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Odeurs des MRF et des fumiers
Elisabeth Groeneveld,
biologiste, M.Sc.
Marc Hébert,
agronome, M.Sc.
Mise à jour : septembre 2007
Que sont les MRF?
Les matières résiduelles fertilisantes (MRF) sont des résidus industriels ou
municipaux, comme les boues d’épuration provenant du traitement des eaux usées
(aussi appelées biosolides), les poussières des cimenteries et les cendres de
bois. Ces résidus ont des propriétés fertilisantes bénéfiques pour les sols et
les cultures. Par convention, les fumiers ne sont pas considérés comme des MRF,
car ils sont d’origine agricole et sont régis par une réglementation
particulière.
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Certaines matières fertilisantes sont odorantes et
peuvent causer des nuisances lors de leur épandage. Pour réduire ces
nuisances, il importe d’abord d’identifier les matières les plus «à risque»
en vue d’appliquer ensuite les restrictions d’épandage appropriées. Le
présent article vise à résumer l’approche prise par le ministère du
Développement durable, de l’Environnement et des Parcs (MDDEP) pour
classifier l’odeur de différentes matières résiduelles fertilisantes (MRF),
en comparaison avec les engrais de ferme.
La valorisation des MRF
Plus d’un million de tonnes de matières résiduelles
fertilisantes (MRF) sont épandues annuellement sur environ 2 % des sols
agricoles du Québec. Il s’agit d’une des principales filières de
valorisation des résidus industriels et municipaux, quantitativement
semblable ou plus importante que le recyclage du papier, du métal, du
plastique ou du verre. La valorisation des MRF est donc essentielle à
l’atteinte des objectifs de la Politique québécoise de gestion des matières
résiduelles 1998-2008, qui vise la valorisation annuelle de 60 % des résidus
putrescibles pour 2008.
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Entreposage de biosolides papetier dans un champ
agricole. |
Les critères environnementaux utilisés par le ministère du
Développement durable, de l’Environnement et des Parcs pour encadrer cette
valorisation sont parmi les plus sévères en Amérique du Nord. Chaque MRF est
classifiée de catégorie C1 ou C2, selon la teneur en contaminants chimiques,
de catégorie P1 ou P2, selon leur teneur en pathogènes, et de catégorie O1,
O2 ou O3, selon leur niveau d’odeur. Par exemple, les composts sont
généralement désinfectés et peu odorants, ils sont alors classifiés
C1-P1-O1, et peuvent être épandus sur tous les sols. Par contre, certains
résidus ne respectent pas les exigences de base (C2-P2-O3) et ne peuvent
ainsi être épandus sur les sols agricoles
En vue d’établir une classification d'odeurs des MRF, le
Ministère a réalisé un sondage de perception d’odeurs auprès de spécialistes
en gestion des MRF de l’ensemble du Québec (Groeneveld et Hébert, 2002).
Réalisation d’un sondage
Un questionnaire sur les odeurs des matières résiduelles
fertilisantes et des engrais de ferme a été transmis à des spécialistes de
ces matières. Les répondants devaient assigner une cote de perception
d’odeurs de 0 à 10 pour les divers résidus, produits ou engrais de ferme qui
leur étaient familiers. Chaque cote devait intégrer à la fois une
appréciation de l’intensité et de la qualité de l’odeur au moment de
l’épandage, pour des conditions comparables (conditions météorologiques,
distance de l’observateur, vitesse d’incorporation au sol, etc.). Il était
spécifié qu’une cote de 0 correspondait à de l’eau pure, et qu’une cote de
10 s’appliquait au pire résidu ou engrais de ferme senti qui ait été l’objet
d’une valorisation par épandage. Les répondants devaient également indiquer
certaines caractéristiques susceptibles d’influencer le niveau d’odeurs
(teneur en eau, durée de stockage, ratio C/N, etc.)
