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25 ans d'assainissement des eaux usées industrielles au Québec : un bilan (suite)

Chapitre 3 : L'état d'avancement de l'assainissement des eaux usées industrielles en date de 1995

3.1    L'assainissement des eaux dans le secteur des pâtes et papiers

3.1.1    Caractéristiques des eaux usées
3.1.2    Nature des travaux d'assainissement
3.1.3    Appréciation des efforts de dépollution

3.2 et suivants


Chapitre 3 : L'état d'avancement de l’assainissement des eaux usées industrielles en date de 1995

Le présent état de la situation vise à établir, pour l’année 1995, le degré d’avancement de l’assainissement des quelque 2100 industries dont les rejets d’eaux usées sont jugés significatifs (800 situées sur le territoire de la CUM et 1300 réparties sur le reste du territoire québécois). Le bilan est présenté, d’une part, pour les établissements à l'extérieur du territoire de la CUM et, d’autre part, pour ceux raccordés au réseau d’égout de la CUM, l’appréciation des efforts d’assainissement étant basé sur des critères quelque peu différents. Afin de compléter ce portrait, un résumé de la situation, basé sur les bilans de conformité environnementale produits annuellement par le Ministère, est présenté pour le secteur minier qui compte en 1995, 72 sites actifs d'exploitation minière.

L’état de la situation pour les quelque 1300 établissements industriels en dehors de la CUM porte sur les mesures d’assainissement mises en place par les industries. Comme dans le cas des deux secteurs industriels réglementés, soit celui des pâtes et papiers et celui du raffinage du pétrole, la réglementation prévoit des obligations de mesure des rejets et de rapports au Ministère sous une forme bien définie, l’état de la situation est complété par une présentation de l’évolution des rejets de divers contaminants et du taux de conformité à la réglementation. Ces données sont extraites des bilans annuels produits par le Ministère à partir des données de suivi fournies par ces entreprises.

Pour chacun des sept autres secteurs, le bilan porte seulement sur le degré d’avancement de l’implantation des mesures d’assainissement spécifiques à chacun d’eux. Même si un bon nombre d’entreprises fournissent des données de suivi au Ministère en vertu d’engagements contractés lors de la délivrance de leur certificat d’autorisation, le Ministère n’est pas en mesure de colliger facilement cette information pour établir l’évolution des rejets de chacun des principaux secteurs industriels, compte tenu de la grande disparité des données reçues, et ceci, tant au niveau du contenu que de la forme.

L'information relative à l’avancement des travaux d’assainissement est tirée d’une banque de données constituée sur les industries ayant des rejets d’eaux usées significatifs, mise à jour au cours de 1995 avec l’aide du personnel des directions régionales du Ministère. À cette occasion, chaque établissement industriel s’est vu attribuer un des trois statuts suivants : « travaux d’assainissement terminés », « travaux d’assainissement en cours de réalisation », « travaux d’assainissement à définir ou à réaliser  ».

En ce qui a trait à la notion de « travaux d’assainissement terminés », il est utile de souligner que celle-ci fait référence à l’atteinte d’un degré d’assainissement qui peut être variable d’une industrie à l’autre. Ainsi, pour les établissements existants, les interventions d’assainissement exigées dans le PAEQ au cours des années 1980 et au début de la décennie 1990 visaient à procéder à un premier redressement de la situation, la presque totalité des eaux usées industrielles étant rejetées auparavant sans aucun traitement et sans se soucier de leur impact sur l’environnement. Ceci ne signifie pas pour autant qu’aucune intervention corrective ne sera requise ultérieurement; la réduction des effluents industriels est en réalité un processus évolutif qui, en vertu du concept de développement durable, devrait aboutir à l’élimination progressive des substances toxiques les plus nocives puis, à plus ou moins long terme, à l'absence quasi complète de rejet dans l'environnement.

Quant aux établissements qui se sont implantés entre 1978 et 1995, la notion de « travaux d’assainissement terminés » indique que la gestion des eaux usées est réalisée conformément aux exigences du Ministère établies lors de la délivrance des certificats d’autorisation.

En vue de donner une idée assez précise des travaux d’assainissement réalisés, on décrit, pour chacun des secteurs industriels, les principales caractéristiques des eaux usées puis la nature des diverses mesures d’assainissement qui ont été appliquées, incluant certains exemples. À chaque fois, la description des mesures d’assainissement touche trois volets, les mesures visant la prévention de la pollution (réduction à la source des contaminants), les mesures appliquées aux industries en réseau (procédés de prétraitement) et les mesures appliquées aux industries hors réseau (procédés de traitement complet).

Pour résumer, une appréciation globale des efforts de dépollution de chaque secteur industriel est présentée en fonction de la taille des entreprises (grandes, moyennes, petites et très petites entreprises) et en fonction du lieu de rejet des eaux usées (en réseau ou hors réseau). Dans chaque classe, on a établi le pourcentage des établissements dont les travaux d’assainissement étaient « terminés » ou « en cours de réalisation »; les cas de travaux « en cours de réalisation » ont été regroupés avec les cas de travaux « terminés » en raison du nombre restreint de cas « en cours de réalisation », et ceci dans chacun des secteurs industriels.

