Les technologies propres
Fiche no 7 - Secteur agro-alimentaire /
Transformation de la pomme de terre
Autres exemples d'application de technologies propres
Que
peut-on trouver de plus naturel et environnemental que des légumes? Leur transformation
engendre toutefois des problèmes de pollution de l'eau et de production de résidus. LA
LÉGUMERIE - GROUPE DIONNE, qui se spécialise dans la culture et la transformation des
pommes de terre, est bien au fait de cette réalité. Elle cherche à améliorer sans
cesse ses techniques de production afin de mieux utiliser sa matière première, de
réduire sa consommation d'eau et de tirer le meilleur profit de ses eaux de procédé. NB: Cette fiche a été réalisée, avec la collaboration
de La Légumerie - Groupe Dionne, en 1996 et publiée en 1997.
La légumerie - Groupe Dionne
Une entreprise familiale fondée en 1953, La légumerie - Groupe Dionne, sise à
Cookshire, se spécialise dans la culture des pommes de terre et, depuis 1983, dans leur
transformation. Elle emploie environ 25 personnes. En période de pointe, soit d'avril à
septembre, elle fonctionne jusqu'à 12 heures par jour, 4 ou 5 jours par semaine. Sa
production maximale s'élève à 24 tonnes par jour de pommes de terre transformées. Elle
ne produit que sur commande et uniquement des produits frais. Sa clientèle se compose de
quelque 400 restaurants, écoles, hôpitaux et usines. Entreprise dynamique, La légumerie
- Groupe Dionne développe constamment de nouveaux produits à la fine pointe du marché
et propose une gamme complète de produits présentés sous différentes formes,
comprenant des pommes de terre rondes, coupées et de fantaisie.
Un procédé simple, source d'un double
problème de pollution
Le procédé de transformation des pommes de terre utilisé par La légumerie - Groupe
Dionne comprend essentiellement les étapes suivantes. Tout d'abord, l'épierrage
consiste à laver les tubercules afin d'enlever le sable et la terre. L'épluchage
est fait mécaniquement, par abrasion. Le triage permet d'écarter du procédé les
tubercules impropres à la production et d'éplucher manuellement ceux qui nécessitent
des retouches. La coupe, faite selon les spécifications du client, est suivie d'un
rinçage. Une période de trempage dans une solution de métabisulfite de
sodium, un agent antioxydant, empêche le brunissement des pommes de terre. Le criblage
permet d'éliminer les fragments trop petits pour être commercialisés. Finalement, l'emballage
se fait conformément aux formats commandés par les clients.
La transformation des pommes de terre engendre un double problème de pollution :
production de résidus et pollution de l'eau. Les résidus sont constitués des tubercules
gâtés et des rejets du triage et du criblage. L'eau employée à certaines étapes du
procédé, de même que celle utilisée pour laver les équipements et les planchers,
entraîne les pelures, l'amidon et diverses autres matières en suspension.
Les pelures sont reconnues pour obturer plus ou moins rapidement les drains de plancher
et les égouts. L'amidon, de son côté, se dépose et forme un amas compact lorsque
l'écoulement des eaux est ralenti. En fait, le bon fonctionnement des ouvrages
d'assainissement risque d'être perturbé par ces matières en suspension très
abondantes.
Étapes de la transformation des pommes de
terre
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Produire dans le respect de l'environnement
À la suite d'une observation minutieuse de ses activités, La légumerie - Groupe
Dionne a pris conscience de l'importance de ses pertes, des coûts engendrés par le
traitement de ses effluents à la station d'épuration municipale et des possibilités de
valorisation de certains sous-produits.
De bonnes pratiques de culture et de conservation des pommes de terre, couplées à une
bonne gestion des étapes de transformation, lui ont permis de réduire considérablement
ses pertes.
Comme le traitement des effluents effectué par la station d'épuration municipale est
facturé selon le volume d'eau et la charge organique, La légumerie - Groupe Dionne a
adopté diverses solutions pour réduire tant la quantité d'eau utilisée dans son
procédé que la charge polluante contenue dans ses effluents.
Ces solutions peuvent être regroupées en quatre grandes catégories : minimisation
des pertes, réduction de la consommation d'eau, prétraitement des effluents et
valorisation des effluents et des résidus. La plupart des méthodes mises en place ont
été peu coûteuses à implanter et permettent de faire des économies appréciables.
