urbains. C'est pourquoi, sur près de 30 kilomètres, l'intégrité de l'écosystème est bonne.

Secteur Drummondville

Les rejets non traités de la ville et des industries de Drummondville, ajoutés aux activités agricoles plus intensives dans cette partie du bassin versant, produisent un impact majeur sur la rivière Saint-François. En bon état en amont du barrage de la chute Hemmings, la communauté de poissons est très affectée à la hauteur de la ville et sur au moins 10 kilomètres en aval. Le nombre d'espèces capturées passe de 14 à seulement 8, et plus de 18 % des poissons restants présentent des anomalies externes. La communauté benthique montre également des problèmes : disparition de plusieurs groupes d'insectes aquatiques, diminution oligochètes, synonymes de de la biomasse totale et prolifération des vers conditions insalubres. Les oligochètes dominent aux trois stations en aval de Drummondville.

Concentration de HAP totaux - secteur Drummondville

La concentration de HAP totaux mesurée dans les cellules à dialyse placées en aval de Drummondville (560 µg/L) se démarque très nettement de ce qui a été mesuré aux autres stations.

D'ailleurs, on détecte plusieurs substances toxiques en aval de Drummondville. Les HAP excèdent de presque sept fois le maximum mesuré aux autres stations dans le bassin versant, et les acides gras et résiniques sont environ 13 fois plus importants qu'en amont de la ville. Entre l'amont et l'aval, le plomb et le mercure dans les mousses aquatiques augmentent respectivement de 90 % et de 163 %, et les concentrations en BPC indiquent l'existence d'une source de ce contaminant dans le secteur. La présence de mercure et de plomb dans l'eau peut résulter du ruissellement urbain ou encore des activités des six usines de revêtement métallique de surface situées dans la municipalité. Les industries à l'origine de la présence des HAP et des BPC ne sont pas encore identifiées.

Tronçon inférieur

Dans le tronçon inférieur de la rivière Saint-François, à l'exception d'une station, l'écosystème aquatique récupère. Les espèces sensibles à la pollution réapparaissent, la communauté benthique est plus équilibrée et la proportion de poissons avec des anomalies demeure souvent inférieure à 2 % et ne dépasse jamais 5 %.

Rivière Magog

L'écosystème aquatique de la rivière Magog se révèle en assez bon état. Toutefois, la quasi-absence d'espèces de poissons sensibles à la pollution maintient l'indice d'intégrité biotique (IIB) à des valeurs assez faibles.

Concentration de BPC - rivière Magog

Les teneurs moyennes en BPC des meuniers noirs du lac Magog ont presque triplé de 1978 à 1986. La contamination a diminué en 1991, mais demeure encore élevée.

Au lac Magog, il y a par ailleurs un problème indéniable de contamination du poisson par les BPC. Les valeurs obtenues des échantillons analysés dépassent grandement les critères définis pour la protection des oiseaux et des mammifères prédateurs. Les teneurs en BPC dans le poisson du lac Magog comptent parmi les plus élevées dans les milieux d'eau douce du Québec. La contamination a augmenté beaucoup au cours des années 80 et diminué sensiblement au début des années 90, mais elle reste encore trop élevée. La compagnie CS Brooks Canada inc., une usine du secteur des textiles située à Magog, constitue une source possible de ces BPC. Lors d'études menées en 1995, le MEF a décelé des BPC dans les rejets de cette entreprise.

  • Carte synthèse sur l'état de l'écosystème aquatique

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Évaluation de l'état de l'écosystème aquatique

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