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3.1    L’assainissement des eaux dans le secteur des pâtes et papiers

En 1995, 65 fabriques de pâtes et papiers sont en exploitation au Québec et la production de l’année s’établit à environ 10,4 millions de tonnes de pâte à papier. Sur ces 65 fabriques, trois sont raccordées au réseau d’égout de la CUM. Quant aux 62 fabriques situées à l’extérieur de la CUM, la majorité d’entre elles, soit 51, rejettent leurs effluents hors réseau. Les rejets d’eaux usées des fabriques de pâtes et papiers sont constitués majoritairement d’eaux de procédé, à l’exception d’un cas dont les rejets sont seulement des eaux de refroidissement, toutes les eaux de procédé y étant recirculées.

En termes de taille, on compte à l’extérieur de la CUM 37 entreprises importantes qui emploient 250 personnes ou plus, et dont l’effectif des travailleurs représente près de 90 % de l’ensemble du secteur des pâtes et papiers.

3.1.1    Caractéristiques des eaux usées

Les principaux polluants présents dans les eaux de procédé des fabriques de pâtes et papiers sont respectivement des matières organiques à l’origine d’une importante demande biochimique en oxygène (DBO5), des matières en suspension (MES) très abondantes ainsi que des acides gras et résiniques. On y retrouve aussi, mais en quantités moindres, des métaux, des hydrocarbures, des composés phénoliques, des substances azotées et phosphatées, des traces de biphényles polychlorés - lorsque la fabrique utilise des fibres recyclées - , des composés organiques halogénés adsorbables (COHA) dont des polychloro-dibenzo-dioxines et des polychloro-dibenzo-furannes présents à l'état de traces - lorsque la fabrique utilise le chlore pour blanchir la pâte.

3.1.2    Nature des travaux d’assainissement

Une forte proportion des polluants cités précédemment peut être éliminée d’abord par des traitements primaires et ensuite par des traitements secondaires de type biologique. Il est avantageux d’implanter certaines mesures de prévention de la pollution pour réduire les charges polluantes avant de passer à l’étape de traitement.

Mesures de prévention de la pollution
Le secteur des pâtes et papiers est un de ceux qui a connu, depuis vingt ans, de nombreuses améliorations permettant de réduire la consommation d’eau et les charges polluantes. Parmi celles-ci, on peut mentionner :

  • le remplacement des ateliers de fabrication de la pâte à bas rendement, utilisant le sulfite ou le bisulfite, par des procédés moins polluants comme les procédés thermo-mécaniques;
  • la mise en place de mesures internes pour récupérer les fibres dans les eaux de procédé et la rationalisation de la consommation d’eau;
  • l’utilisation de l’oxygène et du peroxyde d’hydrogène pour blanchir les pâtes en remplacement du chlore;
  • la réutilisation des solutions de nettoyage et le nettoyage à haute pression;
  • la prévention des déversements accidentels en instaurant un programme d’entretien et de suivi fiable.

Prétraitements effectués par les industries en réseau
Une fabrique de pâtes et papiers en réseau ne doit pas, comme n’importe quelle autre industrie en réseau, perturber le fonctionnement des ouvrages d’assainissement municipaux. Puisque le débit de l’effluent est irrégulier, qu’il contient beaucoup de matières en suspension et que son pH peut être en dehors de l’intervalle fixé par les règlements municipaux (en général, entre 5,5 et 9,5), l’entreprise doit régulariser le débit, ajuster le pH et intercepter une bonne proportion des matières en suspension. L’équipement le plus fréquemment installé est un décanteur primaire avec ou sans ajout de polymères. Cependant, un flottateur peut remplacer avantageusement un décanteur; il requiert moins d’espace et peut être installé à l’intérieur d’un bâtiment. L’efficacité du flottateur pour la réduction des matières en suspension peut être supérieure à 98 % et il constitue une alternative intéressante pour récupérer et recycler les fibres d’un effluent concentré.

Traitements effectués par les industries hors réseau
Dans les fabriques de pâtes et papiers, des volumes d’eau importants sont utilisés soit pour le traitement de la pâte, soit pour le fonctionnement des équipements auxiliaires. En 1995, le volume total d’eaux usées est évalué en moyenne à 1,7 million de m³/d ce qui donne une indication de l’envergure des systèmes d'épuration qui doivent traiter chacun plusieurs dizaines de milliers de mètres cubes d'eaux usées par jour.

Les eaux de procédé caractérisées par des matières en suspension très abondantes et par une demande biochimique en oxygène très élevée nécessitent une combinaison de traitements primaires et secondaires afin de respecter les exigences du Règlement sur les fabriques de pâtes et papiers3. Généralement, les usines hors réseau installent des décanteurs primaires, procèdent à un ajustement du pH et ont recours à des traitements biologiques de type boues activées ou étangs aérés. Cependant, la nature de l’effluent et l’espace disponible peuvent orienter la chaîne de traitement biologique vers un procédé d’épuration par biofiltration ou encore par réacteur biologique séquentiel.