Pour chaque formulaire rempli, une vérification a été
effectuée et un suivi téléphonique a permis de compléter les informations
manquantes. Les cotes d’odeurs moyennes ont ensuite été calculées pour
chaque engrais. Pour assurer la représentativité des données, les résultats
n’ont pas été considérés pour les matières ayant obtenu un nombre de
réponses jugé insuffisant (n<4). De plus, afin d’éviter certains biais dans
les calculs, on a normalisé les données par rapport au lisier de porc,
puisque chaque répondant avait fourni une cote pour le lisier de porc (Groeneveld
et Hébert, 2002). Finalement, seules les cotes d’odeur faisant référence aux
produits ayant subi un entreposage ont été retenues, car ceux-ci sont les
plus à risque de dégager des odeurs lors de l’épandage.
Résultats du sondage
Sur 54 questionnaires transmis, 38 ont été retournés, soit
un taux de participation de 70 %. Les répondants provenaient à 53 % du
secteur public, à 42 % du secteur privé et à 5 % du secteur universitaire
(Figure 1). Le taux de participation élevé indique l’intérêt des
spécialistes pour une telle classification et procure un échantillon
considéré important et représentatif.
On a obtenu une cote d’odeur moyenne de 8/10 pour le lisier
de porcs à l’engraissement (Figure 3). L’écart-type était très faible,
montrant que les répondants avaient à peu près tous la même perception. En
outre, on a observé que la cote pour le fumier solide de bovins était de
4/10, soit exactement la moitié de celle du lisier de porc. Ces résultats
sont importants, car ils rendent possible et pertinent une classification
d’odeurs des MRF par rapport aux engrais de ferme les plus courants (fumier
de bovins et lisier de porc).
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Figure 1 : Répartition des répondants
au sondage par secteur d’activité (%).
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Figure 2 : Réponses à la question «Selon vous, quel
est le pire résidu ou engrais de ferme que vous avez senti et qui a été
l'objet d'une valorisation par épandage?» (%) |
Seulement deux MRF avaient une cote d’odeur supérieure, soit
les boues de papetières issues du procédé kraft et les boues d’abattoirs non
chaulées. Dans le cas des biosolides papetiers, cette forte cote d’odeur
s’explique notamment par l’émission de gaz sulfurés (odeur de type «œufs
pourris»), résultant de l’ajout de soufre dans le procédé à l’usine, et par
la forte activité microbienne des boues liée au faible rapport C/N (odeurs
d’ammoniac ou de type «cadavérique» liée à la décomposition des protéines).
Les cotes d’odeur varient également en fonction du rapport C/N pour les
autres types de biosolides papetiers. Les biosolides d’abattoir non chaulés
ont obtenu la plus forte cote d’odeurs, légèrement supérieure à 10 (en
raison de la procédure statistique de normalisation).
Comme prévu, les MRF minérales, les composts et les matières
à rapport C/N élevé ont obtenu de basses cotes d’odeur, étant donné leur
faible potentiel de putréfaction.
Catégories d’odeurs
Sur la base des cotes moyennes d’odeurs, et en fonction de
la variabilité de ces moyennes (écart-type), le Ministère a révisé en 2004
sa classification des odeurs des MRF par rapport aux engrais de ferme, de la
manière suivante :
-
Catégorie O1 : les MRF moins malodorantes que le fumier
solide de bovins laitiers;
-
Catégorie O2 : les MRF analogues au fumier solide de bovin
laitier;
-
Catégorie O3 : les autres MRF ayant une cote d’odeur égale
ou inférieure au lisier de porc;
-
Hors catégorie : les MRF ayant une cote d’odeur supérieure
au lisier de porc.
Les MRF «hors catégorie» ne peuvent être valorisés en
agriculture à moins de subir un traitement de désodorisation approprié ou de
faire l’objet d’un reclassement par olfactométrie. Les MRF de catégorie O2
et O3 peuvent être épandues, en respectant les normes municipales et les
critères du MDDEP (2004).
On constate en outre que, pour un même type d’élevage, les
fumiers liquides (lisiers) ont des cotes d’odeur plus élevées que les
fumiers solides. On observe également que la majorité des MRF ont des cotes
d’odeur inférieures a celle du lisier de porcs. Les valeurs des
erreurs-types et le nombre de réponses généralement élevé (n > 15) indiquent
par ailleurs des écarts statistiquement probables entre différentes MRF. Les
tests statistiques n’ont cependant pas été utilisés, étant donné le
caractère subjectif du paramètre de perception d’odeur.