Première solution : minimiser les pertes
Le premier grand principe pour minimiser les résidus est d'agir à la source. La
légumerie - Groupe Dionne s'est donc attardée en premier lieu à cet aspect et a pris
plusieurs moyens visant une meilleure gestion de sa matière première, les pommes de
terre.
Pour diminuer le plus possible la quantité de tubercules à écarter le long de la
chaîne de production, il faut tout d'abord des pommes de terre de qualité, qui
conviennent parfaitement aux produits finis désirés. La légumerie - Groupe Dionne a
apporté des améliorations aux techniques de culture utilisées dans ses propres champs
pour accroître la qualité des pommes de terre qu'elle récolte et elle surveille
attentivement celle des tubercules qu'elle achète chez ses fournisseurs. De plus,
l'entreprise recherche les variétés de pommes de terre les mieux adaptées à chacun des
produits offerts.
La légumerie - Groupe Dionne a aussi implanté de meilleures méthodes de gestion des
stocks et amélioré les conditions d'entreposage. L'entreprise a remplacé l'entreposage
en vrac par l'entreposage dans des caisses à claire-voie afin de réduire les pertes dues
à la meurtrissure qu'occasionne le poids des pommes de terre. Elle a installé un
système de contrôle de l'atmosphère dans son entrepôt pour conserver les tubercules
dans des conditions optimales : température à 4 °C et 95 % d'humidité relative.
L'amélioration des conditions d'entreposage a permis de réduire de 5 % la perte de
matière première.
L'entreprise a aussi réduit la quantité de résidus, notamment les épluchures et les
criblures, en faisant l'acquisition d'équipements de production performants, qu'elle a
munis de systèmes de commandes automatisés. Une meilleure planification de la production
et le développement de nouveaux produits qui génèrent moins de pertes, par exemple de
nouveaux types de coupe de pommes de terre, lui ont également permis de réduire
considérablement ses résidus.
Grâce aux solutions adoptées, La légumerie - Groupe Dionne évalue que ses pertes
représentent maintenant entre 17 et 20 % de sa matière première, alors que dans des
usines similaires, elles atteignent en moyenne 25 à 30 %.
Deuxième solution : réduire la
consommation d'eau
Dans les usines de transformation de pommes de terre, l'eau est souvent très
abondamment employée, mais il est possible, comme l'a démontré l'expérience de La
légumerie - Groupe Dionne, de préparer un produit de bonne qualité en utilisant
beaucoup moins d'eau. En effet, une série d'essais progressifs, bien supervisés pour
veiller à ce que l'aspect et le goût des produits préparés ne soient pas affectés,
ont permis de réduire la consommation d'eau. Des ajustements ont ainsi été apportés à
chacune des quatre étapes qui nécessitent l'utilisation d'eau, soit l'épierrage,
l'épluchage par abrasion, le rinçage après la coupe et le lavage des équipements.
La légumerie - Groupe Dionne a automatisé tous les équipements susceptibles de
l'être et centralisé les commandes d'ouverture des jets d'eau en un seul endroit afin
qu'elles puissent être commandées manuellement. Elle visait ainsi à augmenter la
productivité tout en réduisant la quantité d'eau nécessaire à l'épluchage, l'étape
qui utilisait le plus d'eau initialement.
La forme et la géométrie des jets ont été changées pour projeter plus d'eau dans
la dernière section de l'éplucheuse. L'alimentation en eau est commandée par un
régulateur de pression qui est ajusté selon le type de production en cours. Les
modifications apportées ont réduit la quantité d'eau utilisée pendant l'épluchage de
plus de 70 %, sans diminuer la propreté des tubercules épluchés.
La légumerie - Groupe Dionne réalise le rinçage en deux étapes. Les tubercules
passent d'abord par un rinçage statique qui enlève une grande partie de la couche
d'amidon. Ensuite, on procède à un rinçage par aspersion dont on a pris soin d'ajuster
les jets pour diminuer la quantité d'eau. L'entreprise offre ainsi un produit de
meilleure qualité à ses clients tout en employant uniquement le volume d'eau nécessaire
à un rinçage efficace.
L'entreprise a aussi diminué de plus de 60 % le volume des eaux de lavage des
équipements en utilisant des techniques à haute pression et faible débit et en
équipant les tuyaux flexibles de pistolets à fermeture automatique.
