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Modélisation de la qualité bactériologique d'un site potentiel de baignade à l'anse au Foulon, Sillery
5 - Résultats de la modélisationTrois modèles ont été élaborés afin d’expliquer les concentrations en coliformes fécaux observées : un premier modèle général qui peut être utilisé tant à marée montante qu’à marée baissante, un second qui se réfère à la marée montante ou à l’étale de marée haute et un troisième qui estime les concentrations de coliformes fécaux pendant le baissant ou l’étale de marée basse. 5.1 Modèle généralLe modèle général explique un peu plus de 53 % de la variance des concentrations en coliformes fécaux (transformation logarithmique). L’intensité des précipitations au cours des 24 heures précédant l’échantillonnage (transformation logarithmique) explique 27 % de la variance, alors que l’ajout de la phase de la marée (montant : MM = 1; baissant : MM = 0) en explique un 18 % supplémentaire; ces deux variables combinées rendent ainsi compte de près de 45 % de la variance observée. Le nombre d’animaux domestiques présents sur le site (transformation logarithmique) ainsi que l’amplitude de la marée le jour de l’échantillonnage permettent d’expliquer un 9 % supplémentaire de la variance. Log10(CF+1) = 1,794 + 0,580log10(IP1+1) - 0,274(MM) + 0,561log10(ANIM+1) + 0,111(AM)
La figure 2 exprime graphiquement le modèle général. Le nuage de points des concentrations mesurées en fonction des concentrations prédites se situe à l’intérieur de l’intervalle de confiance à 95 % de la droite de régression. Figure 2 - Droite de régression multiple du modèle prédictif général des concentrations en coliformes fécaux à l’anse au Foulon Ouest Nous avons déterminé l’intensité minimale de pluie, tombée au cours des 24 dernières heures, nécessaire pour générer un dépassement du critère de qualité relatif à la baignade (200 coliformes fécaux/100 ml). Ainsi, à amplitude de marée moyenne (4,36 m) et en l’absence d’animaux domestiques sur le site, l’intensité des précipitations qui entraînerait un dépassement du critère, à la marée montante, est d’environ 2,28 mm/h. Une intensité de pluie de 0,11 mm/h suffirait pour qu’il y ait dépassement du critère lors de la marée baissante. Nous avons également pu déterminer le bruit de fond des teneurs en coliformes fécaux pour chaque phase de la marée. Ainsi, par temps sec et en l’absence d’animaux domestiques sur la plage, il est de 100 coliformes fécaux/100 ml à marée montante et de 189 coliformes fécaux/100 ml à marée baissante. Cette situation est probablement causée par des débordements d’eaux usées non traitées qui surviennent à cause de raccordements illégaux au réseau pluvial ou à la suite d’un mauvais fonctionnement des ouvrages de surverse par temps sec. La source de contamination est probablement localisée en amont de la plage, car la contamination est plus importante à marée baissante qu’à marée montante. 5.2 Modèle à marée montanteLe modèle développé pour le montant explique près de 80 % de la variance des concentrations en coliformes fécaux (transformation logarithmique). L’intensité des précipitations au cours des 24 heures précédant l’échantillonnage (transformation logarithmique) explique près de 53 % de la variance, alors que l’ajout du nombre total d’oiseaux présents sur le site en explique un 17 % supplémentaire; ces deux variables combinées rendent ainsi compte de près de 70 % de la variance observée. La somme des précipitations des trois jours (transformation logarithmique) précédant la journée de l’échantillonnage permet d’expliquer un 10 % supplémentaire de la variance. Log10(CF+1) = 1,233 + 0,460log10(IP1+1) + 0,536log10(TO+1) + 0,234log10(SP3+1)
Nous avons déterminé le bruit de fond des teneurs en coliformes fécaux, pendant le montant, en utilisant ce modèle. Ainsi, en l’absence de pluie dans les trois jours précédant l’échantillonnage, et considérant la présence de 14 oiseaux sur le site (ce qui correspond au nombre moyen d’oiseaux présents sur le site lors des journées d’échantillonnage), la concentration en coliformes fécaux serait de 73 UFC/100 ml. Nous avons également pu déterminer l’intensité de pluie tombée au cours des 24 dernières heures nécessaire pour générer un dépassement du critère relatif à la baignade. En considérant la présence de 14 oiseaux sur le site, il suffit d’une intensité de 1 mm/h si SP3 est égale ou supérieure à 20 mm, de 2 mm/h si SP3 est comprise entre 7,5 mm et 20 mm et de 2,5 mm/h si SP3 varie entre 5 mm et 7,5 mm. La figure 3 exprime graphiquement le modèle élaboré à marée montante. Le nuage de points des concentrations mesurées en fonction des concentrations prédites se situe à l’intérieur de l’intervalle de confiance à 95 % de la droite de régression.
