Teneurs limites en cadmium et dioxines et furannes des
MRF – position du MENV
Marc Hébert,
agronome, M.SC.
Ministère de l'Environnement
du Québec
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Les teneurs
limites permises en cadmium et dioxines et furannes des matières
résiduelles fertilisantes (MRF), actuellement utilisées par le MENV,
sont conservatrices et adéquates pour assurer la protection de la
santé humaine à long terme. C’est la position retenue par le MENV
suite à l’analyse de la littérature scientifique sur le sujet et à une
consultation publique effectuée en 2001. |
La Politique québécoise de gestion des matières
résiduelles 1998-2008 vise à mettre en valeur 60 % des matières
résiduelles. La valorisation agricole des matières résiduelles fertilisantes
(MRF) est une des actions ciblées par cette politique gouvernementale. Les
MRF sont des résidus industriels ou municipaux, comme les boues provenant du
traitement des eaux usées (aussi appelées biosolides), les poussières de
cimenteries et les cendres de bois. Ces résidus possèdent des propriétés
fertilisantes bénéfiques pour les sols et les cultures.
Pour encadrer la valorisation agricole des MRF, le ministère
de l’Environnement (MENV) a développé des critères de qualité et de bonnes
pratiques. En 1998, suite à une consultation publique sur ces critères, le
ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) a questionné les
critères relatifs au cadmium et aux dioxines/furannes, particulièrement pour
la catégorie C2. En réponse à ces préoccupations, le MENV a octroyé un
contrat de recherche à l’Institut national de santé publique du Québec
(INSPQ) afin de valider ces critères.
L’INSPQ a déposé en mars 2001 le rapport final intitulé «
Évaluation des impacts à long terme de la valorisation agricole de matières
résiduelles fertilisantes au Québec – mise en contexte et risques à la santé
associés à l’apport de cadmium et de dioxines et furannes » (Fouchécourt
et Beausoleil, 2001).
L’étude montrait notamment qu’un individu (agriculteur)
fortement exposé (IFE) sur une période de 100 ans pouvait voir son
exposition au cadmium dépasser la dose de référence américaine (troubles
rénaux). L’étude recommandait en ce sens d’abaisser la teneur limite
permise. D’autres recommandations concernaient également les dioxines et
furannes et certains métaux.
Sur la base de cette étude, le MENV a envisagé des
modifications à ses critères et a soumis son approche pour consultation, en
août 2001, auprès de 25 organismes et instituts québécois et canadiens.
Quinze de ces organismes, ont commenté les propositions du MENV et deux
mémoires ont commenté les fondements scientifiques de l’étude de l’INSPQ. Il
s’agit dans ce dernier cas d’une note de Santé Canada, rédigée par Mme
Geneviève Moreau, toxicologue, et d’un mémoire conjoint de RECYC-Québec,
Réseau-Environnement et l’Association québécoise des industries du
compostage (AQIC) produit par M. Raymond Van Coïllie, Ph.D., professeur à l’Université
du Québec.
De nouvelles données scientifiques ont également été
considérées dans l’analyse de l’information. En 2001, le Conseil canadien
des ministres de l’Environnement (CCME) a en effet publié ses
recommandations pour les teneurs limites en dioxines et furannes des sols
agricoles. Au cours de l’année 2002, l’USEPA a pour sa part déposé une
nouvelle analyse de risque sur les dioxines et furannes pour la valorisation
agricole de boues municipales. Cette même année, le National Academy of
Science des États-Unis a en outre réévalué l’ensemble des critères
américains pour la valorisation agricole des boues municipales (NAS, 2002).
Suite à l’analyse des informations, les principaux éléments
qui ressortent sont les suivants :
Individu
fortement exposé (IFE)
-
La probabilité d’existence de l’IFE modélisé dans l’étude
de l’INSPQ serait de moins d’une chance sur 700 millions de personnes (Van
Coïllie, 2002; Van Coïllie et Laquerre, 2003);
-
La modélisation d’un IFE, ou « Highly Exposed Individual »
(HEI), ne serait d’ailleurs plus acceptable selon le National Academy of
Science :
« General practice has changed from using the HEI as the receptor of
concern, because such an individual is unlikely to exist, to using an
individual with reasonable maximum exposure (RME) … Use of a RME is a more
informed and reasonable estimate of exposure than the HEI because it
reduces reliance on the subjective application of default assumptions and
reflects improved methods of characterizing population exposure. »
(NAS, 2002, Summary, pp. 9-10).
