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Les technologies propres 

Fiche no 2 - Secteur chimie inorganique /
Production du chlorate de sodium

Usine QUÉNORD de MagogAutres exemples d'application de technologies propres

Prévenir la pollution dès l’étape de la conception de la fabrique : voilà le principe qu’applique l’usine QUÉNORD de Magog. Elle produit ainsi d’énormes quantités de chlorate de sodium sans le moindre rejet au cours d’eau... ou presque.

NB: Cette fiche a été réalisée, avec la collaboration
de QuéNord, en 1987 et publiée en 1988.


En quête de « l'effluent zéro »

À l’impossible, nul n’est tenu ! Pourtant, QuéNord a mis tout en œuvre pour en arriver à produire du chlorate de sodium en quantités industrielles sans rejet dans les cours d’eau... ou presque. Miracle, dites-vous ? Pourtant, il n’a fallu qu’une bonne dose de jugement et la ferme volonté de réussir.

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QuéNord, la plus grosse fabrique de chlorate au monde

C’est en 1979 que la Société QuéNord s’est établie au Québec, à Magog plus précisément, pour y produire du chlorate de sodium. Ce produit, rappelons-le, sert principalement à la fabrication de bioxyde de chlore, un agent de blanchiment utilisé dans le secteur des pâtes et papiers. Il est obtenu par l’électrolyse d’une solution aqueuse de chlorure de sodium (NaCl), communément appelé sel de table.

Déjà en 1979, l’usine QuéNord était à la fine pointe de la technologie. Elle répondait à toutes les exigences de protection de l’environnement, qu’il s’agisse des émissions dans l’air, dans l’eau ou dans le sol. En 1985, elle décide de construire une nouvelle usine et triple à peu de chose près sa capacité de production. Chose étonnante, elle réussit à améliorer un procédé déjà très moderne, tout en réduisant son effluent à presque rien.

QuéNord produit maintenant quelque 95 000 tonnes de chlorate de sodium par an, ce qui en fait la plus grosse usine de chlorate au monde. Et pourtant, son effluent de 715 m3 par jour est un des moins volumineux et des moins contaminés qui soient.

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Un procédé complexe, source potentielle de polluants

L’électrolyse d’une solution aqueuse de chlorure de sodium (NaCl + 3H2O) permet la formation d’hydrogène (3H2) et de chlorate de sodium (NaClO3).

Le procédé s’effectue en plusieurs étapes. On prépare d’abord une saumure que l’on purifie, en faisant précipiter et décanter les impuretés pour ensuite les filtrer. Puis, on rajuste le pH et on ajoute du bichromate de sodium (Na2Cr2O7), pour inhiber certaines réactions secondaires et protéger les équipements contre la corrosion. Vient ensuite l’électrolyse proprement dite. La liqueur de chlorate de sodium qui en résulte est alors filtrée, puis acheminée vers les cristallisoirs. Enfin, les cristaux de chlorate de sodium sont lavés, séchés et entreposés dans des trémies, en attendant d’être livrés.

Schéma de procédé
Cliquez pour agrandir - Schéma du procédé

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Le procédé peut être source de polluants divers :

  • la purification de la saumure, puis la filtration des résidus d’électrolyse produisent des boues, que la présence de bichromate de sodium rend toxiques ;

  • le refroidissement des cellules électrolytiques, la condensation des eaux d’évaporation et l’épuration par voie humide des émissions dans l’air sont autant d’étapes qui nécessitent l’utilisation d’une grande quantité d’eau ; il peut s’ensuivre un effluent de fort débit véhiculant tous les contaminants récoltés au passage ;

  • s’ajoutent à ce tableau des sources de contaminants aussi diverses que les résidus de purges, les eaux de fuite du procédé, les déversements accidentels de produits chimiques, les eaux de lavage et d’entretien d’équipements, etc.

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Des principes de gestion remarquablement efficaces

Depuis son implantation en 1979, QuéNord a toujours cherché à améliorer son procédé. Elle vise l’excellence, rien de moins.

