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Lacs acides au Québec - 2004

Résumé

Les précipitations acides et leurs effets sur les milieux aquatiques et forestiers ont été largement médiatisés au Québec depuis les 20 dernières années. La grande vulnérabilité des eaux de surface, combinée à une forte exposition aux retombées acides, explique qu’un grand nombre de lacs du Québec aient été acidifiés depuis le début des années 1900. Les causes de l’acidification ont été clairement identifiées. Au-delà de la seule baisse de pH, cette acidification a entraîné des effets directs et indirects chez de nombreuses espèces de poissons, de macro-invertébrés, de plantes aquatiques et autres organismes aquatiques. Dans certains cas, les populations de poissons sont complètement disparues des lacs très acides.

Pour résoudre ce problème, les dirigeants des pays industrialisés, dont ceux du Québec, du Canada et des États-Unis, ont décidé d’intervenir à la source en initiant de vastes programmes de réduction d’émissions d’oxydes de soufre (SO2) et d’oxydes d’azote (NOx). Ces programmes ont permis de réduire les émissions de SO2 de 50 % à 70 %. Ces interventions commencent à avoir du succès puisque la qualité de l’eau de nombreux lacs acides s’est améliorée au cours de la dernière décennie. Le problème demeure toutefois toujours présent pour un grand nombre de lacs très sensibles. Des retombées acides excédant la capacité des lacs à maintenir un pH suffisamment élevé, l’accroissement de la sensibilité des sols forestiers et le rôle grandissant des nitrates sont autant de facteurs qui retardent la récupération des lacs acides du Québec.


Référence : DUPONT, J., 2004. La problématique des lacs acides au Québec, Direction du suivi de l’état de l’environnement, ministère de l’Environnement, envirodoq no ENV/2004/0151, collection no QE/145, 18 p.

Rapport, format PDF, 638 ko*

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Introduction
L'état de l'acidité des lacs du Québec
Les causes de la dégradation
Les conséquences de l'acidification des lacs
Les actions du milieu
Références bibliographiques
Équipe de réalisation

Introduction

La reconnaissance que les émissions polluantes peuvent avoir un impact sur l’environnement ne date pas d’hier. L’histoire nous montre que dès 1662 la citoyenne d’origine britannique, Evelyn Graunt, observait que les émissions gazeuses provenant des industries affectaient la santé des plantes et des humains et que des mesures correctrices comme des cheminées plus hautes et le déplacement des industries vers l’extérieur des villes seraient nécessaires.

Au Québec, cette prise de conscience a eu lieu beaucoup plus tard. Ce n’est qu’en 1978 que la première étude sérieuse concernant l’acidité des précipitations a été effectuée par l’Institut national de la recherche scientifique-Eau de l’Université du Québec. Les chercheurs notèrent que les pluies étaient très acides dans le sud-ouest québécois. Plusieurs autres études, étalées tout au long de la décennie 1980, permirent d’identifier l’étendue de l’acidité des lacs au Québec et les mécanismes qui étaient à l’origine de cette acidification. Ces observations, combinées au fait que le territoire québécois est en grande partie sensible à l’acidification, ont incité les gouvernements, les groupes d’intérêt, les scientifiques et la population en général à s’interroger sur les conséquences de cette pollution sur l’environnement. La communauté scientifique reconnaît maintenant que les précipitations acides produisent des effets néfastes sur les écosystèmes aquatiques, terrestres et forestiers ainsi que sur la santé des humains.

Au début des années 1980, le gouvernement du Québec a mis en place une série de mesures pour contrôler les émissions polluantes. Des efforts sont maintenant déployés pour évaluer le bénéfice de ces mesures. Les plus récentes études montrent malheureusement que de nouveaux problèmes pourraient amoindrir les bénéfices escomptés des réductions d’émissions.

Haut

L’état de l’acidité des lacs du Québec

Variabilité spatiale
Origine de l'acidité

Variabilité spatiale des lacs acides au Québec

Les lacs acides (pH ≤ 5,5) et ceux de transition (pH compris entre 5,5 et 6) sont plus particulièrement localisés dans le sud-ouest du Québec et sur la Côte-Nord où les sols possèdent une faible protection naturelle contre l’acidification et où les dépôts acides sont marqués. La sensibilité des plans d’eau à l’acidification s’explique par la nature géologique des sols qui les supportent. De fait, ces plans d'eau reposent sur des roches ou des sols granitiques. Les cartes de sensibilité de la roche en place montrent que près de 90 % du territoire québécois est sensible à l’acidification. Quelques enclaves moins sensibles doivent leur protection à la présence de carbonates dans leurs sols, lesquels sont générés par l’altération des roches calcaires. C’est le cas des régions situées au sud du Saint-Laurent et de quelques autres enclaves protégées : les régions des lacs Saint-Jean et Mistassini, le nord de la ville de Gatineau et les basses-terres de l’Abitibi. L’alcalinité totale, qui est un bon indicateur de la sensibilité des lacs, montre que les concentrations de carbonates sont très faibles en milieu sensible, ce qui est le cas de la plus grande partie du Bouclier canadien.

