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Projet pilote de restauration du lac à l’Anguille
Contexte du projetLe projet pilote de restauration du lac à l’Anguille est l’un des quatre projets retenus par le ministère du Développement durable, de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques à la suite de l’appel de propositions lancé en mai 2008 dans le cadre de l’action 1.4 du Plan d’intervention sur les algues bleu-vert 2007-2017 (PDF, 122 ko). Le lac à l’Anguille est situé sur le territoire de la municipalité de Saint-Anaclet-de-Lessard, au Bas-Saint-Laurent, dans le bassin versant de la rivière Germain-Roy. Ce plan d’eau de 98 hectares, d’une profondeur maximale de 12 mètres, est alimenté par trois petits cours d’eau et par la résurgence riveraine d’eaux souterraines. Situé en milieu rural, le lac a subi au fil du temps les pressions anthropiques liées aux développements résidentiel et agricole. Le rejet des eaux usées des résidences isolées et les activités des entreprises agricoles qui ceinturent le lac sont considérées comme les principales sources de nutriments ayant contribué à l’enrichissement du lac. Le déboisement et les mauvaises pratiques d’aménagement en bordure du lac (coupe, aménagement de murets, dénaturation de la bande riveraine, remblai, engazonnement et fertilisation) ont également favorisé les apports de nutriments dans le lac. En raison de cet enrichissement, celui-ci est aux prises avec des efflorescences d’algues bleu-vert depuis les années 1990. Il est considéré comme étant au stade intermédiaire avancé d’eutrophisation, dans la classe méso-eutrophe. C’est dans le but de réduire les charges de phosphore, à l’extérieur et à l’intérieur du lac, que l’Association de protection de l’environnement du lac à l’Anguille (APELA) a expérimenté deux techniques de biotraitement :
L’expérimentation d’un îlot végétal flottant pour capter le phosphore présent dans le lacLa technologie des îles végétales flottantes utilise la capacité qu’ont les plantes et les microorganismes qui colonisent la matrice à puiser les nutriments de l’eau. Cette technologie est notamment utilisée pour le traitement des eaux usées dont les concentrations initiales en phosphore sont relativement élevées (> 1,0 mg/L). Toutefois, son efficacité à prélever le phosphore dans les eaux des lacs eutrophes (ou en voie d’eutrophisation) du Québec, nettement moins chargées en phosphore (généralement < 0,1 mg/L), est peu documentée. L’expérimentation réalisée dans le lac à l’Anguille visait notamment à quantifier le prélèvement de phosphore par unité de surface d’île flottante (mg/m2) et à déterminer les espèces végétales les plus performantes et les mieux adaptées à ce type de traitement. Un îlot flottant de 20 m2, composé d’une structure en acier et en aluminium et d’un substrat en fibre de noix de coco hébergeant 400 plantes de huit espèces distinctes, a été installé dans le secteur sud-ouest du lac à l’Anguille en 2008. Le suivi effectué en 2009, 2010 et 2012 a principalement consisté à mesurer la biomasse et la teneur en phosphore sur des échantillons de tissus végétaux et de substrat et à observer la croissance et la survie des plantes.
En se basant sur les résultats de biomasse et sur les teneurs en phosphore mesurées en 2012, alors que la plupart des plantes présentes sur l’île flottante étaient relativement matures, les auteurs retiennent la valeur de 1 000 mg P/m2 d’île flottante comme taux de retrait du phosphore de la colonne d’eau pour une saison de croissance. Cette valeur est basée sur la quantité de phosphore mesurée dans la partie aérienne de la plante considérée comme la plus performante, Typha latifolia (quenouille), à la fin de la saison de croissance 2012. Ce taux de retrait, « conservateur » selon les auteurs, ne prend pas en compte le phosphore emmagasiné dans les organes souterrains des plantes (racines, rhizomes, etc.) et dans le substrat de l’îlot. En effet, étant donné la difficulté à évaluer la part du phosphore emmagasiné dans ces compartiments qui peut retourner dans l’eau du lac, seul le phosphore présent dans les tiges et les feuilles faucardées a été considéré comme définitivement retiré du plan d’eau. Considérant le volume d’eau du lac (5 183 661 m3), sa concentration moyenne en phosphore (0,013 mg/L) et le taux de retrait du phosphore (1 000 mg P/m2 d’île flottante), les auteurs estiment que, pour réduire de 50 % la concentration de phosphore dans l’eau du lac à l’Anguille, il faudrait 33 500 m2 d’îles flottantes, soit 1 650 îlots de 20 m2, ce qui correspond à environ 3,5 % de la superficie du lac. En se basant sur les taux de rendement calculés et sur leur observation de la croissance et de la survie des plantes, y compris les phénomènes d’acclimatation et de déprédation, les auteurs ont déterminé que les espèces végétales les plus performantes et les mieux adaptées à ce type de biotraitement sont Typha latifolia, Iris pseudocarus, Spartina pectinata et Glyceria canadensis. D’autres recommandations concernant la conception et l’aménagement des îlots flottants sont présentées dans le rapport complet du volet 1 (PDF, 2 Mo) réalisé par le Groupe AIM pour l’Association de protection de l’environnement du lac à l’Anguille (APELA). L’expérimentation d’un marais filtrant pour réduire les apports de phosphore au lac