En toile de fond de cette recherche, il y a une démarche rationnelle alimentée par l’ensemble du personnel. « Il faut favoriser au maximum l’échange des idées... L’employé affecté à une tâche est la personne la mieux placée pour concevoir des idées nouvelles... », affirme le directeur de l’usine.

Les mêmes critères d’excellence s’appliquent à la protection de l’environnement. La quête incessante de « l’effluent zéro » est devenue une priorité pour QuéNord. Elle s’est traduite par un programme tous azimuts, visant à récupérer et à réemployer tout résidu ou perte et à recycler les eaux de procédé. Ceci a donné naissance à une foule de mesures aussi ingénieuses qu’efficaces.

Et le résultat est éloquent : la Société ne rejette au cours d’eau que les eaux de purge des tours de refroidissement, un débit périodique du condensat des systèmes de cristallisation, les eaux résiduaires du traitement de ses eaux usées domestiques et les eaux pluviales.

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Le système de refroidissement du procédé : la technologie au service de l'environnement

Le procédé de fabrication du chlorate de sodium fait appel à la circulation d’eaux de refroidissement. Il faut d’abord refroidir la liqueur avant son retour dans les cellules électrolytiques si l’on veut que celles-ci aient un fonctionnement optimal, puis, il faut condenser les eaux d’évaporation à diverses étapes du procédé.

QuéNord a conçu son système de refroidissement en fonction de trois objectifs :

  • récupérer le plus possible l’énergie calorifique excédentaire que dégagent les cellules électrolytiques (environ 22 mégawatts) ;
  • réduire au maximum la consommation d’eau ;
  • éviter la contamination par les eaux de procédé, pour éliminer les besoins de traitement de l’effluent.

Le système qu’elle a mis au point réussit à intégrer ingénieusement tous ces aspects. Il s’appuie sur deux circuits de refroidissement parallèles, l’un fermé et l’autre ouvert, qui agissent ensemble par contact indirect, dans un échangeur de chaleur. Voici brièvement comment le tout fonctionne.

Le circuit fermé sert à refroidir la liqueur électrolytique. Les eaux réchauffées à cette étape sont acheminées vers d’autres étapes du procédé pour y servir de source de chaleur et se délestent ainsi d’une partie de leurs calories. Les surplus calorifiques sont ensuite éliminés, dans un échangeur de chaleur, par contact indirect avec le circuit ouvert comprenant des tours de refroidissement avec purges à l’égout.

Ce deuxième circuit fournit aussi des eaux de refroidissement qui servent à condenser les eaux d’évaporation dans les cristallisoirs et les évaporateurs à sel.

Dans le cas des deux circuits, les transferts calorifiques sont assurés par contact indirect, ce qui réduit considérablement les risques de contamination des circuits. Par ailleurs, l’installation de conductivimètres avec alarmes et systèmes asservis sur le circuit fermé élimine à toutes fins utiles la possibilité de contamination du circuit ouvert. Il y a donc double protection dans l’échangeur de chaleur, à la rencontre des deux circuits.

Ce système original permet donc d’éliminer presque entièrement l’effluent de procédé. Le seul rejet au cours d’eau provient des purges des tours de refroidissement et, à l’occasion, d’un excès de condensats non contaminés provenant des cristallisoirs de chlorate.

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Schéma du système de refroidissement
Cliquez pour agrandir - Schéma du système de refroidissement

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Le système de refroidissement, étape par étape

  1. Les eaux de refroidissement partent d’un réservoir d’une capacité de 50 m3. Elles ont une température de 52 °C.
  2. Elles sont alors pompées vers l’échangeur de liqueur électrolytique où elles emmagasinent l’énergie excédentaire accumulée dans le système et servent à contrôler la température des cellules, qui doivent être maintenues sous les 70 °C pour avoir un fonctionnement optimal.
  3. Les eaux atteignent alors une température variant entre 64 °C et 68 °C.

