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État de l'écosystème aquatique du bassin versant de la rivière
Richelieu - Synthèse 1998
Le haut Richelieu : des stress multiples
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Barrage de Chambly |
Dans la région du haut Richelieu, de Lacolle au
bassin de Chambly, les effluents non traités des agglomérations urbaines ainsi que les
activités agricoles intensives occasionnent la dégradation progressive du milieu. Bien
qu'elles soient difficiles à évaluer, les pressions industrielles, urbaines et agricoles
de la portion américaine du bassin ont sans doute un impact sur la santé de
l'écosystème. L'absence d'organismes benthiques sensibles à la pollution en amont de
Lacolle en est probablement un signe. Il demeure toutefois que sur ses 20 premiers
kilomètres en sol québécois, la rivière Richelieu offre une eau de qualité
satisfaisante. On présume que les nombreux marécages à la tête du bassin atténuent
en partie les effets des pressions sur l'environnement, autant celles provenant des
États-Unis que celles associées à la mauvaise gestion des eaux usées des résidences
isolées ou reliées aux apports de la rivière du Sud. Ce dernier tributaire, qui traverse
un territoire occupé à 75 % par des terres agricoles, montre une eau de très mauvaise
qualité, à la fois turbide et colorée, contenant de fortes concentrations de substances
nutritives, de matières en suspension et de matière organique. Précisément au point
où les eaux de cette rivière se déversent dans le Richelieu, sur la rive droite,
plusieurs espèces benthiques sensibles à la pollution disparaissent. Toutefois, la
diversité benthique dans ce secteur, rive droite et rive gauche confondues, est parmi les
plus élevées du bassin. L'indice d'intégrité basé sur le benthos grimpe d'ailleurs à
« excellent ». En effet, les marécages renferment des habitats fort intéressants pour
les organismes aquatiques. De plus, ils filtrent les polluants et favorisent du même coup
la survie des espèces qui y vivent, tant le benthos que le poisson. En aval de Saint-Jean-sur-Richelieu : un secteur problématique
Photo : Ministère de l'Environnement
Au printemps 1998, ce panache de pollution à Saint-Jean-sur-Richelieu
sera chose du passé,
puisque la station d'épuration du haut Richelieu traitera les eaux usées du secteur.
À proximité des villes de Saint-Jean-sur-Richelieu, Iberville,
Saint-Luc, Saint-Athanase et L'Acadie, les rejets urbains non traités des quelque 61 000
personnes desservies par un réseau d'égouts ainsi que les eaux résiduelles de 17
entreprises industrielles affectent la qualité du milieu. Les effluents contiennent de
fortes concentrations de substances nutritives et de matière organique et portent la
marque évidente d'une contamination bactérienne.
En aval de Saint-Jean-sur-Richelieu, plus d'une quarantaine de substances
toxiques sont décelées dans les mousses aquatiques et les cellules à dialyse : du
cuivre, du plomb, deux phtalates, trois acides gras, deux acides résiniques ainsi que des
BPC, des composés organiques semi-volatils et une variété impressionnante de HAP. Très
peu des sites étudiés au Québec jusqu'à maintenant présentent une aussi longue liste
de polluants.
Entre l'amont et l'aval de la ville de Saint-Jean-sur-Richelieu, on
enregistre une hausse marquée de la concentration de différents toxiques. Elle atteint
50 % dans le cas du plomb et des BPC, près de 70 % pour le cuivre et des valeurs encore
plus importantes pour les HAP et autres composés accumulés dans les cellules à dialyse.
En aval d'Iberville, on détecte aussi une vingtaine de substances de toutes natures, mais
les hausses de concentration sont en général moins prononcées.
Photo : Ministère de l'Environnement
Le suivi des substances toxiques dans le milieu s'effectue à l'aide de
« traceurs », utilisés pour déceler des substances présentes dans l'eau en
quantité trop infime pour y être mesurées directement : métaux, BPC, pesticides
organochlorés, HAP, acides gras et résiniques, phtalates et autres composés organiques.
La proportion de poissons tolérants à la pollution grimpe à 38 % en aval des
agglomérations urbaines près de Saint-Jean-sur-Richelieu. Cette valeur indique une
communauté fortement perturbée par la pollution, la plus dégradée du tronçon selon
l'indice d'intégrité. Pour le benthos, qui affiche également une baisse d'intégrité
quelques kilomètres plus loin, les oligochètes dominent la communauté à 86 %, signe
incontestable d'un milieu très pollué. Sur la rive gauche de la rivière Richelieu, là
où se déverse l'émissaire principal des agglomérations riveraines du secteur de
Saint-Jean-sur-Richelieu, l'indice d'intégrité basé sur le benthos est plus faible que
sur la rive droite.
Photo : Ministère de l'Environnement
La rivière Richelieu abrite la seule population encore décelable d'un
poisson bien particulier qui ne vit qu'au Québec, soit le chevalier cuivré, anciennement
appelé suceur cuivré. Ce poisson peut vivre une trentaine d'années et atteindre une
grande taille, plus de 75 cm et plus de 6 kg. Il s'alimente exclusivement de mollusques.
Les deux seules frayères connues sont situées dans les zones d'eaux rapides à Chambly
et à Saint-Ours. L'espèce est menacée d'extinction, probablement en raison de la
sédimentation, de la contamination chimique et de la fragmentation de son habitat par des
barrages.
L'eau est de qualité douteuse au nord de Saint-Jean-sur-Richelieu, de
même qu'au bassin de Chambly. Dans ce secteur, les concentrations de matières nutritives
et de matières en suspension sont élevées, et la turbidité de même que la
contamination microbienne sont bien évidentes. La rivière des Hurons, qui se jette dans
le bassin, enregistre la pire qualité de l'eau du bassin de la rivière Richelieu. On
note un accroissement notable de la turbidité, du phosphore total, des coliformes fécaux
et des matières en suspension. De l'atrazine et du métolachlore, pesticides utilisés
fréquemment dans la culture du maïs, sont aussi détectés.
La communauté de poissons : une réalité inquiétante
Sous la pression des polluants et des toxiques, la communauté piscicole
du haut Richelieu révèle de sérieux signes de stress. La proportion de poissons
affectés par des anomalies est considérable, dépassant à maintes reprises les 13 % et
atteignant même les 26 % près des rapides Fryers. De tels pourcentages indiquent un
état de santé précaire.
La proportion élevée de piscivores (les poissons piscivores
sont plus sensibles à la pollution par ce qu'ils se nourrissent d'autres
poissons et concentrent ainsi les produits toxiques contenus dans leurs proies)
ainsi que la présence d'espèces comme le fondule barré ou le menton noir maintiennent
par contre l'indice d'intégrité du poisson à moyen, sauf dans le secteur de
Saint-Jean-sur-Richelieu, où il chute à faible.
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Photos : Ministère de l'Environnement
Les organismes benthiques, ou benthos, sont des macroinvertébrés qui vivent au fond
des lacs ou des cours d'eau, tels que les mollusques, les vers, les larves d'insectes. Ils
constituent la principale source de nourriture pour les poissons. De 50 à 2200 organismes
ont été récoltés sur chaque substrat artificiel placés dans la rivière Richelieu.
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Photo : Ministère de l'Environnement Cette
barbotte brune présente de nombreuses lésions noires sur ces barbillons. La proportion
de poissons affectés par des anomalies ( déformations, marques d'érosion sur les
nageoires, lésions, tumeurs ) est considérée comme un bon indicateur des mauvaises
conditions du milieu. Un taux d'anomalies dépassant 5 % révèle une communauté de
poissons à l'état de santé précaire. |
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