Le marais filtrant a été aménagé à même un tributaire agricole du lac à l’Anguille, 300 mètres en amont de son embouchure dans le lac. Ce ruisseau d’une longueur de 4 kilomètres draine une superficie de 155 hectares, dont 45 % sont occupés par des cultures fourragères. La construction du marais d’une superficie de 1 100 m2 a débuté en 2009 et s’est poursuivie en 2010. Environ 10 000 plantes appartenant à 10 espèces distinctes ont été implantées dans le marais. Le maintien de l’eau dans le marais est assuré par un seuil, muni d’un déversoir rectangulaire, aménagé à l’extrémité aval du marais. L’évaluation de l’efficacité épuratrice du marais a consisté à quantifier la charge de phosphore (mg/unité de temps) retenue par le marais, en soustrayant la charge sortante de la charge entrante, celles-ci ayant été obtenues en multipliant la concentration de phosphore (mg/L) par le débit (m3/s). Pour les besoins de cette évaluation, le suivi des concentrations de phosphore (total et dissous) et des débits a été effectué à l’entrée et à la sortie du marais en 2011 et en 2012. La concentration moyenne de phosphore total mesurée à la sortie du marais, en 2011 et en 2012, était respectivement de 38 % et 18 % inférieure à la concentration moyenne mesurée à l’entrée du marais. En termes de charges, le marais aurait retenu 1,92 kilogramme (1,75 g/m2/an) et 0,81 kilogramme (0,74 g/m2/an) de phosphore total en 2011 et en 2012, ce qui correspond respectivement à 18 % et 9 % de la charge entrante annuelle de phosphore total. Bien que le taux de rétention de la charge entrante au printemps (avril-mai) soit relativement faible (2 % en 2011 et 5 % en 2012), les quantités de phosphore retenues durant cette période peuvent être considérables et constituer une portion importante de la charge annuelle retenue (44 % en 2012), les charges entrantes printanières étant relativement élevées. Les résultats du suivi indiquent également que le taux de rétention du phosphore dissous était généralement supérieur au taux de rétention du phosphore particulaire. Selon les auteurs de l’étude, les taux de rétention obtenus en 2011 sont comparables à ceux qui sont rapportés dans la littérature pour des conditions similaires. La moins bonne performance qu’a connue le marais en 2012 est attribuée, notamment, aux conditions d’étiage « sévère » survenues durant l’été, où les faibles débits ont été accompagnés d’une augmentation de la température de l’eau et d’une diminution des teneurs en oxygène dissous. Pour améliorer la performance du marais, les auteurs misent notamment sur l’augmentation de la capacité de rétention du phosphore durant la période printanière, moment où les charges entrantes sont importantes. Ils suggèrent des solutions pour augmenter la capacité hydraulique du marais, de façon à ralentir les débits durant la période de crue et à augmenter le temps de rétention de l’eau dans le marais. D’autres recommandations relatives au fonctionnement et à l’entretien du marais sont présentées dans le rapport complet du volet 2 (PDF, 2 Mo) réalisé par le Groupe AIM pour l’APELA. Observations généralesLa quantification des charges de phosphore qui ont pu être interceptées par le marais, ou qui ont été retirées définitivement du plan d’eau par l’îlot flottant, comporte une part d’incertitude attribuable aux limites méthodologiques de l’expérimentation. Dans le cas de l’îlot flottant, d’une part, il a été difficile de quantifier la biomasse produite à chacune des saisons de croissance en la distinguant des réserves accumulées les années antérieures dans les organes souterrains (racines, rhizomes, etc.). Étant donné que seul le suivi de 2012 a généré des données distinctes pour les organes souterrains et pour la partie aérienne (tiges et feuilles), la quantité de phosphore retirée du plan d’eau par le faucardage des tiges a pu être calculée seulement pour l’année 2012. D’autre part, les valeurs de biomasse et les teneurs en phosphore pour chaque espèce, par unité de surface, ont été établies à partir d’un faible nombre de spécimens (de trois à cinq par espèce) et en utilisant des valeurs de densité spécifique (n/m2) approximatives qui peuvent être différentes des densités optimales. Les taux de retrait du phosphore par mètre carré