Quelques exemples de
réduction de la consommation d'eau |
Étapes |
Spécifications
du manufacturier
(l/min) |
Débits utilisés par
La légumerie -
Groupe Dionne |
Réduction entre
1990 et 1995
(%) |
Août 1990
(l/min) |
Octobre 1995
(l/min) |
Épierrage |
|
0,73 |
0,42 |
43 |
Épluchage par abrasion |
46,8 |
21,4 |
6,3 |
71 |
Rinçage après la coupe |
16,8 |
16,8 |
7,4 |
56 |
Au total, de 1990 à 1995, La légumerie - Groupe Dionne a réduit de plus de 80 % sa
consommation d'eau. En août 1990, elle consommait 1 800 litres d'eau par tonne (l/t) de
produits finis et, en octobre 1995, elle en utilisait seulement 340 l/t. Depuis, elle a
encore diminué sa consommation d'eau puisqu'en février 1996, celle-ci se chiffrait à
moins de 300 l/t.
Notons qu'en diminuant la quantité d'eau utilisée, l'entreprise a concentré ses
effluents. Elle a donc dû installer une nouvelle pompe capable de déplacer des liquides
plus épais, notamment pour évacuer les eaux usées recueillies au-dessous de
l'éplucheuse et les acheminer au tamis-séparateur.
Troisième solution : effectuer un
prétraitement des effluents
Après avoir minimisé les pertes et réduit la consommation d'eau, il était logique
pour La légumerie - Groupe Dionne de porter une grande attention au prétraitement des
effluents, afin de diminuer les charges polluantes dirigées vers la station d'épuration
municipale du mois d'octobre au mois d'avril. Pour ce faire, l'entreprise a sélectionné
des équipements de prétraitement simples et peu encombrants dont l'efficacité globale
est très convenable. Le tamis-séparateur extrait les pelures des eaux de procédé
tandis que les bassins de décantation et l'hydrocyclone interceptent une grande
proportion de l'amidon.
D'octobre à avril, des équipements performants pour extraire des
eaux de procédé les pelures et l'amidon destinés à l'alimentation bovine : un
tamis-séparateur (à l'avant-plan), un hydrocyclone (à l'arrière-plan) et trois
décanteurs.
L'analyse d'échantillons composés recueillis en février 1996 pendant la
transformation de 43 tonnes de pommes de terre brutes a révélé que ces dispositifs
diminuent la demande biochimique en oxygène (DBO5) et les matières
en suspension (MES) de 62 % et 89 % respectivement.
Efficacité des
prétraitements |
Paramètres |
Unités |
Avant
prétraitement(1) |
Après
prétraitement(1) |
Efficacité(1)
(%) |
Demande biochimique en oxygène |
mg/l
kg/d
kg/t (2) |
35 000
123,7
8,65 |
13 190
46,6
3,26 |
62 |
Matières en suspension |
mg/l
kg/d
kg/t(2) |
39 000
137,8
9,64 |
4331
15,3
1,07 |
89 |
(1) Moyennes obtenues lors de trois journées
d'échantillonnage.
(2) Production moyenne: 14,3 tonnes par jour (t/d). |
En effectuant le prétraitement, La légumerie - Groupe Dionne rejette quotidiennement
à l'égout municipal des eaux usées dont la charge polluante en DBO5
est de l'ordre de 45 à 55 kg et celle des MES de 15 à 18 kg. Elle diminue les sommes à
payer à la municipalité pour traiter les effluents et, par la même occasion, elle
récupère des résidus qui peuvent être valorisés.
Quatrième solution : valoriser les
effluents et les résidus
L'épandage des eaux de procédé dans les champs pendant six mois et l'alimentation
des bovins avec les résidus permettent de réduire les quantités d'engrais et de fumier
à acheter tout en limitant au strict minimum la quantité de déchets à envoyer au site
d'enfouissement sanitaire. Cet épandage donne la possibilité aux ouvrages municipaux
d'épurer des charges polluantes plus importantes générées par d'autres entreprises
plus actives pendant cette période.