De là, elles sont acheminées :

  • vers l’évaporateur à sel, pour préchauffer la saumure-mère, en faciliter l’évaporation et favoriser la production d’un sel purifié. Cette étape précède l’électrolyse ;
  • vers le cristallisoir, pour augmenter la température de la liqueur de chlorate de sodium, en favoriser l’évaporation et faciliter la cristallisation du produit ;
  • vers le récupérateur de calories, pour permettre le réchauffement de divers appareils ou équipements ;
  1. Les eaux sont ensuite dirigées vers l’échangeur à barrière où leur température est ramenée à son niveau initial de 52 °C, soit la température qu’elles avaient dans le réservoir. Cet abaissement de température est obtenu par l’action d’une tour de refroidissement.
  2. Les eaux retournent alors au réservoir. Et le cycle recommence.
  3. Parallèlement, des eaux provenant directement de la tour de refroidissement sont apportées au cristallisoir et à l’évaporateur à sel pour y provoquer la condensation des vapeurs et y maintenir le vide.
 

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Et quelques autres mesures préventives

Origine

Objectif
environnemental

Solution

Avantage

Préparation de la saumure
  • Réduire le volume des boues à éliminer
  • Utilisation de sel déjà épuré (sel de table)
  • Élimination de l’étape de purification du sel
  • Réduction de plus de 95 p. 100 des boues potentiellement toxiques à cause de la présence du chrome
  • Procédé plus efficace.
  • Produit de meilleure qualité
  • Filtre-presse
  • Diminution des volumes et des coûts d’élimination du déchet
  • Valorisation des filtrats
Cellules d’électrolyse
  • Éliminer les boues de graphite provenant de la désagrégation des anodes
  • Utilisation d’anodes métalliques
  • Équipement beaucoup plus compact et plus simple
  • Meilleure efficacité
  • Pas de boue de graphite et élimination d’une source de plomb et de dérivés organiques chlorés
Cristallisoir
  • Éviter la contamination des eaux de condensation
  • Permettre le recyclage des condensats et le rejet d’eau propre, si en excès
  • Utilisation d’un condenseur de surface plutôt que d’un condenseur barométrique
  • Emploi d’un dispositif anti-buée
  • Eaux de refroidissement non contaminées
  • Moins de consommation d’énergie
  • Donne un condensat d’excellente qualité
Quai de chargement et de déchargement
  • Limiter les pertes de matières premières et de produits finis
  • Toiture recouvrant l’aire de manutention des produits
  • Fosses de captage et pompes de retour
  • Aspiration des poussières
  • Évite le délavage des produits par l’eau de pluie
  • Récupération à la source et valorisation des produits retenus
Dans toute l’usine
  • Capter les fuites ou déversements accidentels de matières premières, de courants de procédé, et de produits
  • Planchers inclinés et goulottes de drainage vers puisards de retenue
  • Bonne isolation des bâtiments et équipements
  • Valorisation des pertes
  • Aucune pollution de l’environnement
Salle des chaudières
  • Éliminer les eaux de purge des chaudières
  • Système de chauffage électrique là où jugé nécessaire
  • Pas de centrale thermique (économie en capital considérable)
  • Aucun rejet dans l’environnement provenant de cette source
Préparation du produit
  • Réduction du risque de contamination de l’environnement par le chrome
  • Production de cristaux de chlorate préalablement essorés, lavés et séchés
  • Évite l’introduction de chrome dans la production des pâtes et papiers
  • Économie de chrome, ce dernier étant récupéré dans les eaux de lavage recyclées
  • Permet le transport du chlorate, à l’état solide, sans risque de contamination de l’environnement par le chrome
  • En cas d’accident, permet la récupération de chlorate, un oxydant et herbicide puissant
  • Qualité et fiabilité de l’approvisionnement
Réservoirs de produits chimiques (acide, alcali, etc.)
  • Retenir tous les déversements accidentels
  • Réservoirs à l’intérieur de l’usine et ceinturés d’une digue de retenue d’une capacité suffisante
  • Matériaux des cuvettes compatibles avec les produits entreposés
  • Capture à la source de produits concentrés
  • Possibilité de disposition conforme aux normes ou récupération contrôlée dans le procédé
  • Protection du personnel, des équipements et du procédé

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Les avantages d'une conception avant-gardiste

QuéNord a tiré de nombreux avantages de sa décision de prévenir la pollution à toutes les étapes de fabrication du chlorate.