pour une saison (mg P/m2/saison) qui ont été calculés ainsi pour chaque espèce comportent une part d’incertitude difficile à estimer. De plus, il se peut qu’une partie du phosphore capté par les plantes provienne d’autres sources que du plan d’eau, par exemple des fientes d’oiseaux ou des excréments d’autres animaux qui ont pu séjourner sur l’îlot à un moment donné, ce qui ajoute à l’incertitude des valeurs calculées. Dans le cas du marais filtrant, les variables du calcul des charges ont comporté une marge d’incertitude qui se répercute sur les taux de rétention calculés. D’une part, la concentration de phosphore (à l’entrée et à la sortie du marais) a été analysée une seule fois par semaine et considérée comme identique tous les autres jours de la semaine, alors qu’en réalité, elle a pu varier passablement. D’autre part, seul le débit entrant a pu être calculé en continu, à l’aide d’une station de jaugeage munie d’un enregistreur de niveau et d’une sonde à ultrasons qui permettait d’enregistrer les niveaux d’eau (m) et de calculer les débits correspondants (m3/s) aux 30 minutes. Le débit sortant a été calculé à partir du débit entrant, en y retranchant une valeur d’évapotranspiration et en y ajoutant une valeur de pluviométrie. Toutefois, le débit sortant a pu être vérifié une fois par semaine, à l’aide d’un courantomètre (m/s) et des mesures de la hauteur (m) et de la largeur de l’eau (m) sur le déversoir du seuil aval. Les auteurs indiquent que les valeurs du débit sortant ainsi calculées étaient généralement semblables aux valeurs du débit entrant. Conclusion et recommandationsL’expérimentation réalisée au lac à l’Anguille a permis d’acquérir des connaissances sur l’adaptabilité des îles flottantes aux lac mésotrophes du Québec. Elle a permis d’en savoir davantage sur la résistance de ces ouvrages aux rigueurs de l’hiver et sur les espèces de plantes qui semblent les mieux adaptées à ce type de biotraitement dans nos conditions. L’évaluation de l’efficacité de l’îlot à retirer le phosphore accumulé dans la colonne d’eau comporte passablement d’incertitude et la quantité d’îlots flottants requise pour réduire significativement les concentrations de phosphore peut être relativement importante. La pertinence d’aménager ce type d’ouvrages sur un plan d’eau donné doit faire l’objet d’une évaluation globale qui tient notamment compte des coûts associés à l’aménagement et à l’entretien de la structure et des plantes, des besoins de surveillance, des ressources du milieu et des éventuels conflits d’usages entre les utilisateurs du plan d’eau. Rappelons que l’aménagement d’îlots flottants dans un plan d’eau requiert un certificat d’autorisation en vertu de l’article 22 de la Loi sur la qualité de l’environnement (LQE) préalablement à la réalisation des travaux. Un projet visant l’implantation d’un nombre important d’îlots flottants dans un même plan d’eau ne pourrait être autorisé qu’à titre expérimental et à condition de comporter un programme de suivi rigoureux visant à documenter davantage l’efficacité réelle de ces ouvrages et leurs conditions d’utilisation. Une autorisation du ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs en vertu de la Loi sur la conservation et la mise en valeur de la faune serait également requise, compte tenu que l’implantation est réalisée dans l’habitat du poisson. L’expérimentation du marais filtrant a permis d’acquérir des connaissances sur la conception, l’aménagement et l’entretien de ce type de biotechnologies dans les conditions du Bas-Saint-Laurent. La quantification des charges de phosphore captées par le marais filtrant demeure approximative et ces charges peuvent varier en fonction de divers facteurs, dont les conditions climatiques. Des recommandations visant à améliorer la performance d’un marais filtrant ont pu être dégagées de l’expérimentation et pourront éventuellement être profitables à ceux qui voudront implanter ce type d’ouvrages dans le bassin versant de leur plan d’eau. Rappelons que l’implantation d’un marais filtrant requiert l’obtention d’un certificat d’autorisation en vertu de l’article 22 de la LQE préalablement à la réalisation des travaux. Dans tous les cas, avant d’envisager l’implantation de biotechnologies pour la captation du phosphore dans les cours d’eau et les lacs, il faut orienter les efforts vers la réduction à la source. Ainsi, il faut s’assurer que les principales sources de phosphore, à l’échelle du bassin versant du lac, ont été identifiées, que les mesures de réduction des apports dans le lac ont été déterminées et que ces dernières sont coordonnées dans un plan d’action. Pour plus d’information, consultez les deux volumes du rapport du projet réalisé par le Groupe AIM pour l’APELA : |
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