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Effets de la réduction d'émissions sur
la qualité de l'eau des lacs de l'ouest québécois (1999) (fin)
Matériel et méthode
En 1982, 65 lacs de la région de Rouyn-Noranda ont été choisis selon
divers axes et distances fixes par rapport à la source démission.
Localisation des lacs de la région à
l'étude
Soixante-quatre lacs ont été échantillonnés avec succès en 1982, 60 en 1991 et 62
en 1996. Les trois inventaires de données ont été menés en mars 1982, 1991 et 1996
sous couvert de glace. La cueillette dun échantillon intégré 0-5 mètres a été
effectuée au centre du lac à lendroit estimé le plus profond. Une vingtaine de
variables ont alors été analysées (pH, pH à léquilibre avec la pression
atmosphérique en CO2, alcalinité, SO4, NOx, NH4,
N total, P total, tannin, turbidité, carbone inorganique dissous (CID), carbone organique
dissous (COD), Cl, conductivité, F, Si, Ca, Mg, Na, K, Fe, Mn, Al filtré, Al
inorganique). Le détail des protocoles déchantillonnage et danalyses en
laboratoire figure dans le rapport qui suit :
Dupont, J. 1992. Effets de la réduction des émissions de SO2 sur la
qualité de leau des lacs de la région de Rouyn-Noranda, Ministère de
lEnvironnement du Québec, Direction de la qualité des cours d'eau, Envirodoq no
EN920422, rapport no QEN/PA-43/1, 74 pages.
État de la qualité des eaux
en 1996
La qualité des eaux de surface dans louest du Québec est grandement affectée
par les caractéristiques physiques du territoire et de la géologie. Ainsi, la majorité
des lacs situés au sud et à lest de Rouyn-Noranda (Hautes-Terres Laurentiennes)
sont relativement profonds avec des eaux relativement claires. Ces eaux lacustres sont
toutefois très douces et diluées, ce qui les rend particulièrement vulnérables à
lacidification. Les lacs des basses terres de lAbitibi sont quant à eux très
peu profonds et très riches en matières organiques. Les eaux sont dailleurs
souvent colorées et turbides. Ces lacs généralement localisés à moins de 300 mètres
daltitude sont peu acides. On les retrouve près de Rouyn-Noranda et au nord de
cette ville.
La variabilité spatiale de la qualité de leau dépend des caractéristiques du
milieu et des apports de polluants aéroportés. Ainsi, les lacs des Hautes-Terres
Laurentiennes montrent des pH compris entre 5,5 et 7,0 unités, ainsi que des valeurs
faibles dalcalinité, de cations basiques et de conductivité. Les lacs des basses
terres sont caractérisés par une eau plus minéralisée. Le pH y est plus élevé
(>7,0) et les valeurs dalcalinité, de cations basiques, de conductivité, de
couleur et de carbone organique dissous peuvent y être très importantes. Les apports
acides dorigine atmosphérique ont un effet marqué sur la distribution des
concentrations de sulfates en lac. Ces concentrations de sulfates en lac, comme celles
observées dans les dépôts humides, montrent un gradient sud-ouest - nord-est où les
valeurs les plus élevées étaient observées dans le sud de la région étudiée et à
proximité de Rouyn-Noranda. Ce gradient sest toutefois amenuisé passablement
depuis 1982 avec la réduction démissions. La plupart des autres variables de
qualité ne montrent pas de tendance spatiale particulière.
Parmi les 64 lacs étudiés dans le contexte du projet Noranda, les plans deau
les plus acides (4,3) sont situés à moins de 125 km de Rouyn-Noranda et leur acidité
provient en grande partie des dépôts de substances acidifiantes reçues au cours du
dernier siècle, bien que l'acidité de plusieurs de ces lacs serait aussi affectée par
une composante naturelle liée à la matière organique. Le projet Noranda a aussi permis
danalyser les données de dix lacs à doré jaune du secteur Belleterre à environ
125-150 km au sud de Rouyn-Noranda. Ce secteur est également connu comme étant très
touché par les problèmes dacidification chronique.
