Portrait de la valorisation agricole des MRF - année 2004
Les matières résiduelles fertilisantes (MRF) sont des « matières ou objets périmés, rebutés ou autrement rejetés dont l’emploi est destiné à entretenir ou à améliorer, séparément ou simultanément, la nutrition des végétaux ainsi que les propriétés physiques et chimiques et l’activité biologique des sols » (MENV, 2004). Il existe plusieurs types de MRF, les principaux étant les biosolides (ou « boues »), les amendements calciques et magnésiens (ACM) et les composts commerciaux. Les biosolides découlent du traitement de l’eau usée des municipalités et de diverses usines, particulièrement agroalimentaires et papetières. Les ACM sont constitués de cendres, de poussières de cimenteries et d’autres résidus alcalins utilisés principalement pour élever le pH des sols. Les biosolides papetiers incluent les résidus de désencrage, même si certains d’entre eux ont des propriétés d’ACM. Les biosolides agroalimentaires comprennent les résidus d’abattoirs, le lactosérum et les résidus de lavage de légumes. Les biosolides municipaux incluent les biosolides provenant de systèmes de traitement des boues de fosses septiques. Pour être considéré comme une MRF, un résidu doit évidemment avoir des propriétés de matières fertilisantes, mais aussi satisfaire à des critères de qualité conçus pour protéger l’environnement. Chaque MRF est donc classée selon la teneur en contaminants chimiques (C1 ou C2), en pathogènes (P1, P2 ou P3) et selon les caractéristiques d’odeurs (O1, O2 ou O3). Plus la classe C-P-O est élevée (1, 2 ou 3), plus les restrictions d’utilisation seront sévères ; donc, les MRF de classe C1-P1-O1 présentent peu de risques en matière de métaux, de pathogènes et d’odeurs, alors que les MRF de classe C2-P3-O3 font l’objet de nombreuses contraintes d’utilisation (MENV, 2004). La plupart des projets de valorisation de MRF sont au préalable autorisés par un certificat d’autorisation (CA). Des CA sont émis par le Ministère lorsqu’une activité est susceptible de modifier la qualité de l’environnement, au sens de l’article 22 de la Loi sur la qualité de l’environnement ou lorsqu’une autorisation est prescrite en vertu d’un règlement sectoriel (MENV, 2004). Par contre, l’épandage d’une MRF certifiée conforme à une norme du Bureau de normalisation du Québec (BNQ) peut être réalisé, selon le mode d’emploi, sans obtenir de CA au préalable. L’utilisation d’un produit certifié BNQ présente un faible risque environnemental. Les données utilisées pour la réalisation de ce portrait proviennent principalement de la base de données du MDDEP : Système d’aide à la gestion des interventions régionales (SAGIR) et de son volet Pollution d’origine agricole (POA). Lors de chaque intervention (plainte, inspection, demande d’autorisation), les directions régionales doivent saisir des informations. Pour le portrait, seules les interventions réalisées en 2004 ont été comptabilisées, cependant, pour les demandes de CA, seules celles dont l’émission du CA a été réalisée en 2004 ont été considérées même si, dans certains cas, l’épandage n’a eu lieu qu’en 2005. Afin d’éliminer les erreurs ou les manques, les données de base ont été épurées et validées en collaboration avec les directions régionales. Elles ont ensuite été traitées par une stagiaire à la maîtrise en environnement de l’UQAM et analysées par le personnel du Service agricole. Les données pour les produits certifiés BNQ (qui ne figurent pas dans la base SAGIR) ont été fournies par les fabricants lors d’une enquête en septembre 2005. De plus, toutes les données sur les composts commerciaux ont été extraites ou extrapolées de La production de compost au Québec en 2002 par l’ensemble des sites de compostage : Résultats de l’enquête (AQIC, 2003). Les statistiques générales sur l’agriculture au Québec ont été obtenu dans le Suivi 2003 du Portrait agroenvironnemental des fermes du Québec (BPR inc., 2005) et les rapports sectoriels du Portrait agroenvironnemental des fermes du Québec (BPR-GREPA, 2000). Pour certaines données qui étaient disponibles à l’échelle provinciale seulement, les proportions employées aux rapports du Portrait agroenvironnemental ont été utilisées pour faire la répartition régionale des données. Le Portrait de la valorisation agricole des MRF couvre uniquement la valorisation agricole, sauf pour les données administratives qui incluent tous les types de projets de valorisation autorisés. Les données de superficie et de charge de phosphore au sol sont sous-estimées puisque les données sur les MRF certifiées BNQ et les composts ne sont pas disponibles.
Les MRF représentaient 3 % des quelque 33 millions de tonnes de matières fertilisantes épandues en agriculture, principalement des fumiers et des lisiers (figure 2). De plus, les MRF comptaient pour moins de 2 % des charges de phosphore apportées au sol, comparativement à 64 % pour les fumiers et 35 % pour les engrais minéraux (figure 3). Ces proportions ont peu changé au cours des cinq dernières années (Charbonneau et coll. 2000).