5.3 Modèle à marée baissanteLe modèle développé pour le baissant permet d’expliquer un peu plus de 44 % de la variance du logarithme des concentrations en coliformes fécaux. L’intensité des précipitations au cours des 24 heures précédant l’échantillonnage (transformation logarithmique) explique près de 27 % de la variance, alors que l’ajout de l’amplitude de la marée en explique un 12 % supplémentaire; ces deux variables combinées rendent ainsi compte de près de 39 % de la variance observée. Le nombre d’animaux domestiques présents sur le site (transformation logarithmique) explique quant à lui un 6 % supplémentaire de la variance. Log10(CF+1) = 1,665 + 0,525log10(IP1+1) + 0,143(AM) + 0,535log10(ANIM+1)
Nous avons déterminé, à l’aide de ce modèle, l’intensité minimale de pluie, tombée au cours des 24 heures précédant l’échantillonnage, nécessaire pour générer un dépassement du critère de qualité relatif à la baignade (200 coliformes fécaux/100 ml). Ainsi, à amplitude de marée moyenne (4,36 m) et en l’absence d’animaux domestiques sur le site, l’intensité de précipitations qui entraînerait un dépassement du critère, lors de la marée baissante, est d’environ 0,07 mm/h. Nous avons également déterminé le bruit de fond des teneurs en coliformes fécaux, pendant le baissant, en utilisant ce modèle. En l’absence de pluie au cours des trois journées précédant l’échantillonnage et en l’absence d’animaux domestiques sur le site, nous avons calculé un bruit de fond de 192 coliformes fécaux/100 ml. Ce bruit de fond important confirme celui établi pour le modèle général lorsque la marée est baissante. La figure 4 exprime graphiquement le modèle élaboré à marée baissante. Le nuage de points des concentrations mesurées en fonction des concentrations prédites se situe en très grande partie à l’intérieur de l’intervalle de confiance, à 95 % de la droite de régression.
6 - Discussion
Le tableau 2 présente les coefficients de corrélation de Spearman entre les concentrations de coliformes fécaux mesurées et les différentes variables explicatives. L’évolution journalière des principales variables explicatives est présentée à l’annexe 2. Certaines variables explicatives non corrélées significativement (P ³ 0,05) avec les coliformes fécaux peuvent être retenues dans un des modèles considérés et, inversement, certaines variables fortement corrélées avec les décomptes de coliformes fécaux peuvent ne pas l’être. Une variable explicative non corrélée de façon significative avec la variable réponse peut en effet contribuer fortement à expliquer quelques valeurs seulement et ainsi être conservée dans le modèle. Cependant, la contribution de ces variables au pouvoir explicatif du modèle est habituellement faible; c’est le cas notamment de l’amplitude de la marée (AM) qui a été retenue dans le modèle général, mais qui ne contribue qu’à expliquer que 3,5 % de la variance observée des concentrations en coliformes fécaux (transformation logarithmique). Dans le modèle élaboré pour la marée baissante, le pouvoir explicatif de cette variable atteint cependant 12 %. Il faut noter que l’amplitude de la marée présenterait une corrélation significative avec les concentrations en coliformes fécaux à un niveau de signification de 10 % (P = 0,0827 pour le modèle général; P = 0,0651 pour le modèle à marée baissante). Une variable fortement corrélée avec la variable réponse peut, à l’inverse, ne pas être retenue dans un modèle parce qu’une autre variable, qui lui est corrélée, a déjà été retenue. C’est le cas du nombre de goélands (GOGO) dans le modèle élaboré pour la marée montante; cette variable n’a pas été retenue dans le modèle, mais elle est fortement corrélée au nombre total d’oiseaux (TO) qui, lui, a été retenu. Les concentrations en coliformes fécaux sont corrélées avec la variable VSE (vent du sud-est) et inversement corrélées avec la variable VO (vent de l’ouest), au montant. Ces variables n’ont cependant pas été retenues dans les modèles développés. Dans le cadre de la présente étude, ces variables ne présentent pas de corrélation statistiquement significative avec l’intensité des précipitations de la veille ou avec la somme des précipitations des derniers jours. La fréquence de ces vents a été trop faible pour qu’on puisse mettre en évidence une telle relation. Les vents à dominance est sont généralement associés à des précipitations qui, elles, sont fortement corrélées avec les concentrations en coliformes fécaux; le phénomène inverse se produit avec les vents à dominance ouest. Certaines variables peuvent présenter une corrélation fortuite, mais statistiquement significative avec les concentrations en coliformes fécaux, et n’avoir aucun lien de causalité avec la variable réponse. C’est fort probablement le cas pour le nombre d’animaux