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3.1.3    Appréciation des efforts de dépollution

À la fin de 1995, sur les 62 fabriques de pâtes et papiers en exploitation à l’extérieur de la CUM, 60 ont complété leurs travaux d’assainissement de façon à pouvoir se conformer aux exigences du nouveau Règlement sur les fabriques de pâtes et papiers3 alors que les deux autres ont entrepris les travaux (voir annexe 2). On peut donc considérer que, dans ce secteur industriel, les travaux d’assainissement requis en vertu du règlement sont terminés ou sont en cours de réalisation dans 100 % des cas.

L’année 1995 représente une date cruciale pour le secteur des pâtes et papiers : pour se conformer aux exigences réglementaires, toutes les fabriques rejetant leurs eaux usées hors réseau devaient avoir installé des équipements de traitement secondaire avant le 1er octobre 1995, cette étape additionnelle de traitement devant se traduire par une réduction très marquée des charges en DBO5. En pratique, comme l’installation des traitements s’est échelonnée au cours de 1995, l’effet complet de ces nouveaux traitements sur les rejets annuels est plutôt observé dans les résultats de 1996.

En 1995, les rejets de l'ensemble des fabriques de pâtes et papiers du Québec s'élèvent respectivement à 46 370 tonnes de MES, 136 000 tonnes de DBO5 et 1797 tonnes de COHA20, dont environ 600 milligrammes de dioxines et furannes.

Figure 8 : Évolution des rejets de MES et DBO5, du débit et de la production de l'ensemble des fabriques (1981 à 1995) Secteur des pâtes et papiers
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Comme depuis le début des années 1980, en raison des exigences réglementaires, des mesures systématiques des paramètres de pollution sont effectuées, il est possible d’établir pour l’ensemble du secteur des pâtes et papiers, l’évolution des rejets annuels en MES et en DBO5 ainsi que du débit, et comparativement celle de la production. La figure 8 permet de constater les progrès importants réalisés de 1981 à 1995, avec des réductions respectives de 78 % pour les MES, de 71 % pour la DBO5 et de 35 % pour le débit, malgré une augmentation de production de près de 30 %20.

L’année 1996, montre, quant à elle, des réductions encore plus notables au niveau de la DBO5 suite à l’installation des traitements secondaires en 1995; les rejets totaux sont de 25 340 tonnes, ce qui correspond à une diminution de 95 % par rapport à 1981. Les effluents traités ne sont plus toxiques dans la plupart des cas et leur contenu en composés phénoliques, acides gras et résiniques a considérablement chuté21.

L’évolution des rejets des fabriques de pâtes et papiers par unité de production, c'est-à-dire par tonne de pâte à papier, est intéressante à observer. Le tableau 4 fait état de réductions remarquables de trois paramètres importants en l’espace de quatre décennies. La diminution de la pollution organique provenant du secteur des pâtes et papiers peut être également illustrée comparativement à la pollution générée par une population équivalente. Le tableau 5 démontre que la pollution organique de l’ensemble des effluents de ce secteur industriel correspond approximativement, en 1995, à celle générée par l’ensemble de la population du Québec avant tout traitement, et dès 1996, à environ 20 % de cette même population.

Tableau 4 : Évolution des caractéristiques des eaux usées du secteur des pâtes et papiers (par tonne de production)
Paramètre Années
1959(22) 1981(20) 1988(20) 1995(20) 1996(21)
Débit (m³/t) 210,0 120,0 95,0 61,0 61,0
DBO5 (kg/t) 93,0

59,1

37,3 13,0 2,4
MES (kg/t) 136,0 25,9 11,3 4,4 2,8

Tableau 5 : Comparaison entre la pollution organique rejetée par le secteur des pâtes et papiers et une population équivalente
Année Pollution organique du secteur des pâtes et papiers (tonnes de DBO5 /an) Population équivalente (personnes) (1)
1981 480 000 24,4 millions
1988 329 000 16,7 millions
1995 136 000 6,9 millions
1996 25 340 1,3 million

(1) Basé sur un rejet de 54 grammes de DBO5 par personne, par jour.

Figure 9 : Évolution des pourcentages de conformité aux normes de MES et DBO5 de l'ensemble des fabriques (1985 à 1995) Secteur des pâtes et papiers
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Depuis 1979, les rejets des fabriques de pâtes et papiers doivent respecter diverses normes. En 1995, les normes de rejet en MES et en DBO5 sont respectées toutes deux à 94 %, tandis que celles relatives aux COHA, aux dioxines-furannes et à la toxicité le sont à plus de 90 %20.

La figure 9 illustre l'évolution, entre 1985 et 1995, des pourcentages de conformité environnementale de l'ensemble des fabriques de pâtes et papiers pour deux paramètres, soit les MES et la DBO5. Parallèlement à la diminution des rejets apparaissant à la figure 8, une très nette amélioration du taux de conformité est observée, particulièrement depuis le début des années 199020.

 

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