Depuis 1999, la quantité de MRF valorisée en agriculture a augmenté de 20 %, soit un taux moyen de croissance de 4 % par an. Les ACM, les biosolides municipaux et les composts sont les types de MRF où l’augmentation a été la plus forte, soit de 35 à 65 % (figure 4).
La croissance de la quantité d’ACM valorisée s’explique par l’augmentation de la production de cendres, elle-même liée à la croissance de la valorisation énergétique de la biomasse dans l’industrie forestière, et par l’augmentation de la valorisation des résidus magnésiens et des autres résidus certifiés par le BNQ. Pour ce qui est des biosolides municipaux, l’augmentation des quantités est due aux nouvelles activités de valorisation des villes comme Châteauguay, Laval, Magog, Saint-Jean-sur-Richelieu et Salaberry-de-Valleyfield et à la consolidation des programmes de valorisation des municipalités comme Saguenay, Sherbrooke et Victoriaville. De plus, la valorisation de boues de fosses septiques a doublé en cinq ans, passant d’environ 8 000 à 19 000 tonnes en 2004. En ce qui concerne les biosolides agroalimentaires, bien que les quantités valorisées demeurent stables, l’épandage en agriculture de résidus d’abattoirs a diminué de moitié entre 1999 et 2004 de 31 000 à 17 000 tonnes humides. Ces résidus sont davantage acheminés vers les lieux de compostage. Cette baisse a toutefois été compensée par la valorisation du lactosérum et d’autres résidus. En 2004, 35 papetières (dont deux de l’extérieur du Québec) ont fait de la valorisation agricole de leurs biosolides ou de leurs ACM, ce qui représente environ la moitié des usines de pâtes et papiers du Québec. Seulement une douzaine de municipalités font de la valorisation agricole. Or, selon Hébert (2004), l’épandage agricole représente seulement 40 % des volumes de biosolides municipaux valorisés. On peut donc présumer que d’autres municipalités valorisent leurs biosolides par d’autres avenues, tel le compostage. - Répartition par catégories C-P-O La majorité des MRF avaient un contenu faible en contaminants chimiques, tels les métaux lourds et les dioxines et furannes (68 % de catégorie C1). C’est notamment le cas des biosolides papetiers et agroalimentaires (tableau 3). À l’inverse, la plupart des biosolides municipaux et des ACM étaient de catégorie C2. Dans ce dernier cas, il s’agit souvent de cendres provenant de systèmes de combustion de biomasse, dont l’efficacité a pour effet de concentrer les éléments minéraux naturellement présents dans le bois ou les biosolides. La majorité des MRF (69 %) étaient de catégorie P1, c’est-à-dire désinfectées ou à teneur négligeable en organismes pathogènes. Les biosolides municipaux faisaient exception, puisque la majorité (87 %) étaient de catégories P2 ou P3, catégories pour lesquelles de nombreuses restrictions d’épandage s’appliquent. Pour les catégories d’odeurs (O1, O2 et O3), les MRF sont réparties dans chaque catégorie à parts égales (35 %, 34 %, 30 %). Donc, la majorité des MRF (64 %) étaient malodorantes ou fortement malodorantes et devaient faire l’objet de contraintes d’épandage particulières. De façon plus globale, 20 % des quantités de MRF autorisées pour l’épandage agricole étaient de qualité « exceptionnelle », soit de classe C1-P1-O1 (figure 5). Toutefois, il faut souligner que cette classification exceptionnelle sur le plan environnemental n’est pas forcément liée à la valeur fertilisante des MRF puisque les amendements riches en azote sont souvent malodorants. Parmi les 44 000 ha recevant des MRF en 2004, 45 % d’entre elles recevaient des MRF de classe C1-P1-O1 et C2-P1-O1 pour lesquelles les restrictions d’épandage sont minimales (figure 6). La différence entre les pourcentages de tonnage et de superficie s’explique par les doses d’épandage utilisées pour les ACM qui sont faibles et qui nécessitent donc plus de superficies réceptrices.
Les doses moyennes d’épandage des biosolides varient entre 24 et 35 t/ha (tableau 4). Les biosolides municipaux nécessitent des doses plus faibles que les biosolides papetiers, en raison de leur teneur plus élevée en phosphore (moyenne de 24 t/ha versus 31 t/ha). Les doses d’épandage des ACM sont bien moindres, car elles sont limitées par les besoins en chaux du sol.
Dans le Québec agricole, les MRF apportent en moyenne 1,7 % des charges en phosphore au sol ; la proportion varie selon la région (tableau 5). Les régions traditionnellement reconnues en surplus de fumier, comme la Montérégie, Chaudière-Appalaches et Lanaudière, reçoivent moins de 1 % de leur charge de phosphore par les MRF. Cela montre que les MRF ne concurrencent pas les fumiers de façon significative, contrairement à certaines croyances.