domestiques présents sur le site (ANIM), car leur présence est très ponctuelle (7 visites sur 72) et leur nombre très faible (entre 0 et 3 chiens). Dans le modèle général et dans le modèle élaboré à marée baissante, cette variable ne contribue qu’à expliquer que 5 % de la variance observée dans les concentrations en coliformes fécaux (transformation logarithmique). Dans le cadre d’une étude réalisée sur plusieurs plages du lac Huron (Aldom et al., 1998), aucune relation significative entre le nombre de chiens présents sur les sites et les concentrations en E. coli n’avait été mise en évidence. Contrairement à Aldom et al. (1998), nous n’avons pas trouvé de corrélation significative entre la turbidité, la force des vents, la hauteur des vagues et les concentrations en coliformes fécaux. La configuration des sites étudiés (pente de la plage, type de substrat, exposition aux vents, etc.) ainsi que les sources de contamination pouvant les affecter expliquent cette différence. Par contre, nous avons mis en évidence une relation significative entre le nombre de goélands présents et la qualité bactériologique de l’eau du site au montant. Par temps sec, les bruits de fond des teneurs en coliformes fécaux, déterminés à l’aide du modèle général et des modèles propres à chaque phase de marée, sont très cohérents : au montant, les valeurs obtenues en utilisant le modèle général et le modèle spécifique sont respectivement de 100 UFC/100 ml et 73 UFC/100 ml, alors qu’au baissant ces valeurs sont respectivement de 189 UFC/100 ml et 192 UFC/100 ml. Pendant le baissant, l’intensité minimale de pluie, tombée au cours des 24 heures précédant l’échantillonnage et nécessaire pour générer un dépassement du critère de qualité relatif à la baignade (200 coliformes fécaux/100 ml), est de 0,11 mm/h pour le modèle général et de 0,07 mm/h pour le modèle à marée baissante. L’utilisation du modèle général ou d’un modèle propre à une phase de marée conduit donc à des résultats équivalents. Le modèle à marée montante, qui a été développé à partir d’un nombre restreint de données, pourrait toutefois être amélioré. 7 - ConclusionLa qualité bactériologique de l’eau à l’anse au Foulon Ouest varie grandement d’une journée à l’autre et n’est pas adéquate, dans l’état actuel des infrastructures d’assainissement, pour permettre une baignade ne présentant pas de risques pour la santé humaine. Par temps sec et pendant la phase de marée montante, les concentrations en coliformes fécaux sont souvent inférieures au critère de qualité, mais pendant le baissant le critère de qualité est presque atteint et une très faible pluie suffit pour qu’il soit dépassé. Les modèles statistiques développés dans le cadre de cette étude présentent un bon pouvoir prédictif et reposent essentiellement sur la phase de la marée et sur l’intensité des précipitations au cours des 24 heures précédant l’échantillonnage. L’élaboration de ce type de modèles, basés sur les précipitations et propres au site étudié, exige un effort d’échantillonnage important. En raison de leur nature statistique, ces modèles ne peuvent faire de distinction entre les sources de contamination ponctuelles ou diffuses et ils n’incorporent pas explicitement les phénomènes d’advection, de transport et de décroissance bactérienne. L’utilisation de ce type de modèle constituerait cependant une aide précieuse pour l’établissement de règles pouvant assurer la gestion d’une plage; il serait ainsi possible, si le niveau de contamination prédit par le modèle se situe au-delà du critère de qualité, de fermer la plage de façon préventive. Dans le cas où le niveau de contamination prédit est important mais se situe en deçà du critère de qualité, une confirmation de la valeur prédite pourrait être obtenue au moyen d’un échantillonnage. Une gestion préventive des plages du Saint-Laurent contribuerait grandement à diminuer l’exposition de la population à des eaux qui présentent une mauvaise qualité bactériologique. 8 - Références bibliographiquesALDOM, J., E. JAMIESON, T. PROUT, M. WALSH, D. VAN BAKEL, R. GRIFFITHS et G. PALMATEER, 1998. Rapid Fecal Coliform and Escherichia coli Detection in the Recreational Waters of Lake Huron Beaches and an Inland Beach in 1997, Ausable Bayfield Conservation Authority and the Tri-Municipal Council, Ontario Ministry of the Environment and GAP EnviroMicrobial Services, Inc., rapport préparé pour Santé Canada, 31 p., 1 annexe. AMERICAN PUBLIC HEALTH ASSOCIATION (APHA), 1995. Standard Methods for the Examination of Water and Wastewater, 19e éd., Washington (D.C.), American Public Health Association, American Water Works Association et Water Environment Federation, 10 sections. GAUVIN, D., E. DEWAILLY, G. LEBEL et G. LE ROUZÈS, 1998. 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