D'avril à octobre, l'épandage dans les champs
d'avoine et de trèfle : un moyen efficace
pour valoriser les eaux de procédé. Comme La légumerie - Groupe Dionne combine la production de pommes de terre et leur
transformation, elle a intérêt à tirer profit des matières fertilisantes contenues
dans ses effluents lorsque les conditions climatiques le permettent. Ainsi, du mois
d'avril au mois d'octobre, les eaux de procédé, qui contiennent beaucoup de matières
organiques biodégradables et des substances fertilisantes intéressantes, sont épandues
dans les champs d'avoine et de trèfle. En effet, l'entreprise a réalisé, à la suite
d'une étude menée conjointement avec le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et
de l'Alimentation, que les quantités de matières fertilisantes et organiques épandues
en six mois représentent une valeur culturale et une valeur monétaire particulièrement
avantageuses.
La légumerie - Groupe Dionne, également reconnue pour l'excellente gestion
agronomique de ses champs, met en oeuvre un plan de fertilisation intégré tenant compte
de toutes les formes d'apport de fertilisants et elle pratique la rotation annuelle des
cultures. Elle cultive la première année de l'avoine et du trèfle, deux plantes qui
profitent de la composition des eaux de procédé épandues pendant leur croissance et qui
sont bénéfiques pour la culture des pommes de terre l'année suivante. Effectivement,
les résidus de la récolte d'avoine constituent un apport de matières organiques et le
trèfle, enfoui à l'automne, est utilisé comme engrais vert. De cette façon,
l'entreprise améliore notablement la structure et la qualité des sols et évite leur
épuisement.
Quantités de
matières fertilisantes et organiques
retournées aux champs |
Éléments contenus
dans les eaux usées |
Quantités moyennes épandues(1)
d'avril à octobre
(kg) |
Coûts équivalents
(achats chez un fournisseur)
($) |
Azote (N) |
270 |
270 |
Phosphore (P2O5) |
340 |
330 |
Potassium (K2O) |
1 870 |
910 |
Matières organiques |
43 000 |
6 000(2) |
(1) Étude de caractérisation en collaboration avec le
ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.
(2) Achat d'un fumier fibreux utilisé pour sa teneur en matières organiques, payé 6,50
$ la tonne.D'octobre à avril, période pendant laquelle l'épandage est impraticable,
l'utilisation des équipements de prétraitement permet de récupérer la majeure partie
des pelures et de l'amidon contenue dans les eaux de procédé, soit environ 1,5 tonne par
jour (t/d). À cela s'ajoutent les tubercules gâtés, les résidus du triage et de
l'épluchage manuel ainsi que les criblures, soit une quantité de l'ordre de 1,5 t/d
également. Pendant les six autres mois, cette catégorie de résidus solides peut
atteindre 2,25 t/d puisque la quantité de pommes de terre transformée est plus élevée.
Tous ces résidus de la transformation des pommes de terre possèdent une excellente
valeur nutritive pour les bovins : 5 kg de pommes de terre ont une valeur nutritive
équivalente à 1 kg de maïs grain sec (le ratio de 5:1 étant dû à la teneur en eau
des pommes de terre). Leur valeur monétaire annuelle est estimée à près de 15 000 $.
La légumerie - Groupe Dionne a conclu des ententes avec des éleveurs de la région qui
s'en servent pour nourrir leurs bovins.
Économies réalisées
Grâce à la mise en place d'équipements de prétraitement efficaces et à sa faible
consommation d'eau, La légumerie - Groupe Dionne a réduit la facture qu'elle paie à la
municipalité pour épurer ses eaux usées.
L'épandage de ses eaux de procédé dans ses champs lui permet également de réduire
l'achat de fertilisants et de matières organiques, soit une économie annuelle d'environ
7 500 $.
De plus, environ 600 tonnes de résidus sont utilisés chaque année pour nourrir des
bovins. Cela équivaut à une économie annuelle de l'ordre de 14 000 $, somme que
l'entreprise aurait dû débourser si elle avait enfoui ces résidus dans un site
d'enfouissement sanitaire.
Enfin, des économies d'énergie ont été rendues possibles par la diminution du
volume d'eau à pomper et par la mise en place de minuteries utilisées pour préchauffer
l'huile hydraulique nécessaire au fonctionnement de certains équipements.
La légumerie - Groupe Dionne a tout mis en oeuvre
pour préserver l'environnement tout en conservant des normes d'hygiène et de qualité
élevées. L'entreprise a donc réussi à acquérir au fil des ans une position de leader
dans son domaine d'activité. Elle a su allier fraîcheur et qualité des produits à des
méthodes efficaces et non polluantes. |
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