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Figure 3 : Cotes de perception des odeurs des MRF
et engrais de ferme . Notes : 1 cote d'odeur standardisée par rapport
à celle attribuée au lisier de porc à l'engraissement. 2 séc.th. =
séchage thermique. Bio. pap.= biosolides de papetières. Bio. mun. =
biosolides municipaux. |
En 2007, quelques ajouts ont été apportés à la
classification d’odeur des MRF (Tableau 1).
Pour plus d’information, vous pouvez consulter l’article qui
a paru dans Vecteur Environnement : «GROENEVELD, E. et M. HÉBERT, 2002.
Perceptions d’odeur des matières résiduelles fertilisantes en comparaison
avec les engrais de ferme. Vecteur Environnement 36(3) : pages 22
-26»
O1
(peu odorant)(1,
2) |
O2
(malodorant)(1,
3) |
O3
(fortement
malodorant)(1, 4) |
HC
(hors
catégorie)(1, 4) |
- Poussières de cimenteries
- Cendres de bois
- Boues de chaux de papetières
- Résidus magnésiens
- Autres amendements calciques ou magnésiens non putrescibles
- Composts (matures)
- Feuilles mortes
- Écorces
- Biosolides papetiers et résidus de désencrage à C/N ≥ 70
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- Biosolides municipaux – étangs non vidangés depuis ≥ 4 ans
- Biosolides municipaux séchés (5)
- Biosolides municipaux – traitement à la chaux
- Biosolides d’abattoirs chaulés - voir le tableau 8.5
- Biosolides papetiers ayant un C/N ≥ 50 et < 70 et non issus d’un
procédé kraft
- Biosolides papetiers provenant d’étangs non vidangés depuis ≥ 4
ans
- Biosolides papetiers – traitement acide
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- Biosolides municipaux – usines – traitement biologique
- Biosolides d’abattoirs chaulés – voir le tableau 8.5
- Biosolides papetiers ayant un C/N < 50, sans traitement acide, ne
provenant pas d’étangs avec accumulation prolongée et non issus d’un
procédé kraft
- Biosolides papetiers issus d’un procédé kraft, ayant un C/N ≥ 50
et < 70
- Lactosérum
- Lait déclassé
- Résidus de pomme de terre
- Rognures de gazon
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- Biosolides municipaux provenant de digesteurs anaérobies qui sont
déshydratés à l’aide de centrifugeuses haute vitesse, sauf ceux
désodorisés par compostage, chaulage ou séchage thermique
- Biosolides papetiers issus de procédés kraft, avec un C/N < 50
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-
Les catégories peuvent être
révisées dans certains cas selon des tests d’olfactométrie (section 8.4.2).
Cela peut être particulièrement indiqué si il y a un procédé de
désodorisation peu connu. Pour les MRF non mentionnées, la catégorie sera
déterminée par olfactométrie ou par analogie, au cas par cas, par les
directions régionales concernées. S’il y a ambiguïté entre 2 catégories
possibles, prendre celle qui est la moins limitante. Par exemple un
biosolide papetier à faible C/N et issu d’un procédé kraft, mais provenant
d’un étang non vidangé depuis > 4 ans, sera considéré O2 plutôt que «hors
catégorie».
-
O1 : odeur < fumier solide de
bovins laitiers.
-
O2 : odeur semblable au
fumier solide de bovins laitiers.
-
O3 : odeur > fumier solide de
bovins laitiers, mais ≤ lisier de porcs; HC : odeur > lisier de porcs.
-
Les biosolides municipaux
séchés ou granulés doivent être protégés de l’humidité pour éviter la
recroissance microbienne et conserver leur statut O2.
Références
MDDEP, 2004. Guide sur la valorisation des matières
résiduelles fertilisantes. Critères de référence et normes réglementaires.
Ministère du Développement durable, de l’Environnement et des Parcs du
Québec. 127 pages.
GROENEVELD, E. et M. HÉBERT, 2002. Perceptions d’odeur
des matières résiduelles fertilisantes en comparaison avec les engrais de
ferme. Vecteur Environnement 36(3) : pages 22 -26. |