Indication d'un
changement à la qualité de l'eau entre 1982 et 1996
La figure ci-dessous présente lévolution des concentrations de
sulfates en fonction de la distance à Rouyn-Noranda pour 1982 et 1996. Cette figure
permet de constater que le gradient de concentration en sulfates, dont les valeurs sont
maximales à proximité de Rouyn-Noranda, ont nettement diminué en importance depuis
1982. Le gradient de concentration pour 1996 est maintenant beaucoup moins prononcé, ce
qui traduit bien limportante baisse des concentrations de sulfates à proximité de
la source démission danhydride sulfureux. La concentration moyenne de
sulfates est donc passée de 7,4 à 5,1 mg/l depuis 1982 avec des baisses spécifiques
allant de 2 à 9 mg/l selon les lacs. Cette baisse de sulfates aux environs de
Rouyn-Noranda a aussi été corrélée avec une baisse similaire des teneurs de sulfates
dans les précipitations et dans dautres lacs du Québec.
Changement dans les concentrations de
sulfates survenu
entre 1982 et 1996 pour les lacs de la région de Rouyn-Noranda.
Lanalyse de la qualité des eaux de surface pour 1982 et 1996 montre
aussi que les changements ne se sont pas uniquement limités aux sulfates. Les tests
statistiques non paramétriques (test de Wilcoxon pairé) ont mis en évidence une baisse
significative des valeurs moyennes de conductivité, de calcium, de magnésium, de
potassium, de manganèse et daluminium dissous. Des hausses significatives ont été
observées pour lalcalinité, la couleur vraie, les tannins, les nitrates et le fer.
On na pas pu détecter de changement significatif pour le pH qui
pourtant représente un indicateur de premier plan pour déceler une amélioration des
conditions dacidité. Par contre, lexamen de dix lacs à doré aux eaux
claires, qui étaient acides lors dune première visite en 1991 (4,9-5,7: moyenne de
5,42 unités), montre quil y a effectivement eu amélioration ces dernières années
puisque ces mêmes lacs ont subi une hausse de 0,44 unité de pH en moyenne depuis 1991.
Ils présentent maintenant des pH variant entre 5,52 et 6,24, ce qui rend possible la
réintroduction du poisson dans ces plans deau.
Le fait que le pH moyen de la soixantaine de lacs de la région de
Rouyn-Noranda nait pas bougé depuis 1982 sexplique surtout par le fait que
plusieurs des lacs acides étaient probablement en partie acides à lorigine et que
la présence de certaines substances a peut-être ralenti ou inhibé la réversibilité de
lacidification. Dautres hypothèses comme le fait que les dommages puissent
avoir été tels que la récupération soit devenue impossible, que les dépôts acides
sont encore trop importants pour permettre une récupération ou que le temps de réponse
soit plus long que prévu, sont autant de raisons qui pourraient expliquer labsence
de changement. Par contre, lexamen des concentrations relatives danions
majeurs par lintermédiaire dun nomogramme de classification ainsi que
lexamen dindicateurs physico-chimiques comme les rapports
bicarbonates/sulfates, sulfates/cations basiques et alcalinité/cations basiques mettent
en évidence quune amélioration significative des conditions de qualité deau
est survenue dans plus de 80 % des lacs de la zone détude. Malgré labsence
de changement significatif pour le pH, lensemble des changements précédents va de
pair avec une baisse des sulfates et du taux daltération chimique induits par les
apports acides.
Lacidification
est-elle en voie de se résorber?
Les résultats danalyse montrent que le pH est resté stable depuis 1982, mais
que plusieurs autres variables de qualité de leau indiquent quil existe
actuellement une tendance à lamélioration dans les conditions dacidité des
lacs. Les lacs à doré nous indiquent entre autres que la réversibilité de
lacidification est en cours pour les lacs clairs qui étaient auparavant acidifiés.
La documentation scientifique nous indique aussi que la récupération des lacs acides
(i.e. la hausse de pH) est un processus graduel qui peut prendre plusieurs années. Dans
les pires cas où la réserve en cations basiques des sols a été décimée, cette
récupération pourrait prendre une période de temps encore plus longue.