Les MRF ont été valorisées chez 2,4 % des fermes du Québec et sur 2,1 % des sols cultivés (figure 7). Le Saguenay-Lac-Saint-Jean et la région de la Capitale-Nationale ont des proportions beaucoup plus élevées de superficies cultivées et de fermes réceptrices, ce qui peut s’expliquer par les quantités importantes de biosolides papetiers et d’ACM provenant de l’industrie forestière de ces régions.
Figure7 : Pourcentage des superficies cultivées réceptrices
Aucune valorisation agricole de MRF n’a été autorisée dans cinq régions (Côte-Nord, Gaspésie, Laval, Montréal et Nord-du-Québec). La majorité des produits certifiés BNQ sont valorisés en Montérégie, dans le Centre-du-Québec et dans la région de la Capitale-Nationale. La compilation et l’analyse des données disponibles ont permis de faire un portrait précis de la valorisation agricole des MRF en 2004. Les quantités valorisées en agriculture représentaient plus d’un million de tonnes, dont environ les 2/3 étaient des biosolides papetiers. La valorisation a augmenté de 20 % en cinq ans. Toutefois, les MRF représentaient toujours seulement 3 % des matières fertilisantes épandues sur les sols agricoles et moins de 2 % des charges de phosphore apportées au sol. À l’échelle du Québec, les MRF ont été épandues sur environ 2 % des sols cultivés et des fermes. Près de la moitié des superficies ont fait l’objet d’épandage de MRF de catégories C1-P1-O1 et C2-P1-O1, c’est-à-dire sans restriction particulière relative aux odeurs et aux risques pathogènes. Le ministère du Développement durable, de l’Environnement et des Parcs a émis plus de 1000 certificats d’autorisation pour l’épandage de MRF et la grande majorité des CA a été délivrée dans le délai imparti de 90 jours. Les activités de valorisation de MRF ont fait l’objet de plaintes et d’avis d’infraction dans un nombre relativement faible de cas. Par ailleurs, environ 100 000 tonnes de MRF certifiées BNQ ont été valorisées sans nécessiter de CA, soit 10 % des quantités épandues en agriculture. On estime qu’environ deux millions de tonnes de matières résiduelles sont valorisées annuellement par les villes et les industries comme matières fertilisantes, en considérant les matières résiduelles acheminées vers les centres de compostage (750 000 tonnes [AQIC, 2003]), ainsi que les quantités indéterminées d’écorces, de copeaux et de feuilles mortes valorisées sans CA. Cette quantité est considérable, comparativement à d’autres filières de valorisation plus connues du public (papier, verre, métal, plastique). Sur le plan environnemental, cette valorisation est particulièrement significative puisque la majorité des MRF sont de nature organique et donc susceptibles d’émettre des biogaz, comme le méthane, lorsqu’elles sont acheminées vers les lieux d’enfouissement sanitaire. La valorisation agricole des MRF est toutefois lourde sur le plan administratif. Différentes avenues sont envisagées afin de réduire le nombre de certificats d’autorisation requis, entre autres pour l’épandage des MRF présentant un risque négligeable en matière de pathogènes et d’odeurs. Références bibliographiquesAssociation québécoise des industriels du compostage (AQIC) (2003) « La production de compost au Québec en 2002 par l’ensemble des sites de compostage : Résultats de l’enquête » préparé par EnviroAccès, Transfert Environnement et Centre de recherche industrielle du Québec, 21 pages. BPR inc. (2005) « Suivi 2003 du Portrait agroenvironnemental des fermes du Québec » présenté au ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation (MAPAQ), à l’Union des producteurs agricoles (UPA) et à Agriculture et Agroalimentaire Canada (AAC), 66 pages. Charbonneau, H, Hébert, M, Jaouich, A (2000) « Portrait de la valorisation agricole des matières résiduelles fertilisantes au Québec » Vecteur Environnement, vol 33, nº 6, p. 30-32, 49-51. Charbonneau, H, Hébert, M, Jaouich, A (2001) « Contenu en éléments fertilisants et qualité environnementale » Vecteur Environnement, vol 34, nº 1, p. 56-60 Hébert, Marc (2004) « Valorisation des boues municipales comme matières fertilisantes au Québec » Vecteur environnement, vol 37, nº 5, p. 38-41. MDDEP (2005) « Bilan annuel de conformité environnementale – Secteur des Pâtes et Papiers – 2003 » Ministère de Développement durable, de l’Environnement et des Parcs du Québec, 190 pages. http://www.mddelcc.gouv.qc.ca/milieu_ind/bilans/pates_03/index.htm MDDEP (2005) Déclaration de services aux citoyens http://www.mddelcc.gouv.qc.ca/ministere/declaration.htm, visité le 20 novembre 2005 MENV (2004) « Guide sur la valorisation des matières résiduelles fertilisantes. Critères de références et normes réglementaires » Ministère de l’Environnement du Québec.127 pages. http://www.mddelcc.gouv.qc.ca/matieres/mat_res/fertilisantes/critere/index.htm Recyc-Québec (2003) « Bilan 2002 de la gestion des matières résiduelles au Québec » 56 pages.
|
|