Niveau d'acidité des lacs du Québec méridional

Les lacs acides sont situés pour la très grande majorité dans les secteurs de grande sensibilité, bien que ce ne sont pas tous les lacs qui soient acides dans ces régions. Un lac peut très bien ne pas être acide dans une de ces régions à risque. D’autres facteurs de protection peuvent expliquer l’absence d’acidification : sol plus épais, grand bassin versant, etc. Les lacs acides forment souvent des grappes dans les régions les plus sensibles ou les plus exposées aux retombées acides. C’est le cas d’une large zone comprise entre les villes de Québec, Gatineau, Rouyn‑Noranda et Chibougamau. Une autre zone de lacs acides se situe sur la moyenne Côte‑Nord. Seuls de rares lacs acides sont observés dans les autres zones du Québec.

Région

Lacs acides
pH £ 5,5
Lacs en transition
5,5 > pH < 6,0
Nombre total
de lacs
% Nombre % Nombre
Côte-Nord 33,0 13 066 66,0 26 132 39 595
Outaouais 23,3 7 708 62,5 20 675 33 080
Mauricie 11,8 3 139 58,3 15 509 26 602
Abitibi 15,9 2 447 40,1 6 171 15 388
Saguenay 6,9 3 072 29,0 13 101 45 177
Total 18,4 29 432 51,0 81 588 159 842

Près de 19 % des 160 000 lacs de plus de 10 hectares recensés sur le Bouclier canadien par le ministère de l’Environnement entre 1986 et 1990 étaient acides, soit près d’un lac sur cinq ou encore 29 400 lacs pour la seule partie sud de la province. Ce pourcentage monte à 51 % si on tient compte des lacs de transition où des dommages biologiques risquent de survenir. Ces pourcentages varient toutefois d’une région à une autre, la proportion de lacs acides étant plus grande dans l’Outaouais, la Mauricie, l’Abitibi et la Côte-Nord. Pour sa part, Environnement Canada a estimé à 95 000 le nombre total de lacs acides pour le sud-est du Canada.

Origine de l’acidité des lacs

L’acidité d’un lac peut être d’origine naturelle ou humaine. Le terme « lac acidifié » est utilisé dans ce dernier cas. Cette acidification est généralement survenue au cours des 40 à 100 dernières années. Par contraste, les lacs naturellement acides le sont depuis des millénaires. Pour certains, c’est la présence d’acides humiques lessivés des sols forestiers qui rend l’eau acide; ces lacs sont de couleur rougeâtre. Pour d’autres, c’est la géologie qui est responsable de l’acidité des eaux; on les reconnaît aisément à leur belle coloration turquoise. Un lac acidifié par l’homme se démarque des lacs naturellement acides par sa grande limpidité. Un grand nombre de lacs du Québec sont naturellement acides. La plupart sont des tourbières acides ou des lacs riches en matières humiques. Les lacs acides d’origine géologique sont plus rares. On en connaît quelques uns dans l’Outaouais et plusieurs dans la région de Schefferville. Certains de ces lacs peuvent afficher des pH aussi faibles que 3 unités.

Un lac peut-il mourir?

La croyance populaire selon laquelle les pluies acides peuvent tuer un lac est plus ou moins exacte. Il est vrai que l’acidification récente des plans d’eau peut être responsable de la perte d’espèces animales et végétales et que la disparition complète des communautés de poissons peut survenir dans les lacs les plus acides. Pour les pêcheurs sportifs, un lac sans poissons est souvent considéré comme « mort ». Au point de vue écologique, cette notion de lac mort est fausse. L’acidification peut grandement appauvrir un plan d’eau, mais rarement au point d’éliminer toute vie. Certaines espèces de plantes (mousses et sphaignes), d’insectes aquatiques et de micro-organismes réussissent très bien à survivre dans un milieu fortement acide.

Origine de l'acidité des lacs du Québec méridional

L’acidification est-elle réversible sur les plans chimique et biologique?

L’acidification est réversible sur le plan physico-chimique. Une étude scientifique effectuée par Environnement Canada a montré que les plans d’eau acidifiés sont généralement en mesure de récupérer lorsque les apports acides sont réduits ou éliminés. Le potentiel de récupération biologique est toutefois moins grand. On assiste plutôt à la mise en place d’une communauté biologique différente de l’originale. Ceci s’explique en partie par la perte du patrimoine génétique des populations de poissons et d’insectes qui ont été décimées, mais aussi par la compétition biologique qui peut favoriser certaines espèces originellement absentes du plan d’eau. La réversibilité biologique est aussi un processus beaucoup plus lent que la réversibilité physico-chimique. Dans certains lacs fortement acidifiés, le potentiel de récupération biologique peut être très limité lorsque l’écosystème a subi des dommages importants.

Pour de nombreux lacs acides, l’origine de l’acidité est à la fois naturelle et anthropique, c’est‑à‑dire provoquée par des activités humaines. Dans de tels cas, l’acidification récente est venue se superposer aux conditions d’acidité naturelle qui existaient déjà. Il est difficile de reconnaître l’origine de l’acidité d’une eau dans un lac lorsque cette acidité provient de plusieurs sources. Le ministère de l’Environnement a développé un outil de classification des lacs (nomogramme de classification des lacs) qui lui permet d’identifier le type de lac acide en comparant les concentrations relatives de sulfates, de carbonates et d’anions organiques. Ce modèle a permis de montrer que les lacs du sud-ouest québécois ont été récemment acidifiés alors que ceux du nord-est étaient naturellement acides.

Nomogramme de classification des lacs
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Fin


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