Les études récentes nous indiquent également que les lacs acides pourront
réellement récupérer lorsque les dépôts acides seront plus faibles que la charge
critique que les lacs peuvent supporter sans encourir de dommages à long terme. Or, un
grand nombre de lacs du Québec méridional, et par le fait même de la région de
lAbitibi-Témiscamingue, sont caractérisés par des charges critiques de sulfates
aussi faibles que de 8 à 12 kg/ha/an, alors que les dépôts actuels excèdent encore les
15 à 30 kg/ha/an selon les endroits. Ceci veut dire que les dépôts qui affectent les
lacs acides sont encore trop élevés pour permettre leur récupération. Il faudra donc
attendre que lensemble des réductions démissions polluantes au Canada et aux
États-Unis soit réalisées pour évaluer les bénéfices réels. Il est toutefois
certain que seule une partie de la population de lacs touchés par lacidification
pourra récupérer par suite de ces réductions puisque ces dernières ont été
élaborées pour protéger les écosystèmes modérément sensibles et non pas les
écosystèmes sensibles à très sensibles présents en très grand nombre au Québec.
Leffet nitrate
La communauté internationale a commencé à considérer limportance du rôle des
nitrates (NO3-) et de lammonium (NH4+)
au plan de lacidification au début des années 1990. Jusqualors, le rôle des
nitrates dans lacidification était considéré négligeable. Or, les études
scientifiques récentes montrent que ce nest pas le cas et que les nitrates
pourraient être appelés à accroître leur rôle au plan de lacidification dans
les 25 à 75 prochaines années. Selon ces études, les concentrations de nitrates
demeurent généralement très faibles jusquau moment où les sols du bassin versant
deviennent saturés en azote. Lorsque ce seuil est atteint, les sols commencent à
libérer des nitrates dans les eaux de surface qui peuvent devenir alors un élément
aussi acidifiant que les sulfates, ce qui pourrait avoir pour effet daugmenter
nettement la charge acide dans les eaux de surface de plusieurs secteurs du Québec. Un
des premiers signes avant-coureurs de la saturation des sols en azote est
laugmentation significative des concentrations en NOx durant lhiver
et lautomne.
La hausse, même légère, des nitrates nest donc pas à négliger.
En ce qui concerne les lacs de cette étude, les tests statistiques nont pas permis
de détecter un changement significatif dans les concentrations de nitrates entre 1982 et
1996, bien que le test des signes a tout juste failli avec un niveau de signification de
0,06. Lexamen de la figure ci-dessous montre en fait que les concentrations de
nitrates ont augmenté de plus de 200 % à proximité de Rouyn-Noranda et au nord-est de
cette dernière, et ce, sans que les dépôts de nitrates n'aient changé durant ces
dernières années ou quil n'y ait une source locale. Il est donc possible que des
signes avant-coureurs dune saturation en nitrates puissent survenir dans les lacs
qui ont été plus lourdement affectés par les retombées acides. Il est encore trop tôt
pour conclure sur lévolution du rôle des nitrates dans lacidification des
eaux de surface, mais ces signes avant-coureurs nous laissent entendre quil faudra
suivre de très près lévolution de cette variable.
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Pourcentage de variation des concentrations
de nitrites-nitrates en 1982 et 1996 pour les lacs de la région de Rouyn-Noranda (les
valeurs inférieures à 100 % indiquent une baisse des concentrations alors que celles au
dessus de 100 % traduisent une hausse des teneurs).
Conclusion
Le résultat des trois campagnes déchantillonnage de 1982, 1991 et
1996 montre que les réductions démission de SO2 ont eu des effets
significatifs sur la qualité de leau des lacs. Les tests statistiques et les divers
indicateurs environnementaux témoignent que la majorité des lacs, incluant des lacs
clairs qui étaient acides en 1982 et 1991, sont maintenant en voie de récupération. Par
contre, les conditions dacidité sont demeurées stables pour les lacs acides
colorés. Lobservation de signes damélioration dans les conditions
dacidité devrait nous rassurer sur le bien-fondé des actions entreprises au plan
des réductions démission. Toutefois, la lenteur de récupération des lacs acides
devrait nous inciter à demeurer vigilants face à un laisser-aller éventuel des actions
à venir. Un suivi environnemental des lacs reste donc nécessaire pour sassurer que
les réductions entreprises soient suffisantes pour récupérer les ressources lacustres
endommagées.
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