Figure 1 - Teneurs limites en
cadmium
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Figure 2 - Teneurs limites en
dioxines et furannes
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Cadmium
-
L’exposition calculée par l’INSPQ, dans le pire cas,
serait sous le barème de Santé Canada (Moreau, 2002). Le dépassement du
barème américain est pour sa part léger (5 %) et non significatif,
puisqu’il s’agit d’un estimé sur le long terme;
-
Les teneurs limites des MRF au Québec sont déjà plus
restrictives que la plupart des autres juridictions (voir la figure 1).
Dioxines et furannes
-
Les teneurs limites dans les MRF au Québec sont également
plus restrictives que la plupart des autres juridictions (voir la figure 2);
-
L’enrichissement maximal du sol en dioxines et furannes, tel
que calculé par l’INSPQ, demeure d’ailleurs sous le seuil de 4 ng EQT/kg du
CCME (2001);
-
L’exposition aux dioxines et furannes dans le pire cas (0,72
pg EQT/kg-j) serait 14 fois inférieure au barème de Santé Canada, qui est de
10 pg EQT/kg-j.;
-
L’analyse de risque de l’INSPQ donne des résultants
incohérents par rapport à celle de l’USEPA (2002);
-
L’INSPQ rapporte en effet pour l’IFE une exposition 36 % plus
élevée que la normale (bruit de fond), avec l’utilisation de boues
municipales. Or, l’étude de l'USEPA (2002) montre dans le pire des cas une
augmentation de 10 à 20 % de cette exposition;
-
Ces résultats divergents tendent à confirmer les commentaires
de Van Coïllie (2002) à l’effet que la modélisation de l’INSPQ a été
effectuée sur un individu excessivement exposé et improbable.
Suite à l’analyse de ces informations, le MENV a retenu la
position suivante :
-
Ne pas réduire les teneurs limites permises en Cd et d&f des MRF de
catégorie C2;
-
Informer les organismes consultés de cette décision;
-
Envisager la possibilité de revoir éventuellement les
teneurs limites en divers contaminants, sur la base de travaux du BNQ et du
CCME, sur la révision des critères de qualité des composts qui débuteront au
printemps 2003.
Références
bibliographiques
CCME. 2001. Recommandations canadiennes pour la qualité des
sols : Environnement et santé humaine – dioxines et furannes. Conseil
canadien des ministres de l’environnement.
Fouchécourt, M.-O. et M. Beausoleil. 2001. Évaluation des
impacts à long terme de la valorisation agricole de matières résiduelles
fertilisantes au Québec – mise en contexte et risques à la santé associés à
l’apport de cadmium et de dioxines et furannes - Rapport synthèse. Institut
national de santé publique du Québec.
Gouvernement du Québec. 2000. Qualité de l’environnement –
Loi sur la Politique québécoise de gestion des matières résiduelles
1998-2008. Gazette officielle du Québec, 30 septembre 2000, 132e année, no
39 : pages 968-974.
Moreau, G. 2001. Mesures de gestion du risque liées aux MRF
: Commentaires. Santé Canada. 2 p.
National Academy of Sciences. 2002. Biosolids Applied To
Land : Advancing Standard and Practices. National Academy Press. Washington,
DC. 266 p.
USEPA. 2002. Standards For The Use Or Disposal Of Sewage
Sludge; Notice. U.S. Federal Register, June 12, 2002. Pp :40554-40576.
Van Coïllie. 2002. Estimation des risques toxiques du
cadmium et des dioxines et furannes chlorés des matières résiduelles
fertilisantes au Québec. Rapport préparé pour Réseau-Environnement, l’Association
québécoise des industriels du compostage et Recyc-Québec. 39 p.
Van Coïllie, R. et M. Laquerre. 2003. Critères de qualité et
risques du cadmium et des dioxines et furannes chlorés des matières
résiduelles fertilisantes au Québec. Vecteur Environnement, janvier 2003,
vol 36, no 1, pp. 22-33.
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