  • Une économie financière

À cause de la technologie qu’elle emploie, l’usine n’a pas besoin de mettre en place un équipement de dépollution pour assainir son effluent. Elle économise ainsi les 600 000 dollars que coûte le traitement conventionnel comprenant la réduction du chrome hexavalent et du chlore, la précipitation alcaline, la clarification, l’asséchage des boues et le rajustement du pH de l’effluent.

  • Une garantie pour l’environnement

Le traitement de l’effluent est remplacé par le recyclage complet des courants contaminés. Un système de refroidissement en circuit fermé, muni d’instruments servant à détecter la moindre contamination, permet d’effectuer les corrections qui s’imposent à l’étape même du procédé de fabrication, avant toute possibilité de contamination de l’effluent et de ses composantes, lesquelles font l’objet d’un contrôle qualitatif continu. L’usine dispose donc d’un système doublement sécuritaire pour l’environnement.

  • Une économie d’énergie et d’argent

Le système de refroidissement en circuit fermé récupère au maximum l’énergie provenant des cellules électrolytiques et la fait servir à la vaporisation de l’eau des cristallisoirs et des évaporateurs à sel et, au besoin, à l’alimentation d’autres équipements. Cette mesure permet à la Société d’économiser une somme de 500 000 dollars par année en coûts de production. L’emploi d’anodes métalliques, en plus d’éliminer les boues de graphite, accroît le rendement du courant électrique dont le taux d’efficacité passe en effet de 80 p 100 à 95 p. 100 et plus, ce qui permet d’économiser deux millions de dollars par année.

  • Une rentabilité assurée

La Société a investi une somme considérable en faveur de l’environnement, soit 990 000 dollars, ce qui représente 5,2 p. 100 du capital affecté au procédé industriel, en excluant les bâtiments. Elle estime cependant qu’il s’agit là d’un investissement rentable. Les principes ou la conception technologique qui sont à l’origine de ses installations leur confèrent, en effet, une grande souplesse, les rendant capables d’adaptation aux améliorations techniques, dans tous les domaines, qu’il s’agisse du procédé de fabrication, de la réduction des pertes ou de l’élimination des déchets. Cette souplesse se traduit par une réduction sensible et cumulative des coûts de production. Quelles que soient les modifications internes apportées au procédé de fabrication, la qualité de l’effluent demeurera inchangée.

  • Une qualité exceptionnelle de l’effluent

QuéNord rejette au cours d’eau un effluent de qualité exceptionnelle. L’usine ne renvoie en fait que les eaux de purge de ses tours de refroidissement, un débit périodique du condensat des systèmes de cristallisation, les eaux résiduaires du traitement de ses eaux usées domestiques et les eaux pluviales.

La qualité et le débit de l’effluent rejeté sont les suivants :

Effluent

Normes
(Réseau pluvial)

Débit total (m3/d)
715  
Chlore libre (g/m3)
0,05  
NaClO3 (g/m3)
(kg/d)
5,5
4,0
 
Chrome total (g/m3)
0,01 1,0
M.E.S. (g/m3)
6,0 30
S.D. (g/m3)
200-351 3000
DCO  (g/m3)
26 30
pH 7-8,5 5,5-9,5

Comme on peut le constater, la qualité de l’effluent de QuéNord se situe bien en deçà des normes de déversement dans un réseau pluvial.

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